Les crimes commis par le Front Patriotique Rwandais (FPR) et son armée sont bien documentés. Mais la façon dont il tue ses victimes est moins connue. Seules quelques bribes ont filtré. Un pan de cette ‘‘méthodologie criminelle’’ a été dévoilé par le Lieutenant Abdul Ruzibiza, un officier de Renseignement du FPR, repenti.
Dans son témoignage du 14 mars 2004, complété par son livre : « Rwanda. Histoire secrète» (Paris, Éditions du Panama, 2005) Ruzibiza décrit comment les militaires du FPR tuaient des populations civiles dans les zones conquises entre 1990 et 1994. Il s’agit entre autres de : attacher les jambes de la victime, les bras sur le dos, tirer jusqu’à l’éclatement de la poitrine ; fracasser la tête de la victime avec une vieille houe; enfoncer des coups de poignards dans les côtes, donner des coups de pieds et de baïonnette dans le ventre ; suspendre le supplicié, renversé sur une poutre dressée horizontalement, jusqu’à ce que son sang gicle des oreilles, de la bouche et du nez ; brûler le corps avec le jus des bidons en plastic chauffés ; percer le sexe avec des épingles ; tuer les enfants en les prenant par les jambes pour briser leurs têtes sur le mur ; obliger l’enfant à avoir des relations sexuelles avec son père ou avec sa mère, obliger les frères et sœurs à avoir des relations sexuelles avant de les tuer ; enfoncer des morceaux de fer ou de bois dans le sexe des filles et des femmes violées. Bref, selon toujours Ruzibiza, les bourreaux prenaient du plaisir à contempler patiemment l’agonie de leurs victimes.
A ce tableau macabre, je vais y ajouter deux témoignages du même genre recueillis au début de cette année.
Il s’agit de l’assassinat de la famille Mwongereza en juin 1994 et de celui de JM qui venait de rentrer des camps de l’ex-Zaïre en 1996.
L’assassinat des membres de la famille Mwongereza est décrit par Edouard Kabagema dans son livre : « Carnage d’une nation. Génocide et Massacres au Rwanda 1994 » (Paris, Editions L’Harmattan 2001, pp.152-155). Mais d’autres éléments inédits arrivent au fur des années.
Homme d’affaires, Josias Mwongereza et toute sa famille de 48 personnes furent tués en Juin 1994 à Nyanza au Sud du pays. Les Hutu furent séparés des Tutsi. Parmi les victimes figurent entre autres son frère Jonathan Mukwikwi.
Jonathan Mukwikwi avait une femme prénommée Gloria, une Hutu aux traits tutsi. Elle a été de ce fait épargnée et est rentrée à Kigali avec sa mère. Elle avait un garçon de 5 ans, prénommé Carnot. Elle ne cessait de pleurer son mari. D’où le FPR se rendit compte que Gloria était une Hutu qui avait vu les tueries de Nyanza. Une délégation du FPR vint l’amadouer : « Nous sommes désolés de ce qui s’est passé ; pour te consoler, le Parti a jugé bon de te chercher un mari, un officier de haut rang ». Gloria refusa la proposition. Sa mère fut contactée pour qu’elle puisse convaincre sa fille mais Gloria resta intraitable. Un beau matin, des militaires de la DMI (Directorate Military Intelligence) vint la prendre. Ils préviennent sa mère : « Ta fille s’en va. Si elle ne revient pas, ce sera pour des raisons d’Etat ». Le petit Carnot fut également embarqué. Ils ne reviendront plus jamais.
Il est important de préciser que si la famille Mwongereza n’a pas fui devant l’avancée du FPR, un des membres de la famille, l’homme d’affaires Silas Majyambere, par le biais de son parti, l’UPR (Union du Peuple Rwandais), avait signé un accord de collaboration avec le FPR à Bruxelles (Belgique) en octobre 1990. Un autre jeune de la famille prénommé Aimable, s’était engagé dans le FPR et était venu dans la région en éclaireur. La famille Mwongereza avait donc toutes les raisons de ne pas s’inquiéter. Mais elle n’a pas compté avec le cynisme du FPR.
Quant à JM, il fut emprisonné à son retour au Rwanda en 1996. Sa femme est restée avec des enfants mais n’a cessé de recevoir des menaces de la DMI. Un soir, les militaires débarquent à la maison. Ils prennent les deux fils de JM. Ce sont des adolescents. Ils sont conduits dans une salle pour apprendre à tirer au pistolet car il faut défendre le pays, leur dit-on. On leur montre la gâchette. Le plus âgé est conduit dans une salle à côté. Les militaires lui disent de tirer. La cible c’est son père. Le garçon tire. Son père tombe. Les militaires font entrer le second enfant. Ils lui mettent le pistolet dans les mains, lui demandent d’appuyer sur la gâchette. Le garçon tire sur son père agonisant et l’achève. Les deux enfants sont reconduits à la maison. Les menaces devenant insupportables, leur mère décide de s’enfuir avec ses enfants. Elle arrive en Belgique. Ses deux fils font des études universitaires. Mais le traumatisme les rattrape. L’aîné se suicide dans sa chambre. Son frère se donne lui aussi la mort par pendaison, quelques mois après.
©Gaspard Musabyimana, le 14 janvier 2008.
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