Colette Braeckman et les services secrets belges s’obstinent à vouloir absoudre Paul Kagame de ce crime odieux. Ils persistent également à tenter de le faire endosser aux services français. S’agit-il d’une guerre entre services secrets ou tout simplement de calculs de certains milieux politico-maffieux de la politique et des médias ?
Après la publication du rapport du Juge Bruguière en 2006, le moral des thuriféraires de Paul Kagame avaient vacillé et certains semblaient s’être résignés à se laisser rattraper par l’histoire. Mais depuis la nomination de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay et connaissant sa longue amitié avec le bourreau de Kigali, les tenants de la thèse d’un »complot hutu » exécuté avec l’aide de la France ont repris du poil de la bête. Kouchner a déclaré lui-même douter de ce que Kagame ait commandité l’attentat, un fait pourtant établi par un juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière.
Dans sa livraison du 2 au 3 février 2008, le quotidien belge « Le Soir » publie un long article signé par Colette Braeckman. Sur plusieurs colonnes, celle qu’on qualifie de spécialiste de la région des Grands Lacs ne cache pas sa jubilation pour avoir découvert qu’un détenu raconte une histoire qui désigne les agents français comme ayant comme ayant commis l’attentat.
L’homme qui est détenu depuis 14 ans prétend avoir observé les préparatifs, à partir du 4 avril, jusqu’au tir fatal dans la soirée du 6 avril 1994. Colette Braeckman souligne avec fierté qu’elle avait émise cette hypothèse déjà en 1994. Pour donner du poids au nouveau récit, Colette Braeckman fait le rapprochement avec certains témoignages des services de renseignements militaires belges.
Pourtant, à y regarder de plus près, cette nième histoire ne mériterait pas une telle attention. Elle est tellement truffée de contradiction, de contre-vérités et d’invraisemblances que ceux qui l’ont inventée et inculquée au pauvre prisonnier devraient plutôt en avoir honte.
Ainsi par exemple :
- Il est dit que le témoin XXG était officier de gendarmerie en 1994. Il dépendait donc des échelons hiérarchiques de la gendarmerie (Etat-major, Unités, …). D’après son récit, il aurait travaillé pratiquement 24 h sur 24h au service du Colonel Sagatwa pour filer les Français. En effet, il affirme les avoir tenus à l’œil du 4 jusqu’au 6 avril 1994 au soir, en observant tous leurs faits et gestes ainsi que leurs déplacements.
Pour accomplir une telle mission, l’officier XXG devait ou bien être détaché de son unité et mis aux ordres du Colonel Sagatwa, ou bien être en disponibilité de service dans la gendarmerie (congé,…) pour mener de telles activités en dehors de son unité.
Or ni l’Etat-major de Gendarmerie ni aucune unité de Gendarmerie de la garnison de Kigali n’avait mis son officier aux ordres du Colonel Sagatwa le 4 avril 1994. De plus XXG ne pouvait être en congé ou en disponibilité puisqu’il affirme avoir utilisé les moyens de l’Etat (véhicules, uniformes de gendarmerie) pour filer les Français. S’il l’a fait, c’est qu’il était en service commandé. Ce qui est exclu.
- Le Français venu du Burundi que XXG devait filer aurait logé à l’hôtel Kiyovu. Ce n’est pas vrai car à l’époque, l’hôtel Kiyovu ne recevait plus d’hôtes. Il était en rénovation et en restructuration au niveau de la gestion. Seule la section « Bar » fonctionnait.
- Le Commandant du camp Kanombe était le Colonel Félicien Muberuka et non Aloys Ntabakuze comme l’affirme le fameux XXG. Le Colonel Muberuka vit en exil et affirme qu’il n’a jamais reçu des Français dans son bureau le 6 avril 1994. Quant à Aloys Ntabakuze, il est détenu à Arusha depuis 1997. Peut-être que ceci explique cela !
- La MINUAR (Mission des Nations Unies au Rwanda) présente à Kigali en 1994 possédait des jeeps peintes en blanc avec les lettres U.N. Ces jeeps étaient toutes du contingent belge et étaient de la marque « ILTIS BOMBARDIER ». Le bataillon de reconnaissance ne possédait pas ce genre de jeeps et ne faisait jamais réparer ses véhicules au camp Kanombe. Il ne pouvait pas repeindre une des jeeps aux couleurs de l’ONU. Il avait son propre garage au camp Kigali et au besoin les acheminait à la Base logistique toujours à Kigali.
- Ceux qui ont concocté cette nouvelle histoire et qui l’ont inculquée à notre pauvre prisonnier XXG ne connaissaient probablement pas la situation qui prévalait dans les garnisons des FAR (Forces Armées Rwandaises). Depuis la signature des Accords d’Arusha en août 1993, certaines clauses de cet accord ont commencé à être appliquées. C’est ainsi que dès décembre 1993, tous les camps militaires étaient contrôlés aux entrées et aux sorties et au niveau des magasins des armes par les éléments de la MINUAR. Ceux-ci devaient surveiller toute entrée et sortie du camp militaire et veillait sur les magasins d’armement et n’autorisait de prendre que ce qui était nécessaire pour le service.
###google###
Le camp Kanombe n’a qu’une seule entrée. Celle-ci était gardée par des éléments de la MINUAR. Un véhicule peint en blanc avec mention U.N. et pas de type « ILTIS BOMBARDIER » belge qui était utilisé par eux au Rwanda et de surcroît avec à bord des militaires inconnus de la MINUAR et non annoncés devrait à coup sûr éveiller leur attention. D’autant plus que, d’après le récit rocambolesque, le véhicule ne serait pas entré déjà peint aux couleurs de l’ONU ! N’importe quel chef de poste, si étourdi soit-il, devait demander d’où sort ce véhicule ! Colette Breckman ne doute pas un seul instant que son témoin XXG soit le seul, 14 ans après à avoir vu sortir un véhicule U.N. du camp Kanombe, avec à bord des militaires aux uniformes belges mais n’avaient jamais été vu y entrer sans déclencher une moindre interrogation des éléments de la MINUAR qui observaient les entrées et les sorties du camp.
- Colette Braeckman cite le Colonel belge Walter Ballis. Il l’affuble du titre d’adjoint du Général Dallaire. Ce n’est pas vrai. L’adjoint du Général Dallaire était le Colonel Marchal. D’ailleurs Ballis n’apparaît nulle part sur l’organigramme de la MINUAR. Et pour cause : il était un officier du Service Général de Renseignement (SGR) militaire belge et spécialement chargé de la liaison avec le Front Patriotique Rwandais (FPR). C’est ainsi qu’il partageait l’hôtel avec Karake Karenzi au MERIDIEN. Parmi ses activités, il devait fournir des alibis aux éléments du FPR qui devaient se déployer à l’intérieur du pays. Il était toujours en civil alors que les éléments de la MINUAR étaient toujours en tenue militaire avec leurs casques ou casquettes bleues. Aujourd’hui il est en retraite dorée et déclaré ami du »Nouveau Rwanda » par Paul Kagame qui le reçoit régulièrement à Kigali. Que vaut alors son témoignage ?
Ainsi donc, l’histoire se répète. Colette Braeckman veut nous faire douter de la responsabilité de Paul Kagame dans l’assassinat de deux Chefs d’Etat africains et de trois citoyens français. Elle met sur le même plateau les élucubrations d’un prisonnier qui négocie sa survie dans les geôles de Kagame et les conclusions du Juge anti-terroriste Jean Louis Bruguière mondialement reconnu pour sa rigueur et sa compétence. Le même juge qui avait réussi à pointer du doigt le responsable de l’explosion d’un avion survenue en plein désert, sans que sa thèse ne soit contestée se voit opposé des récits rocambolesques par ceux-là même qui l’avaient applaudi dans les affaires de « Lockerbie » ou du « Ténéré ».
La même journaliste revient à la charge pour asséner que c’est la France officielle qui est responsable : les services secrets français auraient abattu l’avion présidentiel pour le compte des »extrémistes hutu ». Soit. Mais nous restons sur notre soif : pour que la France se résous à tuer deux chefs d’Etats africains et en même temps que trois de ses ressortissants, il faut qu’il y ait une sérieuse motivation ou un intérêt vital pour la même France. Nous invitons Colette Braeckman à éclairer notre lanterne à ce sujet.
Bruxelles le 04/02/2008
Emmanuel Neretse
Breveté d’Etat-Major
Ancien officier des FAR