L’assassinat du Major UKULIKIYEYEZU et des membres de sa famille
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Le 05/01/1995, le journaliste L. NIYONGIRA du Périodique KINYAMATEKA a interviewé le Ministre de la justice Alphonse Marie NKUBITO. Le journaliste voulait savoir ce que fait la justice pour élucider des cas fréquents de disparitions et de tueries des personnes au Rwanda. Pour illustrer son propos, le journaliste avait donné, sans beaucoup de détails, l’exemple de la famille UKULIKIYEYEZU. Il nous a mis sur la piste et nous avons voulu savoir ce qui s’est passé réellement. Le résultat de notre enquête fait frémir.

En I994, le Major UKULIKIYEYEZU était chez lui en commune Bulinga dans la préfecture de Gitarama. A l’approche du FPR, il a fui avec sa famille vers le sud, à Kibuye.

Après sa conquête de pouvoir en juillet 1994, le FPR a lancé une opération de charmes pour faire rentrer les déplacés et les réfugiés. C’est dans ce cadre qu’une délégation conduite par Jacques BIHOZAGARA est allé à Kibuye tenir une réunion avec les réfugiés. Avec un discours apaisant et rassurant, il les a invités à rentrer sur leurs collines.

Le Major UKULIKIYEYEZU est revenu pour voir comment se présentait la situation. En cours de route, il a été escorté par les militaires du FPR jusqu’à Gitarama et conduit chez Maurice MULISA, un des responsables militaires de la région. Il lui a donné hospitalité et a mis à sa disposition une escorte militaire pour aller visiter son domicile à Bulinga. Il lui a ensuite donné un laissez-passer pour retourner à Kibuye ramener sa famille.

A Kibuye, UKULIKIYEYEZU a loué la camionnette du commerçant Gaspard NDAGIJE dans laquelle il a embarqué tous les membres de sa famille et d’autres connaissances. Les voilà de retour chez Maurice MULISA, passage obligé pour obtenir des laissez-passer et des escortes militaires. Mais vu le nombre élevé de personnes, Maurice MULISA a demandé à son collègue ABBATI de l’aider à loger ces gens car lui avait une grande maison.

Le lendemain, tout le groupe fut conduit, sous escorte, au camp militaire de Gitarama, situé à quelques centaines de mètres pour l’octroi des  laissez-passer nécessaires pour retourner sur leurs collines.

Arrivés au camp, les militaires sous les ordres de Janvier MUDENGE, homme de main de Maurice MULISA, ont pris congé de leurs hôtes pour être remplacés par d’autres militaires quelques minutes plus tard. Le groupe attendait impatiemment dehors, tout près du Bureau du Commandant de place, le Colonel NGOGA. Le chauffeur de la camionnette, Jean NKUBITO, a eu comme un pressentiment. Il trouvait bizarre que l’on doive attendre si longtemps ces papiers et surtout que la nuit commençait à tomber. Les militaires, qui guettaient faits et gestes de chaque personne du groupe, ont eu comme un signal et ils ont commencé à tirer. Le chauffeur et une autre personne ont réussi à courir et à échapper malgré une course poursuite. Le reste du groupe fut froidement abattu.

Sont morts à cette occasion : le Major Jean Damascène UKULIKIYEYEZU avec sa femme Marthe KALIGIRWA, son fils Etienne UKULIKIYEYEZU de 21 ans, ses trois filles : Angelina UKULIKIYEYEZU (24 ans), Claire USANASE (16 ans) et Agnès UWAYEZU (12 ans), la nièce de sa femme Ludovique BIHOYIKI, le commerçant Gaspard NDAGIJE et son boy-chauffeur, une passagère du nom de DAPHROSE et ses deux filles. C’était le 28 juillet 1994.

Malheureusement, de telles scènes sont encore fréquentes au Rwanda, loin des regards indiscrets. Le cas des prisonniers abattus froidement par la police du régime du FPR a été récemment dénoncé par des organisations de défense des Droits de l’Homme.

©Gaspard Musabyimana, 16/9/2007

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