TPIR : le zèle et les contradictions d’un Procureur
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En se dessaisissant de l’affaire du massacre du 5/6/1994 des religieux à Gakurazo (Kabgayi) au profit du Rwanda, le Procureur du TPIR persiste et signe dans sa volonté de ne pas froisser l’égo du régime du FPR, quitte à faire passer dans l’histoire le fait que le TPIR n’avait été créé que pour juger les vaincus du FPR et consolider son régime.

Cependant en avalisant l’inculpation des seconds couteaux qui vont servir de fusibles pour protéger le sommet de l’armée du FPR, le même Procureur se découvre dans ses contradictions.

En relisant l’Acte d’accusation qu’il a rédigé contre les Chefs d’Etats-Majors de l’Armée Rwandaise et de la Gendarmerie nationale, l’on est frappé par la hargne avec laquelle il a insisté sur la responsabilité des ces officiers pour des crimes commis par des militaires et des gendarmes au Rwanda en 1994, du fait de la responsabilité du Supérieur hiérarchique[1] .

Les Forces Armées Rwandaises, qui étaient aux prises avec l’Armée Patriotique Rwandaise étaient constituées de l’Armée Rwandaise et de la Gendarmerie nationale. Depuis quelques années, les chefs d’Etats-Majors de ces deux corps sont incarcérés à Arusha et sont jugés devant le TPIR. Le Procureur de ce tribunal a retenue sept (7) chefs d’accusation contre le Chef d’Etat-Major de l’Armée, le Général Augustin Bizimungu à savoir :

1. Entente en vue de commettre le génocide ;

2. Génocide ;

3. Complicité dans le génocide ;

4. Crimes contre l’humanité (assassinat) ;

5. Crimes contre l’humanité (extermination) ;

6. Crimes contre l’humanité (viols) ;

7. Violation de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II (meurtre).

Le Général A. Bizimungu doit répondre de ces chefs d’accusation au titre de la responsabilité du fait personnel mais aussi et surtout au titre de la responsabilité du supérieur hiérarchique. C’est ainsi que sa responsabilité est recherchée :

– pour les massacres ordonnés par son collaborateur, à des miliciens de Ruhengeri qui ont tué durant la journée du 7 avril 1994… ;

– pour les meurtres et les violences graves commis par des soldats de l’Armée rwandaise qu’il commandait, sur des membres de la communauté tutsi du Rwanda… dans les localités de Kigali, Gitarama, Butare, Gisenyi, Cyangugu, Kibuye et Ruhengeri ;

– pour les viols commis par les soldats de l’armée rwandaise au bureau du conseiller de Kicukiro en avril et mai 1994 ;

– pour les viols commis au centre hospitalier de Kigali durant les mois d’avril, mai et juin 1994 par les soldats du Bataillon de Reconnaissance ;

– pour les viols commis à l’école primaire de Kabgayi durant les mois d’avril, mai et juin 1994 par des soldats de l’armée rwandaise ;

– pour les viols commis durant les mois d’avril et mai 1994 sur des jeunes filles enlevées du stade Kamarampaka de Cyangugu, par des militaires de l’armée rwandaise ;

– etc.

Contre le Général Augustin Ndindiliyimana qui était chef d’Etat-Major de la Gendarmerie, le procureur a retenu cinq (5) chefs d’accusation :

1. Entente en vue de commettre le génocide ;

2. Génocide ;

3. Complicité dans le génocide ;

4. Crimes contre l’humanité (assassinat) ;

5. Crimes contre l’humanité (extermination) ;

La responsabilité est recherchée sur le fondement du fait personnel mais aussi et surtout sur le fondement de la responsabilité du supérieur hiérarchique. C’est ainsi que la responsabilité pénale d’Augustin Ndindiliyimana est recherchée :

– pour les massacres commis en avril 1994 par les gendarmes de la Compagnie de Nyanza ;

– pour les massacres commis en avril 1994 à l’école de Murambi, Gikongoro ;

– pour les massacres commis à la paroisse de Cyanika par les militaires de Gikongoro ;

– pour des violences infligées à des réfugiés tutsi en avril 1994 au bureau du secteur Nyaruhengeri par les gendarmes ;

– pour l’assassinat de Kanamugire à Kabeza par des gendarmes ;

– pour les assassinats commis à Gisenyi en avril 1994 par les gendarmes ;

– etc.

A côté de ce déluge d’accusations motivées seulement du fait de la responsabilité du supérieur hiérarchique des chefs des FAR, le procureur aligne 4 illustres inconnus soldats de l’APR qui devront répondre devant leurs camarades d’armes du seul massacre de religieux de Kabgayi. Leurs supérieurs hiérarchiques ne sont pas inquiétés et encore moins leur Commandant en chef d’alors.

Si le Procureur du TPIR tient tant à ce que le Général Bizimungu réponde d’un viol commis par un militaire de l’armée à Cyangugu, que le Général Ndindiliyimana réponde d’un assassinat commis par un gendarme à Gisenyi, endroits où les deux officiers n’ont jamais mis les pieds à l’époque des faits, il devrait en toute logique exiger que les chefs hiérarchiques  des tireurs de Gakurazo répondent aussi de ce massacre du fait de la responsabilité du supérieur hiérarchique.

En se dessaisissant de l’affaire du massacre des religieux et en acceptant que seuls des sous-fifres soient poursuivis, le Procureur du TPIR dévoile au grand jour qu’il est prêt à n’importe quelle compromission pour ne pas contredire le régime du FPR. Comment comprendre autrement son acharnement à charger les chefs des FAR pour qu’ils répondent des faits commis par leurs subordonnés, et qu’en même temps il se contente de la mascarade consistant à arrêter pour juger quatre obscurs militaires pour le massacre du 5 juin 1994 à Gakurazo (Kabgayi) ?

Le commandement des FAR, à savoir le Chef d’Etat-Major de l’Armée et celui de la Gendarmerie assume et répond courageusement et en toute sérénité des accusations portées contre lui consécutives aux massacres commis par des militaires et des gendarmes qui étaient sous leurs ordres en 1994. Le commandement de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR, rebaptisée Armée Rwandaise de Défense) devrait aussi répondre dans les mêmes conditions des massacres commis par ses soldats. Malheureusement le Procureur ne les y encourage pas. De ce fait, le procès des assassins présumés des religieux ne sera qu’une mascarade voulue et orchestrée par le FPR.

Emanuel NERETSE
Le 15 juin 2008




[1] Affaire ICTR-2000-56-1, Acte d’accusation du 29 mars 2004; Mémoire de l’Accusation Préalable au Procès

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