Rwanda : Le 4/7/1994 : libération ou conquête ?
+

Le 4 juillet 2008, le Front Patriotique Rwandais a célébré pour la 14è fois consécutive la prise de Kigali par ses troupes.

En effet, après exactement trois  ans, neuf mois et trois jours, les soldats d’origine rwandaise appartenant à l’armée régulière de l’Ouganda qui avaient envahi le Rwanda au matin du 1er octobre 1990 à partir du poste frontalier de Kagitumba à l’extrême nord-est du pays, s’emparaient de la capitale Rwanda, Kigali. Le mouvement politico-militaire sous le couvert duquel ces descendants de réfugiés tutsi se présentaient à savoir le « Front Patriotique Rwandais »-FPR, installa un pouvoir répressif et dictatorial sous la férule d’un certain Paul Kagame qui fut chef des renseignements militaires dans l’armée ougandaise.

Contre toute attente et avec un cynisme ahurissant, les conquérants décrétèrent la date du 4 juillet : « Journée de la libération » (Liberation Day).

Par cette décision, les anciens soldats ougandais d’origine rwandaise transformaient leur aventure conquérante en une ‘‘guerre de libération’’. Du coup, ils transformaient les populations conquises en ‘‘populations libérées’’.

Pourtant la réalité est tout autre. Le FPR a conquis militairement le pays, colline par colline du premier octobre 1990 au 4 juillet 1994 quand il s’est enfin emparé de la capitale Kigali. La population, qui ne connaissait ni ne demandait rien au FPR, s’est sentie conquise plutôt que ‘‘libérée’’. Ne venait-elle pas de perdre les quelques valeurs essentielles qu’elle avait découvertes 32 ans plutôt à savoir la liberté et la démocratie ? Les Rwandais s’étaient libérés eux-mêmes en 1959 et voilà que 32 ans après, un groupe de guerriers venus les soumettre leur font croire à une autre libération.

Le discours prononcé par le premier ‘‘libérateur’’ Paul Kagame le 04/07/2008 à Gitarama offre un éclairage nouveau sur cette manipulation politico-historique et montre où réside réellement le mal rwandais.

Dans son adresse, Paul Kagame fait montre d’un égocentrisme déconcertant. Il avance que les 32 ans d’indépendance (1962-1994) ont été gaspillés du seul fait qu’il n’était pas (lui et son groupe) dans le pays. Il ajoute que l’indépendance n’en était vraiment pas puisque d’après lui, les dirigeants des deux républiques avaient maintenu les relations privilégiées avec l’ancien colonisateur. Il affirme même que ses prédécesseurs recevaient des ordres de leurs anciens maîtres.

 ###google###

Son régime étant soutenu et aux odres des puissances anglo-saxonnes (USA et GB), Paul Kagame croit apparemment que cela suffit pour le faire apparaître comme plus ‘‘indépendant’’ ou nationaliste que ses prédécesseurs qui étaient en bons termes avec la Belgique ou la France.

Il nous semble que le mal rwandais réside dans cet égocentrisme à outrance dont fait preuve chaque groupe qui s’empare du pouvoir dans ce pays. Pour s’affirmer, chaque régime, après en avoir chassé un autre, fait table rase des réalisations, même utiles du précédent, quitte à réécrire l’histoire. La première république, née des cendres de la monarchie féodale, avait comme leitmotiv « l’émancipation du menu peuple ». Noble objectif. Mais cela ne pouvait pas l’empêcher d’intégrer quelques valeurs qui caractérisaient la société rwandaise sous le régime monarchique comme l’honnêteté et la fidélité à l’autre.

La 2é république qui vint mettre un terme aux troubles ethnico-régionals de 1972-1973 avait pour devise « Paix et unité nationale ». Ce n’est pas pour autant qu’elle devait jeter aux oubliettes les idéaux de la 1ère république notamment ceux d’« émancipation du menu peuple » et de « démocratie » chers à la première république.

Dès son installation, le régime actuel du FPR a tout balayé. Les acquits de la révolution de 1959 à savoir la démocratie et l’émancipation du menu peuple sont pour lui des hérésies qu’il s’applique à éradiquer. Le développement rural est sacrifié au détriment d’un affairisme éhonté qui profite aux seuls anciens réfugiés venus d’Ouganda.

 Retranchés dans la capitale Kigali qui leur sert de vitrine pour crier au développement spectaculaire du pays, ces rapaces érigent des buildings ultra-modernes et mènent un train de vie hollywoodien au moment où la population  manque de tout dans les campagnes. La paix et l’unité nationale chères à la 2ème république sont pour Paul Kagame des notions dépassées auxquelles il substitue le bellicisme et l’éloge de la suprématie de l’ancienne diaspora anglophone dont il fait partie.

Pour nous, le 4 juillet 1994, le peuple rwandais n’a pas été libéré mais au contraire il est tombé sous le joug d’une clique de conquérants cyniques et impitoyables. Le comble est que le menu peuple humilié et martyrisé soit obligé de célébrer le jour de sa mise sous le joug de conquérants comme jour de sa libération. Pauvre peuple rwandais qui fut libéré malgré lui !

Emmanuel Neretse

Le 7/7/2008

Pas de commentaire

COMMENTS

Repondre

Laisser un commentaire