L’activisme des agents des services secrets rwandais en Belgique
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 Dans un livre au titre bien évocateur : « Les services secrets étrangers en Belgique. En toute impunité? » (Bruxelles, Editions Racine 2008[i]), Kristof Clerix, journaliste d’investigation, a consacré un chapitre sur la présence des espions du régime de Paul Kagame en Belgique. Ils y sont envoyés pour suivre notamment les activités des partis politiques de la diaspora dans ce pays car, comme le dit Marina Rafti de l’Institut de recherche politique et de gestion du développement de l’université d’Anvers, citée par l’auteur : « Au Rwanda, l’opposition ne peut pas s’organiser ouvertement, elle doit le faire en secret. Ou à l’étranger ».

Sur l’action de ces agents secrets de Kigali en Belgique, Kristof Clerix cite encore son collègue Hoogsteyns, lui aussi journaliste d’investigation et qui a suivi l’avancée du FPR depuis 1991 jusqu’à sa prise de pouvoir en 1994. Il a rencontré sa femme, une Tutsi congolaise, sur le front. Ce dernier croise, à l’occasion, des agents secrets rwandais en Belgique qu’il a vus également sur le front. Le régime de Kagame a même sollicité ses services. Hoogsteyns déclare à ce sujet : « Il y a quelques années, le Rwanda m’a demandé en direct de suivre en Belgique les Hutus du Mouvement républicain national pour la Démocratie et le Développement (MRNDD), le parti de l’ancien président Habyarimana. Ils m’avaient demandé cela suite à une série que j’avais publiée sur le financement du génocide et le meurtre de trois Belges durant le génocide. Ils voulaient tout savoir de ces gens : où ils habitent, où ils vont, ce qu’ils font, par qui ils sont payés, avec quels politiciens belges ils sont en contact et ainsi de suite. "Pouvez-vous suivre ces hommes en tant que journaliste ?". Mais j’ai refusé, je ne peux pas commencer dans ce jeu-là ». Il poursuit : « On sait généralement que des collaborateurs du service secret rwandais sont stationnés à l’ambassade rwandaise de Bruxelles. Ils sont chargés de tenir à l’œil l’ambassadeur, le personnel de l’ambassade et la communauté rwandaise, mais aussi de récolter des informations sur l’ennemi – le Congo et le Burundi. »

Kristof Clerix rapporte, dans son livre,  des rumeurs selon lesquelles il y aurait même des escadrons de la mort envoyés par Kigali en Belgique. Ils seraient responsables de la mort suspecte de Régine Uwamariya le 16 décembre 2000, sœur du colonel Théoneste Bagosora, en prison à Arusha et dont le frère, Pasteur Musabe, avait déjà été assassiné au Cameroun le 14 février 1999. Dans ce même cadre, l’auteur cite également le cas de Juvénal Uwilingiyimana, ancien ministre sous le régime Habyarimana, réfugié en Belgique depuis 1998, et dont le cadavre a été découvert dans le canal de Bruxelles le 17 décembre 2005.

Par une présence considérable de Rwandais en Belgique et d’une multitude d’agents secrets chargés de les tenir à l’œil, Kristof Clerix considère Bruxelles comme la seconde capitale rwandaise.

Gaspard Musabyimana, le 18 mai 2009.

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[i] Le livre est paru en néerlandais sous le titre : « Vrij spel. Buitenlandse geheine diensten in België » (Uitgeverij Manteau, 2006). Sa traduction en Français a été faite par Nathalie Buisseret et Emile Haquin (Racine 2008).

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