Existe-t-ils des ethnies au Rwanda ?
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Sans entrer dans les débats très conceptuels au sujet des notions d’ethnie, race, tribut, classe,… et de leur applicabilité (assez controversé) au contexte rwandais, tâche qui a d’ailleurs était faite dans  l’ouvrage de P. ERNY, faisons une petite mise au point conceptuel au sujet quelques termes qui sont souvent utilisés dans des études de sciences humaines: ethnie, race, nation; clan, classe et lignage qui sont les plus utilisés dans le cas du Rwanda.

Avec M. WEBER (1995), on retrouve une distinction nette entre ces concepts. Il nous indique que «ce qui distingue l’appartenance raciale de l’appartenance ethnique, c’est que la première est réellement fondée sur la communauté d’origine, alors que ce qui fonde le groupe ethnique, c’est la croyance subjective à la communauté d’origine. Quant à la nation, elle est comme le groupe ethnique, basée sur la croyance en la vie en commun, mais se distingue de ce dernier par la passion (pathos) liée à la revendication d’une puissance politique».

R. BRETON lui nous dit que « la nation est un peuple, une partie d’un peuple ou d’un ensemble de peuples, historiquement parvenu à la constitution d’un état propre. Enfin, il convient de signaler qu’à l’intérieur d’une ethnie existent des réalités sociologiques plus restreintes et plus délimitées, fondées sur la parenté mythique (clan) ou réelle (lignage, famille étendue ou nucléaire)».

Et dans le cas qui nous concerne, J.J. MAQUET (1954) cité par NKULIKIYIMFURA JN nous précise que «le lignage (inzu)… est un groupe de consanguins patrilinéaires qui peuvent réellement déterminer leur relation agnatique à un ancêtre commun reconnu comme l’ancêtre originel du groupe, par des liens généalogiques ascendants, liens qui n’étaient généralement pas plus de quatre ou cinq…. Le même auteur définit aussi le clan (ubwoko) comme étant le groupe de consanguins le plus large du type patrilinéaire. Ses membres reconnaissaient un lien traditionnel de descendance commune dans la lignée paternelle, mais étaient complètement incapables de suivre leur relation à l’ancêtre qui était peut-être mythique». Au Rwanda on a 18 clans qui se différencient par des totems différents.

Les hutu, les tutsi et les twa parlent la même langue, le kinyarwanda/ kirundi, ont les mêmes coutumes, notamment se marient de la même manière, assez souvent entre membres de deux groupes dits « ethniques », ont la même foi ancestrale en un dieu unique Imana, ont évolué vers les mêmes religions apportées par la colonisation, et vivent ensemble sur tout le territoire du Rwanda. Ces données remontent selon la tradition orale au moins jusqu’au XVe siècle. Au-delà, on manque de connaissances, même si des historiens occidentaux ont avancé des théories non confirmées. En effet, aucune trace historique, archéologique et/ou linguistique connue ne confirme les hypothèses émises par ces théories sur l’origine des Rwandais.

La notion d’ethnie au Rwanda (comme au Burundi) est controversée. De nombreux universitaires à travers le monde utilisent ce concept pour définir la population rwandaise. La population elle-même a fini par intérioriser ce critère occidental dans son vocabulaire. Paradoxalement les critères (langue, culture, croyance, territoire) qui caractérisent une différentiation ethnique, ne permettent d’identifier dans cette région que deux ethnies rwandophones principales: l’ethnie rwandaise et l’ethnie burundaise. Et notre regard va se focaliser surtout sur l’ «ethnie rwandaise».

En kinyarwanda il n’existe pas de terme pour désigner l’ethnie. Les cartes d’identité "ethniques", instituées par le colonisateur belge dans les années trente, utilisent le mot ubwoko, qui désigne en fait le clan. Ubwoko est traduit en français sur la carte d’identité par "ethnie". Mais les clans du Rwanda sont composés de tutsi, de hutu, et de twa. Certains sont dominés par des Hutu et d’autres par des Tutsi.

La société rwandaise, à l’arrivée des européens entre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle, était un royaume relativement structuré et unifié; organisé en lignage formant les 18 principaux clans. Au sein de cette société («groupe relativement important d’êtres humains en interaction constante, qui reconnaissent une appartenance commune et l’institutionnalisent») avec sa civilisation agro-pastorale, les relations sociales étaient fortement inégalitaires avec les trois catégories sociales reconnaissables selon l’avoir économique et les prestations à fournir : les « tutsi » classe aristocratique(endogame) au sommet de l’échelle (possédant généralement de vastes domaines pastoraux et fonciers et des serviteurs (abagaragu=clients et abaja= au sens d’esclaves), et détenteur du pouvoir politique- exerçant un pouvoir absolu (politique et militaire) pour protéger leurs pâturages de la «rapacité de la houe», avec des armées pour défendre leurs troupeaux de vaches).

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Les « hutu » étaient des exploitants terriers et pastoraux; les twa, au bas de l’échelle (cueilleurs, chasseurs, et potiers) et qui étaient aux services des autres groupes pour les tâches les plus difficiles et/ou déshonorantes.

Les clans (Babanda, Bacyaba, Bega, Benengwe, Bagesera, Baha, Bakono, Banyakarama, Banyiginya, Bongera, Bashambo, Bashingo, Basindi, Basinga, Basita, Batsobe, Bungura et Bazigaba ,… constitutifs de la société rwandaise), classifiés en clans terrulique et célestes ont été soumises sous domination de familles claniques nyiginya (fondatrice de la dynastie et de la monarchie qui régna sur des territoires du Rwanda actuel depuis les XIII- XIVe siècles jusqu’au référendum organisé par les Nations Unies de septembre 1961) pour qu’ils continuent à verser la dîme (une partie des récoltes) et à fournir des tâches coutumiers à la cour du mwami (nom du monarque de l’ancien royaume «Rwanda») et familles dynastiques, grâce à un système de contrôle centralisé et hiérarchisé, une véritable dictature militaire et une monarchie absolue; mais surtout pour (depuis déjà la fin du XVIIIème siècle, date du début d’installation de chefs nyiginya sur les collines pour «garantir leur mode de vie pastoral par l’instauration de droits exclusifs de pacage, réservant pour cela de vastes étendues aux seules activités pastorales» ), « pour sauvegarder les biens de la vache contre la rapacité de la houe… ». Et désormais celui qui voulait occuper un terrain et l’utiliser, avait besoin de l’accord préalable du nouveau chef extra clanique. Si bien que la majorité de la population dans le dénouement total se sont vu dans l’obligation de rechercher l’un ou l’autre contrat de servage pastoral dit Ubuhake.

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