Analyse du rapport Mutsinzi par le Pr Filip Reyntjens
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Analyse du rapport Mutsinzi sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion présidentiel rwandais[1]

Filip Reyntjens

Résumé

Le rapport de la commission Mutsinzi a pour objet de démontrer que l’avion du président Habyarimana n’a pas été abattu par le FPR, comme l’a conclu l’instruction du juge français Bruguière, mais par des radicaux hutu proches de la principale victime. Le rapport soulève nombre de questions importantes. Le comité Mutsinzi se targue de son impartialité mais tous les commissaires sont membres du FPR, ce qui le rend juge et partie. Ceci est très clair dès les premières pages et se confirme à travers l’ensemble du rapport, puisque l’enquête ne va que dans une seule direction, celle des extrémistes hutu, alors que les données mettant en cause le FPR sont systématiquement ignorées. Le comité dit avoir interrogé des centaines de témoins, mais la crédibilité de leurs déclarations est sujette à caution. Parmi ceux identifiés, des dizaines sont des membres de l’ancienne armée gouvernementale FAR ; entendus dans un contexte de crainte d’arrestation ou pire et sachant très bien ce que ceux au pouvoir voulaient leur entendre dire, leurs témoignages ne sont guère probants. De nombreux exemples dans le rapport montrent que la méthode employée par le comité n’est pas sans soulever de sérieuses réserves: celui-ci présente d’abord des hypothèses non prouvées voire même des contrevérités comme des faits, et l’accumulation de ces « faits » permet ensuite de dégager la « vérité ». La conclusion à laquelle aboutit le comité ne trouve pas de fondement crédible dans les données qui se dégagent de l’enquête. Nous sommes dès lors aujourd’hui confrontés à deux « vérités » sur l’attentat : celle issue de l’instruction Bruguière et celle du rapport Mutsinzi. Les deux indiquent des suspects, même s’ils sont différents, et constatent qu’un crime a été commis. La façon naturelle pour aborder un problème pareil est de mener un débat contradictoire devant une juridiction pénale. Il semble cependant que tant le Rwanda que la France, souhaitant normaliser leurs relations, soient entrainés à sacrifier l’exigence de  justice à  l’opportunisme politique. Le peuple rwandais mérite mieux.

 Abstract

The report of the Mutsinzi commission attempts to show that President Habyarimana’s airplane was not downed by the RPF, as the French investigating judge Bruguière tried to demonstrate, but by Hutu radicals who were close to the main victim of the attack. The report raises a number of serious questions. The committee claims to be independent, but all the commissioners are members of the RPF, which means that it is both judge and party. This is made abundantly clear throughout the report, which treats as solid evidence testimonies showing the complicity of Hutu extremists, but  shows total disregard for the evidence pointing in the other direction. While the committee claims to have interviewed hundreds of witnesses, the validity of their testimonies raises serious doubts. Of those identified, dozens are members of the former government army FAR, all of them interviewed under extreme pressure, in full awareness of what they were expected to say, and of the price to be paid if they did not. As this analysis shows, the committee generally proceeds by first presenting unsubstantiated hypotheses or even downright untruths as facts; the accumulation of these “facts” then allows to establish the  “truth”. There are now two radically opposed  versions of the truth as to who is responsible for the shooting down of the presidential plane: one is inscribed in the findings of the Bruguière inquiry, the other in the Mutsinzi report. They both point fingers at suspects, albeit different ones, and they both indicate that a crime has been committed. The natural way of dealing with such findings is to conduct a contradictory debate before a court of law. However, it would seem that both Rwanda and France, in their attempt to improve their relations, are intent on sacrificing justice on the altar of political expediency. The Rwandan people deserves better than such a cynical outcome.                 

 

 

Lire tout le rapport en fichiers attachés ci-dessous            

 

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[1]République du Rwanda, Comité indépendant d’experts chargé de l’enquête sur le crash du 06/04/1994 de l’avion Falcon 50 immatriculé 9XR-NN, Rapport d’enquête sur les causes, les circonstances et les responsabilités de l’attentat du 06/04/1994 contre l’avion présidentiel rwandais Falcon 50 N° 9XR-NN, Kigali, 20 avril 2009. Le rapport peut être trouvé en français, anglais et kinyarwanda sur http://mutsinzireport.com.

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