Au moment où EurAc a décidé de travailler de façon plus intensive sur le Rwanda, je m’y suis rendue pour mesurer la température sociopolitique dans la période qui précède les élections présidentielles du 9 aout 2010. Même si officiellement la campagne électorale se déroulera à partir de quelques semaines avant les élections, le FPR semble être bien en route pour s’assurer, non seulement de les gagner avec le pourcentage qu’il juge honorable pour ses ambitions, mais aussi que les autres partis en lice pour la course présidentielle puissent rencontrer toutes les difficultés possibles pour ne pas avoir l’accès facile à la population. Les différentes intimidations subies par différents candidats à ces présidentielles me semble un signe très préoccupant parmi d’autres.
Dans un pays où tout les monde porte des blessures encore saignantes (physiques et psychologiques), et où la majorité de la population est traumatisée, les gens vivent dans la peur et se sentent prisonniers d’un gouvernement qui a bien affiné ses armes pour s’assurer un contrôle ramifié jusqu’à la base. La peur de se voir coller l’étiquette de génocidaire et divisionniste est très présente et, il me semble, risque aussi de devenir la motivation pour laquelle une partie de la population continue à s’identifier, dans son discours, à la ligne officielle du gouvernement.
Dans ces conditions, le soutien inconditionnel au gouvernement par une partie de la communauté internationale depuis quinze ans, reste très difficile à comprendre. Il est frappant et est le fruit du manque d’unité de la part des Etats membres de l’Union européenne vis-à-vis du gouvernement rwandais. Mais ce qui plonge la majorité de la population rwandaise dans le désespoir est que cette communauté internationale puisse arriver à dire que le développement sur le plan économique (qu’EurAc reconnait aussi dans une certaine mesure) justifierait un gouvernement dur et répressif dans un pays dont on est en train de réécrire l’histoire et la mémoire.
Une bonne partie de la population avait vraiment espéré un changement en faveur d’un régime démocratique suite à la décision de la Suède et des Pays Bas de «geler» leur appui budgétaire. Elle avait espéré que les conséquences auraient été favorables à un ralentissement de la répression et du contrôle. De voir que c’est plutôt le contraire qui est arrivé est assez décevant. C’est pour cela aussi que nous sommes inquiets par le fait qu’il n’y a aucune indication que l’Union européenne se prépare à envoyer une mission d’observation aux prochaines élections, comme si les élections ont plus de chances d’être libres et transparentes qu’au Burundi ou qu’en RDC. EurAc y exprime son étonnement et demande, dans un communiqué, à l’Union de déployer une mission au Rwanda quand même, surtout en nous rendant compte que le rapport final de la mission de 2008, même si c’était un rapport affaibli, contient plusieurs éléments et recommandations qui justifient et nécessitent un suivi profond.
Donatella Rostagno
Policy Officer à EurAc
Extrait de :
GRANDS LACS ECHOS
Publication mensuelle du Réseau Européen pour l’Afrique Centrale ( EURAC )
N° 62 – Février 2010
www.eurac-network.org
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