Depuis la conquête du pays en 1994, par le Front Patriotique Rwandais (FPR), rébellion à dominante tutsie venue d’Ouganda, les nouveaux maîtres du pays se sont employés à associer, souvent de façon ostentatoire, quelques personnalités hutu à toutes les instances dirigeantes du pays. Cette opération présentée par les vainqueurs comme un gage de réconciliation n’a pas empêché les observateurs de qualifier ces personnalités de « hutu de service » tellement il apparaît qu’ils ne servent qu’à offrir un semblant de représentativité au FPR au sein du peuple rwandais. Ces "esclaves politiques" sont pourtant soumis à rude épreuve. En cas de coup dur, ils doivent être en première ligne pour recevoir et amortir le choc qui ne doit surtout pas atteindre les vrais détenteurs du pouvoir. L’on se souviendra du carnage de Kibeho le 23 avril 1995, quand l’armée de Paul Kagame n’avait pas hésité à pilonner avec son artillerie lourde un camp de déplacés abritant des femmes et des enfants, et à y monter à l’assaut sous les regards ahuris de la MINUAR. Monsieur Pasteur Bizimungu, alors "président de la République du Rwanda" n’avait pas hésité à aller compter les cadavres sous les caméras pour finalement déclarer qu’il n’avait « dénombré » que 300 morts. Il jouait le rôle ingrat de « Hutu de service » mais le geste lui restera collé à jamais comme indigne d’un Chef d’Etat. En est-il conscient ?
Le retour au pays de Madame Victoire Ingabire
Le retour annoncé de la présidente du parti FDU, mais qui a pris de court le pouvoir de Kigali, a remis les « Hutu de service » au premier plan dans la campagne visant à discréditer Madame Victoire Ingabire. Ces autorités politiques, souvent évoluant sous le couvert de minuscules partis politiques qui ne sont en fait que des excroissances du FPR (PSD, PL, PDI, …) ont été appelées à monter au créneau pour condamner les premières déclarations de Madame Victoire Ingabire quand elle demandait aux Rwandais ne plus avoir peur de revendiquer leurs droits. Ces « Hutu de service » furent alors sommés de se désolidariser publiquement des propos de la présidente des FDU surtout quand elle a dit que pour une vraie réconciliation, les auteurs des crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité devraient aussi répondre de ces crimes. Pour le FPR, toute allusion aux crimes commis par ses soldats doit être assimilée au « révisionnisme » et autre « idéologie du génocide », crimes lourdement réprimés par les lois liberticides instaurées par Kagame.
Du coup, le Sheih Fazil Harelimana, associé au gouvernement comme ministre de la sécurité sur le compte du fantomatique parti PDI, a été le premier à brandir les lois taillées sur mesure pour bâillonner l’opposition pour les appliquer à Madame Victoire Ingabire.
Quelque temps après, ce fut le tour du Dr Ntawukuriryayo Jean Damascène, actuellement vice-président de l’assemblée nationale sur le compte du moribond parti PSD. Ce « Hutu de service » originaire de Gitarama devait redoubler de zèle pour manifester à ses maîtres sa plus grande loyauté. Il poussa le cynisme jusqu’à déclarer qu’après 1994, il n’avait jamais constaté de peur chez aucun Rwandais. Dans la foulée, ce fut le tour de l’ancien journaliste François Byabarumwanzi aujourd’hui député sur le compte du petit parti doublon du FPR nommé PL. Il confessa sa foi aux principes du FPR et voua aux gémonies les revendications légitimes du parti FDU en les qualifiant de divisionnisme. Il ne faisait que jouer le rôle que lui ont assigné ses maîtres et il en aura encore l’occasion.
« A ce que Makuza vient de dire, je n’ajoute rien »
Cette réplique a été rendue célèbre par les annales des travaux de l’Assemblée nationale sous la première république (1961-1973). Monsieur Anastase Makuza, est un des pères de la révolution de 1959 et l’un des plus brillants cadres de l’administration coloniale.
Il siégeait à l’Assemblée aux côtés des collègues députés qui pour la plupart n’avaient pas son érudition. Si bien que quand il venait d’intervenir tout le monde était soulagé car chacun pouvait se réfugier dans la formule magique « à ce que Makuza vient de dire je n’ajoute rien… », tout en étant sûr de ne pas avoir fait un mauvais choix car Makuza était « infaillible ».
Ironie de l’Histoire : c’est son fils, Bernard de son prénom, qui est, en tant que Premier Ministre de Kagame, poste aussi symbolique que frustrant (car sans aucune prérogative et journellement humilié) est dernièrement monté au créneau pour dénoncer l’hommage que la présidente des FDU entendait rendre aux pères de la démocratie en se recueillant sur la tombe de Dominique Mbonyumutwa, le compagnon de lutte de feu Anastase Makuza, père de Bernard Makuza.
Une grande torture morale
Il apparaît que ces « Hutu de service » sont en réalité des otages politiques qui souffrent énormément car ils doivent au jour le jour poser des actes et prononcer des paroles totalement contraires à leurs intimes convictions. Ce faisant, ils sont frustrés au fond d’eux-même et ont perdu toute crédibilité au sein de leur communauté. Mais le FPR agit sans aucun état d’âme quand il s’agit d’asseoir son pouvoir dictatorial au Rwanda ; il se « fout pas mal » de la situation des « Hutu de service ». Prions pour eux.
Emmanuel Neretse
16/02/2010
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