Tous les Rwandais de bonne volonté en appellent de tous leurs vœux à une réconciliation nationale dans leur pays. Et pour cause, la paix sociale, fruit de cette réconciliation, constitue un préalable nécessaire (condition sine qua non) au développement intégral auquel tout homme et tout peuple aspirent par nature. La réconciliation nationale que tous les Rwandais appellent de tous leurs vœux est possible. Les préalables à cette réconciliation sont : la justice et la vérité. Est-ce à dire qu’il n’y a pas de justice au Rwanda. Si, il y a au Rwanda une justice injuste, une justice que l’exécutif utilise à des fins politiques, une justice à sens unique, celle du vainqueur sur le vaincu, une justice du “deux poids, deux mesures”. Bref, une justice qui ne porte pas à la réconciliation. Bien au contraire, elle appelle plutôt à la révolte. Quant à la vérité sur la tragédie du Rwanda en 1994, bien des événements ont été tirés au clair et d’autres continuent à l’être. Toute personne intéressée commence à distinguer plus ou moins parfaitement la trame et la ligne centrale de ces événements. Deux évidences sautent aux yeux :
1°. “Le génocide de 1994 au Rwanda a été perpétré par des miliciens majoritairement Bahutu, mais ce ne sont pas tous les Bahutu qui se sont rendus coupables du crime de génocide comme voudraient l’accréditer la propagande, l’idéologie et la justice officielles actuellement en cours au Rwanda”[1].
2°. De même que les Bahutu, les Batutsi non plus ne peuvent être accusés en masse de génocide. Mais des éléments du FPR, et notamment de l’APR et d’autres associations et individus liés au FPR, ont massacré des millions de Bahutu pour le seul motif de leur appartenance ethnique. Tant et si bien que le FPR a une responsabilité morale indirecte et une responsabilité directe et criminelle dans la tragédie du Rwanda. De cela il existe des témoignages irréfutables, des enquêtes approfondies, des études bien menées, des rapports impartiaux, des articles et des livres d’auteurs dont on ne pourrait mettre en doute l’honnêteté intellectuelle. L’ONU et ses organismes le savent, toutes les chancelleries du monde sont au courant, les associations humanitaires et de défense des droits de l’homme en sont informées. Les victimes Bahutu du FPR sont plus nombreuses que les victimes Batutsi des miliciens Interahamwe ; mais pour des “raisons que la Raison ne connaît pas”, la communauté internationale voudrait couvrir les crimes du FPR d’un voile de pudeur.
De toute façon, si les Rwandais veulent se réconcilier, ce n’est pas la communauté internationale qui viendra dire : « Non, arrêtez, nous ne voulons pas que vous réconciliiez ! ». La réconciliation reste donc possible et désirée. L’établissement de la vérité vise à ce que tout Munyarwanda innocent, qu’il soit Muhutu, Mututsi, Mutwa ou naturalisé, jouisse de tous ses droits et vive en paix. Et que tout Munyarwanda coupable, qu’il soit Muhutu, Mututsi, Mutwa ou naturalisé, soit reconnu coupable, jugé, condamné et/ou gracié. Il va sans dire que dans tout ce processus, la repentance, le pardon sincèrement demandé et cordialement accordé donnerait un coup d’accélérateur à l’avènement d’un Rwanda réconcilié. Il est donc très important de noter que la réconciliation n’a pas pour but :
1°. de noyer ou couvrir les responsabilités : “Tout le monde est coupable donc personne ne doit être poursuivi”,
2°. de culpabiliser les victimes : “ils sont morts ou ils ont subi d’autres dommages, mais ils le méritaient”,
3°. de faire match nul : “ils se sont entretués ; mais le moment est venu de passer dessus ”. Non, les responsabilités doivent être établies.
Réduire la réconciliation aux trois points ci avant reviendrait à en avoir une fausse vision caricaturale. Seules trois catégories de personnes pourraient rejeter avec dédain un projet aussi noble que la réconciliation inter-rwandaise ou lui opposer une résistance passive :
1° Ceux qui n’ont pas la conscience tranquille. L’idée d’un pardon demandé et reçu devrait les rassurer.
2°. Ceux qui veulent continuer à pêcher en eaux troubles. Ils devraient se rendre compte que non seulement eux, mais aussi tout le pays risque d’être un jour emporté par les flots en furie de ces eaux qu’ils continuent à troubler pour le plaisir méchant d’y pêcher encore davantage.
3°. Ceux qui ne veulent pas croire que “le développement est l’autre nom de la paix” ; et pas n’importe quel développement, mais le développement intégral “de tout homme et de tout l’homme”.
A juste titre, il est juste aujourd’hui de paraphraser le dicton romain “Si tu veux la paix, prépare la guerre” en disant : “Si tu veux la paix, prépare le développement ” ou mieux encore : “ Si tu veux éviter la guerre, prépare le développement intégral ”. Or ce développement est impossible sans réconciliation. Cette réconciliation sera une œuvre commune à laquelle chaque Rwandais portera sa contribution. Toutefois, il y a des acteurs principaux dont l’engagement et la bonne volonté rendrait le processus de réconciliation plus rapide et productif : le FPR, l’élite, le clergé et la communauté internationale. Dans les lignes qui suivent, nous allons présenter le coup de pouce que le FPR pourrait donner au processus de réconciliation. Nous répondrons ensuite à la question de savoir “ qui se réconcilie avec qui ? ”. Nous examinerons enfin les rôles que les autres acteurs principaux pourraient et devraient remplir dans le processus de réconciliation.
F.Rudakemwa
08/09/2010
[1] RUDAKEMWA F., Priorité n° 1 : Régler leurs comptes aux Bahutu ? in www.musabyimana.be, le 9/12/2007.