RESUME : Les rapports de l’ONU concernant les massacres en RDC de 1993 et 2003 et les viols collectifs au Kivu commis en juillet – août continuent à être au-devant de l’actualité. Pour ce qui regarde les premiers, l’armée ougandaise conteste y avoir été impliquée, tandis que le Rwanda, qui, escomptant sans doute une certaine neutralité de Kinshasa, y a dépêché la ministre des Affaires étrangères pour une visite discrète, qualifie d’ « absurdes » les accusations de crimes de génocide qui auraient été perpétrés par l’APR au Congo. En ce qui concerne les viols récents au Nord Kivu, le Conseil de Sécurité condamne ces actes et demande au gouvernement congolais, responsable au premier chef de la sécurité de ses citoyens, de les condamner aussi et de poursuivre les auteurs des atrocités. Réagissant immédiatement, le gouvernement congolais, qui se présente comme « victime », a rétorqué qu’il n’avait pas attendu la résolution du Conseil pour « faire son devoir ».
Sur le terrain, c’est toujours l’insécurité au Nord Kivu qui retient l’attention. Une embuscade par des hommes armés et en tenue militaire a eu lieu dans la région de Beni. Dans le territoire de Walikale, l’opération « Shop Window » où la MONUSCO a engagé dix unités d’intervention rapide serait un succès, tandis que l’armée congolaise s’apprête à mener une nouvelle offensive contre les FDLR. Par ailleurs, l’avion dont l’équipage est toujours détenu par un groupe armé, a été ramené à Goma, les négociations se poursuivant pour la libération des otages. Enfin, le chef de l’Etat, en tournée dans le Grand Nord, a dénoncé devant les autorités et les forces vives de la région les assassinats, les règlements de compte entre commerçants, la fraude et les agissements des milices à base ethnique.
Au Sud Kivu, une commission parlementaire provinciale a entendu les populations du territoire de Walungu qui demandent l’élimination des bandes FDLR et la levée des barrières érigées dans le territoire par les militaires. On mentionnera aussi des rencontres entre agriculteurs et éleveurs de Fizi et Uvira qui, sous l’égide de la MONUSCO, ont abouti à une réconciliation entre deux groupes en conflit depuis longtemps.
En Province Orientale, la sécurité revient progressivement en territoire de Faradje, souvent victime des meurtres et enlèvements de la LRA.
Toujours dans le domaine de l’insécurité, le ministre des Mines a confirmé la suspension de l’exploitation et l’exportation de tous les minerais du Kivu – Maniema. Par ailleurs, OCHA a dénombré le nombre de personnes déplacées qui se chiffrerait à près de 2 millions dont 1.5 millions dans les provinces du Kivu : l’ONG Human Rights Watch appelle le gouvernement à renforcer leur protection. Enfin, on signalera que la formation d’une force d’intervention rapide congolaise par l’US African Command a été clôturée à Kisangani cette semaine.
Dans le domaine politique, l’Assemblée nationale a ouvert sa session parlementaire qui, selon son président, devrait être consacrée au budget mais aussi à la réforme de l’armée et de la police, à la réforme judiciaire et à la loi électorale : l’agenda a été adopté, tandis qu’un député de l’opposition a signifié que l’opposition était prête à désigner un de ses membres à la CENI, mais que l’opposition extra-parlementaire, (et donc l’UDPS) n’était pas concernée par ces nominations. Du côté, du MLC, principal parti d’opposition, qui a condamné la « capitulation » du gouvernement concernant la responsabilité des pays voisins dans le drame congolais, on s’oppose toujours au calendrier électoral publié par la CEI. Au cours de la session inaugurale, Vital Kamerhe, ancien président, a effectué un retour très remarqué. Quant au Sénat, il a entendu son président faire une intervention surtout consacrée à la sécurité qui, selon lui, continuerait à se dégrader. Toujours pour ce qui concerne les préparatifs des prochaines élections, 1,5 million d’électeurs ont été enregistrés dans le Bas Congo, tandis que la CENI a chiffré le coût des élections qui s’étaleront entre 2011 et 2013 à plus de 700 millions $ (contre 500 en 2006), la participation du Congo tournant autour de moins de 50 % (contre 10 % en 2006). Signalons enfin que le président Kabila a poursuivi son périple congolais en se rendant en Ituri où il a promis de nouvelles infrastructures pour la future province.
Dans le domaine de la justice, plusieurs ONG demandent l’arrestation du général Numbi pour son implication éventuelle dans le meurtre de Floribert Chebeya et s’inquiètent de la partialité de la justice militaire saisie de cette affaire. Signalons aussi que la cour militaire de Bukavu a initié un procès contre des militaires et policiers impliqués dans un mouvement insurrectionnel en territoire de Shabunda entre mars et juin 2010.
En matière économique, les agents de la société Kisenge Manganèse au Katanga, non payés depuis dix ans, sont prêts à déclencher un mouvement de protestation, tandis que l’intersyndicale de la SNCC (Chemins de fer congolais) proteste contre le non-paiement des arriérés et des indemnités des agents mis à la retraite et le report au début 2011 d’une aide de 218 millions $ consentie par la Banque mondiale pour l’acquisition de nouveaux matériels. On signalera aussi que le groupe Forrest International et un groupe allemand se sont mis ensemble pour le développement « sans précédent » des cimenteries congolaises. Enfin, la FEC se réjouit de la volonté de la direction des douanes et accises de diminuer certaines taxes et de supprimer celles qui sont perçues illégalement par des organes non habilités, tout en mettant l’accent sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail des agents de l’Etat.
Dans le domaine de la coopération internationale, l’Espagne a annulé à son tour la dette de la RDC à son égard. Par ailleurs, les ambassades, le FMI et les bailleurs de fonds ont demandé au cours d’une réunion avec le Premier ministre congolais que le climat des affaires soit amélioré en RDC.
Au Burundi, les rumeurs de nouvelles poches de rébellion, démenties par l’armée, ont encore été alimentées par les meurtres d’au moins sept civils près de Bujumbura.
En Ouganda, face à une opposition divisée, le président Museveni a été réélu à la tête de son parti et sera donc aussi candidat à l’élection présidentielle de 2011. Dans le domaine de la justice et des droits humains, deux journalistes ont été tués en une seule semaine, dont l’un probablement pour des motifs politiques. Par ailleurs un avocat et un militant des droits de l’homme, venus défendre des compatriotes mis en cause dans les récents attentats à Kampala, ont été placés en détention : ils seraient accusés de liens avec les islamistes somaliens.
Au Rwanda, les juges français chargés de l’enquête sur l’attentat contre l’avion présidentiel en 1994 multiplient à Kigali les auditions de témoins, tandis qu’en France, la justice a refusé l’extradition du médecin rwandais accusé de génocide. Par ailleurs, l’opposant Déo Mushayidi, ancien cadre du FPR arrêté au Burundi, a été condamné à perpétuité pour « recrutement » contre le régime de Kagame. Enfin, dans le domaine économique, le Rwanda, qui importe massivement de la cassitérite et autres produits miniers du Kivu, va introduire un certificat d’origine pour s’assurer que les minerais ne proviennent pas des zones de guerre : les analystes font cependant remarquer que, pour avoir de l’effet, cette décision doit être légalement contraignante.
Kris Berwouts
Eurac
19/9/2010
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