L’expérience a montré que toutes les personnes dans le collimateur du pouvoir incarné par le général Paul Kagame subissent, en prison, des traitements qui les écartent irréversiblement de leurs ambitions, surtout si celles-ci sont d’ordre politique.
Quelques cas suffisent pour illustrer notre propos. Le colonel Munyakazi était dans les ex-Forces Armées Rwandaises (FAR), vaincues et exilées en RDC. Il a été approché et a vite rejoint l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) qu’il combattait hier et qui venait de conquérir le pouvoir par la force. Il a été vite bombardé général et nommé commandant d’une circonscription militaire. Le moment venu, des témoins sont apparus. Il a été jeté en prison. Lors de sa première comparution devant le juge, il n’a pas pu lire son acte d’accusation. Il semble qu’il avait été enfermé dans un trou noir, sans ses lunettes, d’où il a perdu la vue. Un général aveugle, c’est un bon débarras !
Du côté politique, citons le cas d’Ubalijoro Bonaventure. Cet ex-ambassadeur sous Habyarimana avait rallié le parti MDR qui a été au gouvernement avec le FPR en juillet 1994. Des postes juteux lui ont été donnés. Confiant au nouveau pouvoir, il a exprimé publiquement son opinion de voir le FPR négocier avec l’opposition politique extérieure pour asseoir une véritable paix au Rwanda. Ce crime de lèse-majesté l’a conduit en prison. Libéré après quelques années, il est sorti de la prison sur une chaise roulante et la mort s’en est suivie.
Habimana Bonaventure, ex-secrétaire général du parti MRND sous le régime de feu-Juvénal Habyarimana, a été approché alors qu’il était en exil au Kenya. Il est rentré. Mais son idylle avec le FPR a fait long feu et il fut jeté en prison. Il en est sorti totalement handicapé.
Bizimungu Pasteur a milité pour le FPR qu’il a rejoint en Ouganda en septembre 1990. A la victoire en juillet 1994, il fut nommé président de la République, de nom, car le vrai pouvoir appartenait au Vice-président Paul Kagame. Bizimungu Pasteur a été poussé à la sortie et a démissionné en mars 2000. Condamné en 2004 à 15ans de prison pour avoir fondé un parti politique, il a été libéré par grâce présidentielle en avril 2007. Il est sorti de prison mentalement et physiquement diminué. Il ne peut que se résigner et ranger soigneusement ses ambitions politiques dans le tiroir.
Le cas peut s’étendre sur le Dr Théoneste Niyitegeka. Il s’est présenté aux élections présidentielles de 2003 comme challenger de Paul Kagame. Comme il n’avait pas eu le feu-vert du régime, il a payé très cher cette "audace". Après le sacre de Paul Kagame qui avait "gagné" les élections à plus de 90%, des témoins ont fait irruption et le candidat malheureux a été condamné à 15 ans de prison en 2007 par les fameux tribunaux Gacaca. L’on peut parier qu’il n’en sortira pas indemne.
Ce traitement spécial dans les prisons, seuls Paul Kagame et ses hommes de main en ont le secret. Il a fait ses preuves et est rôdé de façon que les prisonniers qui le subissent, une fois élargis, n’ont plus la force et les capacités mentales de réaliser leurs ambitions. Victoire Ingabire pourrait-elle faire exception ? Pourrait-elle ne pas boire sur cette coupe ? Rien n’est moins sûr.
Déjà, durant sa garde à vue à la station de police, elle a passé des nuits menottée, assise à même le ciment froid, dans une petite cellule, sans matelas, sans ses médicaments, sans effets de toilette, … Il est clair que les consignes de sa maltraitance avait été données par le régime à ses geôliers.
En outre, il faut se rappeler que Victoire Ingabire avait été contactée par un émissaire de Paul Kagame, à savoir le vieux professeur Karangwa Chrysologue. Le deal était que Victoire Ingabire aille au Rwanda où un poste de premier ministre lui serait donné. Elle a dit non et n’a pas caché à son interlocuteur qu’elle briguait plutôt le poste de Paul Kagame, au sommet de l’Etat. Effectivement, elle est rentrée au Rwanda, après 16 ans d’exil, dans l’objectif de faire inscrire son parti et de se présenter aux élections présidentielles contre Paul Kagame. Les élections sont terminées. Elle a été empêchée de se présenter. Elle devra maintenant payer ce fait d’avoir eu le "culot" de braver l’homme fort du Rwanda.
La mise en taule de cette dame répond à une autre préoccupation pressante du régime, à savoir réfuter le contenu du « Mapping report » publié le 01/10/2010 et qui pointe Paul Kagame et son armée d’avoir perpétré un génocide contre les réfugiés hutu en RDC. Les médias internationaux ont souligné que le rapport donne raison à Victoire Ingabire, elle qui avait déclaré, à son arrivée au Rwanda le 16/01/2010, que le génocide des Tutsi ne doit pas faire oublier que le FPR a massacré des milliers de Hutu. Elle s’était déjà attirée les foudres du procureur général, Martin Ngoga, qui avait crié au révisionnisme. Paul Kagame et les présumés génocidaires autour de lui ne peuvent que faire taire, par tous les moyens, cette opposante qui avait commencé, dans ses interviews avec les médias étrangers, à clamer haut et fort que Paul Kagame et sa bande de criminels doivent être déférés devant la justice.
Gaspard Musabyimana
27/10/2010
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