Génocide des Hutu au Congo : témoignage d’un réscapé
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Je revois ce bébé qui cherchait encore à téter les seins de sa mère déjà envahie par les fourmis car elle était déjà morte. Je revois encore cet ami qui, impuissant, assistait à la souffrance de sa femme qui n’arrivait pas à accoucher de leur premier enfant et qui finit par être emportée par ce douloureux accouchement. Je pense aussi à cette femme qui, sous la pluie de balles, s’enfuit laissant sa fille unique saignant et appelant au secours après avoir reçu plusieurs balles dans les deux jambes.

Combien de jours me faudrait-il pour raconter les massacres de masse commis à Kashusha, à Shanji, à Hombo, à Tebero, à Walikare, à Tingi Tingi, à Lubutu, à Ubundu, à Mbandaka et ailleurs ? Et si le facteur temps ne constituait pas un obstacle, suis-je humainement capable de parler de tous ces faits dont la cruauté échappe à la narration ? L’humilité me commande de déclarer forfait.

[…]

Après la destruction de Tingi Tingi, fin février 1997, nous reprenons la fuite vers Kisangani avec l’intention de gagner la République Centrafricaine. La ville de Kisangani tombe le 17 mars 1997 avant que nous y entrions. Nous sommes alors dirigés vers Ubundu. Nous franchissons difficilement le fleuve de Lualaba. Certains réfugiés décident de traverser le Zaïre en passant par Mbandaka, qui est à plus de 1500 km, d’autres préfèrent de se rendre aux rebelles à Kisangani. Je fais partie de ces derniers.

[…]

Nous nous dirigeons donc vers Kisangani et nous sommes vers la fin du mois de mars 1997. A 7 km avant d’y arriver, dans une localité appelée Lula, nous sommes bloqués par un camp de militaires rwandais. Après avoir enregistré chacun, ces militaires nous installent autour de leur camp. C’est à partir de ce camp que la dynamique de meurtre va se mettre en place en différentes phases. Je voudrais en énumérer au moins quatre.

1ère phase : Les arrestations sélectives

Dès l’arrivée des réfugiés à Lula, les militaires rwandais commencent à arrêter les gens et à les emporter. C’est, par exemple, au cours de cette première phase que sont arrêtés Frédéric Karangwa, qui fut préfet de Butare et André Kagimbangabo, qui fut préfet de Cyangugu. C’est aussi au cours de cette phase qu’est arrêtée Annonciata Uzakunda, ancienne camarade au campus de Ruhengeri et secrétaire générale adjointe de l’AGEUNR.

2ème phase : Recrutement de jeunes et d’ex-FAR

La vague d’arrestations est suivie par une campagne de recrutement. Les militaires de l’APR demandent aux ex-FAR présentes et aux jeunes, dont certains n’ont jamais manié les armes, de les rejoindre pour les aider à conquérir Kinshasa. Ces nouvelles recrues ne doivent pas s’inquiéter pour leurs familles, puisque celles-ci vont être logées dans des camps militaires avec d’autres familles de militaires. Environ 3000 personnes répondent à l’appel et la plupart s’en vont avec leurs familles.

[…]

3ème phase : Premier retour en arrière

Nous sommes en début du mois d’avril 1997. Deux jours après le départ des recrues, les militaires nous demandent de décamper et de retourner en arrière pour ne pas gêner les opérations militaires. Après plusieurs heures de marche, on nous installe à une vingtaine de kilomètres de Lula. Nous formons alors les camps de Kasese 1 et 2 regroupant des réfugiés dont le nombre varierait entre 60 et 100 mille.

Au cours des premiers jours à Kasese, nous nous faisons des illusions sur la bonne foi de l’APR. En effet, comment ne pas croire en la bonne foi de cette armée qui a déjà intégré des milliers des nôtres dans ses rangs ? Je pense ici aux recrues de Lula. Au cours de cette période, un autre évènement vient renforcer notre confiance. Outre que les militaires viennent partager à boire avec les réfugiés, un afandi de l’APR vient dans le camp demander la main d’une jeune réfugiée, une nièce, si mes informations sont bonnes, du chef de camp de Kasese.

[…]

4ème phase : Le carnage du 22 avril 1997

Le 22 avril 1997, les réfugiés de Kasese 1 et 2 se réveillent encerclés par les militaires de l’APR. Ceux-ci leur demandent de prendre la direction d’Ubundu, une direction inverse de Kisangani, en suivant le chemin de fer. C’est un deuxième retour en arrière.

En cette matinée, ceux qui hésitent sont tués. En cette matinée, durant la marche, des gens sont sélectionnés et tués essentiellement à l’arme blanche. En cette matinée, durant la marche, des familles entières sont sorties des rangs et exécutées.

Après huit heures de marche, les militaires qui accompagnent les réfugiés leur demandent de s’asseoir et de préparer à manger. Et c’est à ce moment que le carnage commence.

« Devant nous s’installèrent ces militaires qui nous conduisaient avec leurs mitrailleuses et les caisses d’obus. Ils tournèrent les canons sur nous. Ils étaient tellement nombreux qu’il y en avait partout. Sans pitié, ils ouvrirent le feu. Les gens moururent par centaines. Le sang coula partout, se mêla au repas qu’on préparait  et tout devint rouge » (Niwese, Le peuple rwandais un pied dans la tombe, 2001, pp.161-162).

Les massacres qui débutent le 22 avril 1997 sont accomplis intensivement durant trois jours. Nous sommes pourchassés dans la forêt. Les cadavres sont examinés pour retrouver et parachever les personnes qui gardent encore le souffle. Les femmes arrêtées sont sauvagement violées avant d’être exécutées, etc. Après les tueries intensives, les corps sont entassés et brûlés. D’autres finissent dans des fosses communes.

 

Lire tout le témoignage ci-dessous en fichiers attachés, PDF et Word.

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2 commentaires

COMMENTS

Tite Bafurha / 13 novembre 2015 à 18 h 46 min

les internationaux et les rwandais ne parlent que: -la genocide – le massacre, oui il peut etre vrai mais pourquoi oubliez vous les congolais tues a bkv, goma, beni, walungu, kabare, kalehe, masisi, rutshuru, walikale, par: mutebutsi, nkunda, makenga, ntaganda, ngaruye, runiga ,azarias, jems k, kagame, etc. ne soyez pas partiale svp le congo a dja perdu plusieurs de ses hommes forts tels que: mbuza mabe, bahuma, mamadu, laurent desire, katumba mk, cuma tchebeya, etc tout ce est dit par la movaise polite de nos dirigeants

CONFIDENT / 20 septembre 2020 à 20 h 00 min

Je viens juste de tomber sur cet article.Une memoire qui me rappelle une grande partie de ma vie.Merci.Je suis vivant.Tu etais la pres de moi je vos.
Au ames peries dans cette hecatombe qu’ils reposent en paix
Dieu exercera sa vagence au temps indique.

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