Paroxysme de la campagne de sensibisation et de propagande du FPR en Belgique
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Sur invitation de l’ambassade du Rwanda à Bruxelles des centaines de ressortissants rwandais vivant dans le Benelux se sont retrouvés dans une coquette salle des ACP à Bruxelles le 06/11/2010 après-midi pour écouter les émissaires du régime du FPR qui sillonnent le monde pour vendre l’image de la dictature et dénigrer les opposants politiques. Dans son mot d’introduction l’ambassadeur Ntwari Gérard après avoir présenté les orateurs, a donné l’ordre du jour à savoir : le programme gouvernemental, la position du gouvernement rwandais sur le Mapping rapport sur la RDC ainsi que le sort de Victoire Ingabire et la « bande des quatre » (Kayumba-Karegeya-Gahima-Rudasingwa).

Un casting ingénieux !

Le panel des orateurs étaient constitué de personnalités censées maîtriser, soit par leur attributions, soit par leur vécu, tous les sujets abordés et de façon à donner du régime une image de « rassembleur ». Ainsi il y avait :

– Christine Nyatanyi, Secrétaire d’Etat aux Affaires sociales, une hutu ralliée au régime après 1994 ;
– Aloysie Inyumba, Sénatrice et ancien ministre, une tutsi, l’une des fondateurs du FPR en Ouganda dans les années 80 ;
– Mureshyankwano Marie Rose, Députée, une hutu rapatriée de la RDC en 1997 ;
– Général-Major Jérôme Ngendahimana, un hutu, ancien officier des ex-FAR et des FDLR, rallié le FPR en 2003 ;
– Madame Iyamuremye –Sindikubwabo Régine ; hutu employée chez la First Lady (Madame Jannette Kagame), fille de l’ancien président intérimaire de la République Théodore Sindikubwabo ;
– Ndashimye Bernardin, hutu retourné de fraiche date et Directeur d’un entreprise étatique ;
– Masozera Robert, tutsi, directeur général de la Diaspora au ministère des Affaires étrangères.

Pour commenter le programme gouvernemental, la ministre Christine Nyatanyi n’a pas eu à chercher loin tellement le discours est rodé : développement, vision 2020, blabla, … Monsieur Masozera, Directeur général de la Diaspora, a lui aussi donné la part de la diaspora dans l’accomplissement de ce programme. En termes voilés, il s’est plaint de la nature de la diaspora en Belgique qui, a-t-il souligné, est constituée de74 % des réfugiés d’après 1994 (c-à-d. des Hutu).  Cette diaspora vivrait dans la peur et se nourrirait de rumeurs et serait caractérisée par la division. La sénatrice Inyumba a emboîté le pas en rappelant l’historique de la direction du pays par le FPR depuis sa prise du pouvoir en 1994. Elle a révélé que dès sa prise du pouvoir, le FPR a défini quelles seraient les grandes orientations de son action et surtout a fixé quelques principes immuables dont notamment affermir l’unité nationale (entendez par là ne plus parler de Hutu ou de Tutsi), la sécurité du pays (entendez par là la militarisation à outrance), essayer la démocratie à la rwandaise ( entendez par là verrouiller l’espace politique),…

Tirs groupés sur le Mapping report sur RDC

C’est l’ambassadeur Ntwari qui a ouvert les hostilités sur ce sujet. Il a prétendu que ce rapport est l’œuvre de certaines ONG et de certaines personnes qui ne seraient pas contentes de l’essor économique que connaît le Rwanda ! Il a embrayé en disant que ses rédacteurs n’avaient pas suivis une bonne méthodologie. Enfin il a indique qu’il serait tout à fait erroné de parler de génocide des hutu alors qu’ils n’avaient pas tous été exterminé comme l’entend la définition du terme « génocide ». Pourtant cette définition contient les termes « en tout ou en partie ». Son Excellence préfère ignorer le dernier mot.

Le général Jérôme Ngendahimana brandi comme le témoin oculaire de l’attaque des camps des réfugiés hutu au Zaïre et donc « le regis ultima ratio » dans la démolition du rapport, à défaut de convaincre, il a amusé l’assistance par ses lapsus significatifs du genre : «  Jusqu’aujourd’hui, aucune personne tuée au Congo n’a jamais déclaré qu’elle  a été tuée par l’APR !!! ».

La députée Mureshyankwano de la même veine a raconté sa traversée de la forêt congolaise de Bukavu à Mandaka sans jamais entendre siffler une balle ni voir des morts par balles et encore moins croiser de soldats de l’APR à part ceux qui l’ont secourue et ramenée au Rwanda ! Même raconté par une comédienne comme Mureshyankwano, le récit est trop beau pour être crédible.

Madame Iyamuremye Régine, fille de l’ancien président intérimaire Th. Sindikubwabo, a fait part de l’existence d’un « Club des leaders » appelé Ihuriro. Ce club regroupe les anciens et les actuels membres du gouvernement avec leurs conjoints. Son histoire personnelle relatant comment elle a hésité à retourner au Rwanda après 1994 et surtout la crainte de son retrouver devant les ennemis jurés de son père, était censée convaincre les plus sceptiques de la main tendue du FPR et de la volonté de réconciliation de la part du FPR.

Tirs groupés sur les opposants

Pour discréditer Victoire Ingabire , la présidente du parti politique FDU emprisonnée à Kigali, le régime a mis à contribution les talents du juriste-poète-troubadour Bernardin Ndashimye. Avec des arguments aussi naïfs que légers, il a martelé que Victoire Ingabire n’était pas une prisonnière politique mais, une prévenue de droit commun qui doit attendre son procès. Le sieur Ndashimye oublie du coup qu’aucune dictature au monde n’a jamais reconnu avoir de prisonniers politiques. De Nelson Mandela au tout récent prix Nobel de la Paix chinois Liu Xiaobo en passant par Aung San Suu Kyi, tous étaient ou sont encore présentés par les régimes qui les détiennent, de «  prisonniers de droit commun ». Pour l’Afrique du Sud de l’apartheid, Mandela était détenu pour terrorisme, pour la junte birmane AungSan Suu Kyi est détenue pour atteinte à la sécurité de l’Etat, tandis que le chinois Liu Xiaobo est officiellement détenu pour subversion. Le juriste Ndashimye n’a donc pas « inventé la roue » en affirmant que Victoire Ingabire n’était pas une prisonnière politique. Il ne fait qu’emboîter le pas aux propagandistes des principaux régimes dictatoriaux du monde comme celui qu’il sert actuellement.

Pour discréditer la « bande des quatre » à savoir le général Kayumba-Nyamwasa, le colonel Karegeya, Gérard Gahima et Rudasingwa, la sénatrice Inyumba épaulée par le général Ngendahimana n’a pas fait dans la dentelle. Pour elle, ces personnes sont coupables d’indiscipline et de corruption, ce qui est durement châtié au sein du FPR. Ce qu’ils ont écrit dans un document intitulé « Rwanda briefing » ne correspondrait pas du tout à la réalité et servirait à couvrir leurs méfaits. Dans tous les cas, il ne faut pas répondre à leurs sirènes comme quoi ils défendraient la cause hutu. Quant à Ngendahimana, il a essayé de donner concrètement les griefs reprochés à ces dissidents mais sans toujours convaincre. Il s’agissait ni plus ni moins d’une campagne de dénigrement que d’une séance d’information.

Le moment des questions-réponses

Les questions posées peuvent être rangées en deux catégories : les doléances personnelles adressées aux autorités et les questions politiques. La première catégorie se passe de commentaires. Pour la deuxième, le Mapping rapport a dominé les débats. A l’opposée des thèses du régime, certains dans l’assistance prétendaient qu’il pourrait contribuer à la réconciliation si les auteurs des crimes que le rapport dénonce étaient déférés devant la justice. De même les témoignages « a postériori » de ceux qui ont été rapatriés du Zaïre et qui affirment que l’APR n’a pas commis de crimes ont quelques fois été qualifiés de mensonges soulevant une polémique entre deux anciennes collègues parlementaires. On notera le cynisme, la légèreté mais surtout la courtisanerie de Bernadin Nshimiye envers le régime qui transparait chaque fois qu’il ouvre la bouche comme quand il devait répondre à ce jeune qui indiquait que les rescapés et les proches des victimes des massacres commis par l’APR en RDC avaient manifesté en masse à Bruxelles. 

En conclusion, la tournée des émissaires du régime de Paul Kagame en Europe montre que la dictature tremble sur ses bases et qu’elle tente de prendre la main. Trois dossiers chauds les préoccupent : le Mapping rapport sur la RDC, l’affaire Victoire Ingabire et la « bande des quatre ». Pourtant, le régime peut trouver vite et sans effort des solutions à ces trois préoccupations. Pour le Mapping rapport, que Kigali laisse le processus se poursuivre pour que les coupables des crimes commis en RDC soient un jour poursuivis. Le cas de Victoire Ingabire et encore plus facile à résoudre. Que le régime laisse à cette femme le droit de mener librement ses activités politiques dans son pays. Quant à la « bande des quatre », que le FPR lave son linge sale en famille mais qu’il n’en fasse pas une affaire nationale. Dans tous les cas les questions soulevées dans « Rwanda briefing » méritent une attention particulière de la part de ceux qui dirigent de main de fer le Rwanda.

Emmanuel Neretse
07/11/2010

 Ecoutez les interventions des émissaires de Kigali ci-dessous, en fichiers MP3

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