Rwanda/HCR : cessation de statut de réfugié repoussée
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Rubrique : Actualité


Publié le 9 Déc 2011 par Gaspard Musabyimana

Compte-rendu de l’audience accordée par les responsables du HCR à la délégation des organisations des réfugiés rwandais.

Dans le cadre des manifestations contre la cessation du statut de réfugié pour les Rwandais organisée un peu partout dans le monde, des organisations en exil de rwandais de Suisse, appuyées par d’autres Rwandais venus des Pays Bas et de France, ont manifesté à la place des Nations à Genève ce lundi 5 décembre 2011. Leur délégation a été reçue par trois hauts responsables du HCR[i] dont la chargée de la politique de protection et ses 2 collègues du Bureau Afrique.

Dans l’entretien qui a duré 1 heure 30 minutes, la délégation a, dans son introduction, annoncé qu’elle avait le mandat de toutes les organisations de réfugiés rwandais qui manifestaient au même moment dans leur pays d’accueil respectif. Elle a ensuite remis un mémorandum rédigé pour la circonstance avant de présenter en grandes lignes son contenu : l’indignation et les inquiétudes de voir les autorités du HCR, une organisation des Nations Unies, avaliser la décision de priver des Rwandais de protection au moment où le régime actuel est accusé par les mêmes Nations Unies dans le rapport Mapping d’octobre 2010, de graves violations de droits de l’homme, dont des crimes contre l’humanité, voire de possible génocide sur les réfugiés hutu en République démocratique du Congo.

La délégation a aussi évoqué la fermeture de l’espace politique et d’expression qui fait que l’opposition politique et la presse indépendante sont mis devant 3 choix : l’exil, la prison ou la mort. Et de citer les assassinats de leaders politiques et de journalistes, les tentatives d’assassinat, l’emprisonnement touchant les leaders de tous les partis d’opposition et de la presse, sans oublier la liste interminable des personnes qui, pour sauver leur peau, n’ont eu d’autre choix que le chemin d’exil.

Au moment où le nombre de rwandais qui fuient le pays ne cesse de croître, la délégation a émis la crainte que les personnes en instance d’asile pourraient se voir refuser le statut de réfugié par les autorités administratives en leur opposant justement la cessation du statut de réfugié. Le Rwanda serait en effet, considéré désormais comme un Etat sûr. La délégation a enfin rappelé le rôle joué par le HCR en RDC particulièrement à Tingitingi, d’avoir servi d’appât aux réfugiés qui ont ensuite été massacrés par des éléments de l’armée rwandaise. Pour la délégation, la cessation du statut de réfugié ressemblerait étrangement à une réédition de Tingitingi.

Les représentants du HCR ont ensuite expliqué à la délégation qu’il existe effectivement un projet de cessation du statut de réfugié pour les Rwandais mais que c’est un long processus déjà amorcé mais qui n’a pas encore abouti. Ils ont expliqué que la cessation rentrait dans une stratégie comprenant quatre volets principaux : le rapatriement volontaire, l’intégration dans les pays hôtes, la protection continue et la cessation du statut de réfugié. Ils ont déclaré que pour le moment l’essentiel de leurs démarches visait surtout l’intégration. Vu des difficultés d’accorder la naturalisation pour les pays africains en général et d’Afrique Australe en particulier, la solution qui sera proposée aux réfugiés intégrés est de solliciter un permis de séjour permanent qui suppose des démarches auprès des autorités de Kigali car un passeport rwandais est indispensable.

Ils ont expliqué qu’en tant qu’organisation experte, il ne revient pas au HCR de déclarer la cessation du statut de réfugié ; son rôle est de donner aux pays d’asile un avis technique doctrinal sur la question. Les Etats appliquent alors librement ses recommandations. Ils ont néanmoins cité le cas de la Zambie qui a déjà appliqué la clause de cessation pour les réfugiés rwandais sans attendre les recommandations du HCR. La réunion interministérielle du 7 et 8 décembre 2011 ne va pas selon eux, parler de la cessation du statut des réfugiés pour les Rwandais mais se penchera sur la problématique des personnes déracinées et des apatrides. Il est prévu par contre le 9 décembre une séance des pays hébergeant des réfugiés rwandais où seront discutés les problèmes spécifiques à ces derniers dont probablement la cessation de leur statut sans pour autant prendre formellement la décision.

Selon les représentants du HCR, il n’est pas possible à l’heure actuelle d’indiquer quand la cessation sera arrêtée. Et même qu’elle le sera, il faudra un long délai pour arriver à son application. Quand la délégation a évoqué que le gouvernement rwandais présentait ce dossier comme si la cessation était décidée, les représentants du HCR ont admis être au courant de ce fait mais qu’ils avaient officiellement demandé aux autorités rwandaises que cette fausse information soit effacée de leur site internet.

Dans les discussions, la délégation a manifesté son inquiétude qu’une fois la clause de cessation arrêtée, le rapatriement de certaines catégories de réfugiés risque de les exposer aux mauvais traitements si l’on considère le climat politique actuel. Et de citer l’assassinat du journaliste Charles Ingabire à Kampala survenu dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre. Les représentants du HCR ont annoncé qu’il est prévu dans la procédure de cessation, la possibilité de demander l’exemption pour les personnes qui ne peuvent pas, pour leur engagement politique ou l’exercice de leur métier, rentrer objectivement au Rwanda. Ils ont donné l’exemple des membres adhérents à des partis politiques d’opposition, des journalistes et des militants des droits de l’homme. Les représentants du HCR ont assuré la délégation que les représentants des partis politiques et d’autres communautés de réfugiés seront consultés avant la mise en application de la clause de cessation.

Pour la délégation, Calixte Kanani

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[i] Alice Edwards, Senior Legal Coordinator, Chief of Protection Policy and Legal Advice Section, Division of International Protection
Isabel Marquez, Senior Legal Officer, Africa Bureau
Andrew Painter, Senior Desk Officer, Africa Bureau

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