Depuis l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana à Bujumbura le 02/8/2015, un climat de peur et de suspicion règne au Burundi. La situation est loin de s’apaiser car d’autres assassinats ou tentatives d’assassinats se poursuivent à un rythme quasi quotidien.
Début d’une guérilla urbaine à Bujumbura
L’assassinat du général Adoplphe Nshimirimana a privé le régime de son homme fort, mais il sonne également le début d’une guérilla urbaine à Bujumbura. Les faits le prouvent à suffisance. Le véhicule du général Nshimirimana a été détruit à l’aide de roquettes et de fusils mitrailleurs. Les spécialistes militaires sont d’avis que ces armes de guerre ne peuvent pas passer inaperçues. Si les tireurs ont pu les stocker et les actionner au moment opportun, c’est signe qu’il y a eu une longue préparation. Et les dernières informations font état de l’existence d’un véritable arsenal appartenant aux opposants au président Pierre Nkurunziza.
Un autre signe montrant que la guerre à Bujumbura a été préparée de longue date, c’est le professionnalisme avec lequel cet assassinat a été opéré. Pour lancer une roquette sur un véhicule, roulant à vive allure en pleine ville, ça ne peut qu’être l’affaire des spécialistes. Cela est encore plus vrai que pour se camoufler avec de telles armes et tendre une embuscade, il faut beaucoup de complicité. Par ailleurs, pour tracer le véhicule du général Adolphe Nshimirimana, qui était un homme des renseignements militaires et qui n’avait sans doute pas divulgué son itinéraire, il a fallu un système de géolocalisation pour le pister. Encore une fois, cela nécessite des moyens techniques qu’un tireur isolé ne peut pas avoir. Il y a eu donc toute une équipe de logistique pour réussir cet attentat. Tout cela montre que tout est en place pour une véritable guérilla urbaine, longue et coûteuse en dégâts humains et matériels.
La violence appelle la violence
Dans la foulée, Pierre Claver Mbonimpa, un éminent défenseur des Droits de l’Homme, a été blessé par balles dans la soirée du 3 août 2015 à Bujumbura. Le 04//2015, un attentat a été commis contre le commandant du 311ème bataillon commando. Transporté à l’hôpital, il a succombé, le jour suivant, à ses blessures. Son tort est d’avoir défendu le siège de la radiotélévision nationale le 13/05/2015 et mis en déroute les putschistes qui voulaient s’en emparer. Héros de ce coup d’Etat manqué, voilà qu’il l’a payé de sa vie.
Dans les quartiers de Bujumbura, c’est évidement la chasse à l’homme pour retrouver ces fauteurs de trouble et des tracasseries policières ne manquent pas.
Dans le camp du président Nkurunziza, la colère gronde et enfle. Ses partisans sont d’avis qu’il faut en découdre avec les « opposants ». Mais le président, comme il l’a fait depuis le début de la crise burundaise, a appelé la population au calme. Car, ce qui est voulu par ces attentats, c’est susciter une vague de violences qui va profiter aux pêcheurs en eau trouble. Le président Nkurunziza serait alors accusé de tous les maux dont le « génocide » que déjà certains ont commencé à brandir. Par ailleurs, cette stratégie du chaos est rôdée. Elle a réussi au Rwanda voisin entre 1990 et 1994 et c’est la marque déposée du Front patriotique Rwandais de Paul Kagame.
Même les services de l’ordre, malgré une série de provocations par les manifestants qui sont allés jusqu’à molester publiquement les policiers, n’ont pas sévi alors qu’ils en avaient les moyens et la capacité. Inimaginable en Afrique ! On peut reprocher au régime Nkurunziza tout ce qu’on veut, mais il a donné une leçon de retenue et surtout de maturité à ses détracteurs.
Mais combien de temps va durer cette retenue ? Aucun doute que quelque part il ya des gens qui piaffent d’impatience pour se lancer dans la bagarre burundo-burundaise.
Les acteurs en présence et leur responsabilité
Depuis que le président Nkurunziza a été désigné pour rempiler pour un 3è mandat présidentiel, des condamnations ont fusé de toutes parts. Presque tous les pays occidentaux, l’Union Européenne et les Etats-Unis ont désapprouvé cette désignation. Pierre Nkurunziza, dans une fuite en avant, s’est présenté, contre vents et marées aux élections présidentielles et les a remportées avec 69% de voix. Les mêmes condamnations ont été encore une fois ressassées, jugeant cette élection de « non crédible ».
L’opposition politique, fort du soutien de la communauté internationale, est en train de fourbir ses armes. Un coup d’Etat a échoué, une attaque sur la frontière avec le Rwanda a été repoussée,… Des préparatifs sont en cours pour d’autres actions violentes en vue de faire plier Pierre Nkurunziza. Les représentants des partis politiques de l’opposition ainsi que ceux de la société civile, et les anciens présidents du Burundi ont créé, à Addis-Abeba en Ethiopie le 1er août 2015, le « Conseil National pour le Respect de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi et de la restauration de l’Etat de droit », CNARED, dont l’objectif est de former un front uni contre le pouvoir de Pierre Nkurunziza.
La médiation du président Museveni et de son ministre de la Défense n’a pas eu de fruits. Il est vrai que ce n’est pas lui qui devrait donner des leçons de démocratie mais également sa proposition pour une autre période de transition après deux ans de pouvoir de Nkurunziza passe mal dans le camp présidentiel qui estime avoir la légitimité du peuple.
Au rythme actuel les « opposants » sont prêts à résoudre la crise burundaise par la violence avec ce que cela comporte comme conséquence en dégâts humains et matériels. La communauté internationale, qui a montré sa position, devrait mettre sur pied une médiation digne de ce nom et inviter l’opposition à plus de tempérance et avoir à l’esprit que fin des fins, on commence la guerre, on ne sait pas comment elle finit et tout compte fait ce sont des Burundais, tous sans exception, qui en sortiront perdants.
Jane Mugeni