RDC : L’« Affaire Ntaganda » dévoile la vulnérabilité de l’Etat congolais
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Bosco Ntaganda surnommé « Terminator » (il en était fier et s’en vantait) passe devant la Cour pénale internationale à la Haye où il doit répondre de dix-huit chefs d’accusation notamment de crimes de guerre, d’enrôlement d’enfants mineurs dans un conflit armé, de viol et violence perpétrés en Ituri entre 2002 et 2003.

L’affaire Bosco Ntaganda dévoile, au-delà de tout combat juridique, la vulnérabilité de notre pays, la RD Congo. La vulnérabilité d’un pays à une insurrection se mesure à l’importance et à l’acuité des problèmes que l’on y rencontre. Encore qu’au Congo, il y a une multitude de mouvements insurrectionnels et donc, une multitude de problèmes restés sans solution.

Bosco Ntaganda, c’est un cas d’école pour notre armée et notre nation. Mercenaire rwandais arrivé dans le Masisi (Nord-Kivu) à l’âge de 17 ans où il a suivi sa sœur aînée, il a fait tout au plus le cycle secondaire (2ème  C.O.) Bosco Ntaganda brouille toutes les cartes sur sa vraie identité. Rwandais ou Congolais ? Là se pose la question dès lors qu’il a servi sous le label APR (Armée patriotique rwandaise) avant de se voir bardé de grade de général sans niveau d’études minimum recommandées dans l’armée nationale, Les Forces armées de la RDC. Bosco Ntaganda a déclaré, aussitôt qu’il s’était rendu de lui-même aux autorités de la CPI via les Américains, qu’il s’exprimerait en kinyarwanda, langue qu’il maîtrise le mieux. Déclaration actée.

Mais en Rd Congo, alors général des Fardc et commandant second dans les « opérations Amani contre les FDLR » de 2009 à 2012, le général « congolais » Bosco Ntaganda donnait des ordres à ses troupes en quelle langue ? En Ituri où on ne parle pas le kinyarwanda et où il a commandé les troupes de l’Union des Patriotes Congolais (UPC) de Jean Chrysostome Lubanga en qualité de Chef d’Etat-major, il communiquait en quelle langue ?

Bosco Ntaganda a été adoubé par le gouvernement congolais sur injonction du Rwanda lors de l’éjection d’un autre tristement célèbre chef de guerre Laurent Nkunda Mihigo. Et Dieu seul sait s’il existe combien de Bosco Ntaganda dans les rangs des  Forces armées de la RD Congo ayant une appartenance difficilement identifiable et servant en temps réel comme mercenaires au service des pays voisins. Mercenaires ou espions, cette catégorie de personnes regorge  notre armée. Par notre faiblesse et notre bêtise. Car, la connaissance des intentions du voisin-ennemi ne peut être obtenue qu’à travers d’autres hommes comme Ntaganda. Ils utilisent la divine manipulation des esprits. Notre armée nationale est inféodées depuis le simple soldat jusqu’aux officiers.

Le cas Bosco Ntaganda est phénoménal. Il a combattu dans l’armée rwandaise comme caporal. Il a intégré la rébellion pro Rwanda du RCD et a combattu les Forces Armées Congolaises (FAC), puis il a été récupéré par l’Ouganda pour combattre les marionnettes du Rwanda aux côtés de Wamba dia Wamba. De là, il a rejoint l’Ituri aux côtés du chef Kahwa Panga Mandro pour faire basculer l’UPC de Thomas Lubanga du côté du Rwanda, créant une grande tension entre Kaguta Museveni (Ouganda) et Paul Kagame (Rwanda).

Dans sa gestion des ambitions des uns et des autres Chefs d’Etat pourvoyeurs de l’insécurité dans la région, Bosco Ntaganda a combattu les forces gouvernementales avec hargne avec des hommes tels Innocent Kaynama alias India Queen.

En 2005, abandonnant le terrain de l’Ituri et craignant d’être arrêtés, ils ont tous rejoint le CNDP de Laurent Nkunda dans le Masisi (Nord-Kivu) pour se faire passer pour des mutins. Après le passage du Belge Louis Michel et du Nigérian Olusegun Obasandjo dans le maquis de Kilolirwe où ils ont esquissé des pas de danse avec Laurent Nkunda en 2009, Paul Kagame présente Bosco Ntaganda à Joseph Kabila comme un interlocuteur valable et crédible avec qui il faut engager notre pays dans la voie suicidaire du mixage. Bosco Ntaganda négocie avec John Numbi le mixage des troupes. Il devient Congolais à cent pour cent  et obtient le commandement en second des opérations militaires contre une immunité et une promesse à ne jamais être extradé à la CPI, le Congo ayant opté pour la sécurisation du pays sans la justice.

Et pour ce faire, on peut convoler aux douces noces et même manger avec le diable sans s’être muni au préalable des fourchettes longues. Un mercenaire n’est mieux que dans son rôle de promoteur des désordres. Il va lancer en 2012, la tristement célèbre rébellion armée soutenue par Kampala et Kigali du M 23 qui a chassé les Fardc de la ville de Goma.

Trahi par ses soutiens congolais et rwandais, il se confiera aux Américains pour se rendre à la Haye. A la surprise générale. Et depuis, il se présente comme « soldat et non criminel », oubliant que derrière le kaki militaire peut se cacher un criminel. Rien n’exclut l’autre et les deux peuvent bien faire route ensemble.

Le cas Bosco Ntaganda qui doit faire pleurer la république présente une image triste de la gouvernance de notre pays notamment dans la quête de la formation d’une armée nationale, républicaine et moderne. Il prouve à suffisance que notre pays n’est pas immunisé contre les insurrections montées de toutes pièces par nos voisins, eux aussi instrumentalisés par les grandes puissances. La solidité d’une nation repose principalement sur le consensus national.

Car, plus généralement, une nation se défait quand elle est envahie par d’autres et se constitue quand ceux qui ont une bonne raison de vivre ensemble réussissent, par leur force économique, politique, militaire ou diplomatique à échapper à l’environnement extérieur. Que le cas Ntaganda qui est une honte nationale serve de leçon aux gouvernants congolais. Ainsi, le Congo sera épargné des menaces extérieures et sera… sauvé.

Mathias Ikem
[Extrait de : Les Coulisses n°280 octobre 2015. Nicaise Kibel’bel Oka, Rédacteur en chef]

 

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