Vers la réforme du secteur de la sécurité en RDC ?
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Le texte ci-après est tiré d’un document intitulé : « Le soutien de l’UE à la réforme du secteur de la sécurité en RDC. Vers une amélioration de la gouvernance des forces de sécurité Congolaises? » et publié par EurAC.
La photo à La Une et le titre de cet extrait ne font pas partie de la publication originale.

Le climat d’insécurité généralisée [en RDC] a plusieurs causes et implique un large éventail d’acteurs. Les forces de sécurité congolaises peuvent être considérées dans leur ensemble comme contribuant à ce climat d’insécurité. C’est le cas notamment de la Police Nationale Congolaise (PNC), de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR), de la Direction Générale de Migration (DGM), des Forces Armées de la Ré- publique Démocratique du Congo (FARDC). Au-delà d’un banditisme largement répandu à travers le pays, les forces armées gouvernementales, sur lesquelles l’autorité nationale n’a  qu’un faible contrôle, restent l’une des sources principales de l’instabilité et de la violence en RDC.

Depuis des décennies, la sécurité et la stabilité en RDC sont menacées par la présence d’un nombre important de groupes armés. Des conflits armés localisés dans plusieurs régions émanent de la volonté de certains groupes rebelles de prendre le contrôle des ressources naturelles du pays, ou de tirer des avantages politiques au travers de négociations avec les autorités locales et/ou centrales13. Ces groupes sont généralement motivés par des intérêts économiques, politiques, sociaux ou sécuritaires, et ils sont principalement actifs dans les régions riches en ressources. Dans certains cas, les pays voisins soutiennent les rebelles engagés dans les combats en RDC, qui contrôlent certaines parties du territoire congolais et commettent des crimes contre la population. L’implication du Rwanda, de l’Ouganda et dans une moindre mesure du Burundi dans les affaires internes de la RDC contribue à l’insécurité en RDC mais également dans l’ensemble de la région14.

Près de 70 groupes armés15 ont été identifiés sur le territoire congolais, dont les principaux sont l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), l’Alliance des Forces Démocratiques (ADF), les Forces Nationales de Libération (FNL), l’Alliance des Patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS), les Bakata Katanga, les Nduma Défense du Congo (NDC), les factions Maï-Maï Yakutumba, Maï-Maï Nyatura et Raïa Mutomboki. Ces groupes sont particulièrement actifs dans les régions riches en ressources du Nord- et du Sud-Kivu, de la province du Katanga et de l’Ituri (Province Orientale).

La présence d’un grand nombre de groupes armés constitue donc une sérieuse menace pour la sécurité en RDC. Dans ce contexte d’insécurité et de violence généralisées, l’un des principaux problèmes soulevé est le nombre considérable de violations des droits humains qui sont perpétrées telles que les agressions sexuelles des femmes et des jeunes filles, les pillages, les exécutions sommaires, le travail forcé et les arrestations ou exécutions arbitraires. La présence d’un grand nombre de groupes armés sur le territoire, associée au manque de capacité des FARDC à les contenir ou à les vaincre, met en lumière les défis et menaces qui pèsent sur la sécurité et la paix en RDC. L’inefficacité de l’armée en la matière découle principalement de son manque de professionnalisme, de capacités et de cohésion.

Les différentes vagues d’intégration de membres de multiples groupes armés au sein de l’armée, via des processus comme le brassage et le mixage, sont à la base du manque de cohésion dans l’armée. En dépit des promesses, ces tentatives ont souvent échoué, laissant les FARDC déstabilisées, affaiblies et divisées, principalement en raison du manque de financement de la RSS compte tenu de l’ampleur des défis soulevés par la situation sécuritaire en RDC.

L’une des illustrations les plus récentes de l’échec de la constitution d’une armée solide et unifiée nous a été donnée lors des troubles engendrés par le mouvement M23. Cette rébellion est née de la dissolution de l’ancien Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) dirigé par Laurent Nkunda et Bosco Ntaganda et qui a été intégré au sein des FARDC dans le cadre de l’accord de paix du 23 mars 2009. Bien que l’objectif visé par les FARDC en intégrant le CNDP dans l’armée consistait à le démanteler progressivement, l’intégration du CNDP a eu l’effet inverse puisqu’elle a «renforcé le pouvoir des dirigeants du CNDP, les enrichissant et leur permettant de coopter des officiers d’autres groupes armés. Ntaganda lui-même s’est fait des millions de dollars grâce à la contrebande de minéraux, au détournement de fonds militaires et à des escroqueries fiscales»16. Suite aux tentatives du Gouvernement congolais de démanteler le CNDP et de l’affaiblir en annonçant la délocalisation de ses officiers à l’extérieur des Kivu, le Général Bosco Ntaganda, alors devenu un officier supérieur des FARDC, a lancé en mars 2012 une mutinerie de 300-600 soldats, créant ainsi le mouvement M23 qui a pu compter sur «une direction politique principalement composée d’anciens loyalistes du CNDP»17. Le M23 a brièvement occupé la ville de Goma en novembre 2012 et il n’a été vaincu que grâce à la combinaison de conflits internes au M23 avec des améliorations mineures dans le fonctionnement de l’armée congolaise, la fin du soutien rwandais et l’arrivée de la Brigade d’intervention de l’ONU en RDC (FIB).

Il semble aussi que le système sécuritaire actuel permette aux autorités en place de préserver leurs intérêts. Le clientélisme, en tant que base du système néo-patrimonial congolais, de- meure très répandu et par conséquent le «partage du pouvoir» avec les groupes armés est maintenu afin d’accroître, ou tout au moins, de préserver la position des dirigeants actuels18. Le manque de capacités des FARDC pourrait être un souhait stratégique du régime congolais étant donné qu’il accroît leurs chances de rester au pouvoir: «Cette logique repose sur le système néo-patrimonial qui garde les forces armées divisées dans ses loyautés et contrôlées par des réseaux politico-militaires. Il demeure dans l’intérêt des élites politiques et militaires que les FARDC ne deviennent pas une organisation dirigée par une chaîne unique de commande- ment, suivant des lignes directrices professionnelles et contrôlée par des mesures disciplinaires internes. Certains politiciens pourraient craindre un coup d’état si l’armée devait fonctionner comme une organisation professionnelle unifiée»19.

Ces dysfonctionnements au sein de l’armée l’ont parfois conduite à ne pas remplir son devoir de protection de la population. Des violations des droits humains commises par les FARDC sont sou- vent rapportées. Un cas bien connu de ce type de violation s’est produit à Minova (Sud-Kivu) en novembre 201220. Le problème persistant des atteintes aux droits humains provient du manque de contrôle des autorités congolaises sur leurs troupes qui, combiné au nombre de commandants incompétents, aux interférences dans la chaîne de commandement ou aux mauvaises conditions de service pour les combattants FARDC, ne permet pas de les pré- venir ni de les empêcher. Les dysfonctionnements au sein de l’armée sont également reflétés par la participation illégale de haut-gradés des FARDC dans l’exploitation et le commerce de ressources naturelles (principalement des minerais et du bois). Cette implication illégale est documentée depuis de nombreuses années par le Groupe d’Experts de l’ONU sur la RDC et elle a une fois de plus été étayée dans le dernier rapport du Groupe21.

INTÉGRALITÉ DU DOCUMENTLe soutien de l’UE à la réforme du secteur de la sécurité en RDC. Vers une amélioration de la gouvernance des forces de sécurité Congolaises?

Notes

13 Commission Européenne (2014), op. cit..

14 Groupe d’Experts de l’ONU sur la RDC, Final report 2013 (S/2014/42), 23 janvier 2014 (En ligne: http://www.securitycouncilreport. org/atf/cf/%7B65BFCF9B- 6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF- 96FF9%7D/s_2014_42.pdf).

15 Congo Research Group, The Landscape of Armed Groups in East Congo, novembre 2015 (En ligne: http://congoresearchgroup.org/ essay-the-landscape-of-armedgroups-in-eastern-congo-2/).

16 Jason Stearns, From CNDP to M23: The evolution of an armed group in Eastern Congo, Rift Valley Institute, Usalama Project, 2012 (En ligne: http://www.congoforum.be/upldocs/RVI%20 Usalama%20Project%201%20 CNDP-M23.pdf).

17 Ibid.

18 Evert Kets et Hugo de

Vries, «Limits to supporting security sector interventions in the DRC», Institute for Security Studies, ISS Paper 257, juillet 2014.

19 Ibid.

20 MONUSCO/OHCHR, Rapport du Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme sur les violations des Droits de l’Homme perpétrées par des militaires des forces armées congolaises et des combattants du M23 à Goma et à Sake, province du Nord-Kivu, ainsi qu’à Minova et dans ses environs, province du Sud-Kivu, entre le 15 novembre et le 2 décembre 2012, mai 2013 (En ligne: http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/UNJHROMay2013_fr.pdf).

21 Groupe d’Experts de l’ONU sur la RDC, Midterm report 2015, (S/2015/797), 16 octobre 2015

(En ligne: http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF-96FF9%7D/s_2015_797.pdf)

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