Paul Kagame à Gabiro le 26 février 2018 : moment de lucidité ou tentative de s’exonérer ?
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Kagame reconnaît la descente aux abîmes de la société rwandaise depuis sa prise du pouvoir en 1994 mais s’exonère en mettant tout sur les épaules de ses subordonnés.

Contexte 

L’une des Grands-messes instituées par le FPR depuis sa prise du pouvoir en 1994 est une « retraite annuelle » des hautes autorités de l’Etat, du sommet jusqu’aux responsables administratifs au niveau des districts en passant  par les parlementaires et les directeurs des agences et sociétés paraétatiques. Ainsi donc chaque année, pas moins de 300 personnalités se réunissent pendant quelques jours autour du président Paul Kagame et passent le plus clair du temps à  chanter ses louanges et à  rivaliser de talent pour l’épater dans l’adoration.

Pour l’édition 2018 de ce rituel, le rendez-vous était donné au camp militaire de Gabiro au Nord-Est du pays. A partir du 26 février 2018, la presse nationale et les réseaux sociaux ont donc montré des scènes des ministres et parlementaires subir des drills militaires et surtout être traînés dans la boue, insultés et méprisés par un Paul Kagamé qui, visiblement, se croyait au milieu de ses domestiques ou des ouvriers champêtres de sa plantation ou des bergers de sa ferme personnelle qu’est le Rwanda.

Le paroxysme de ce spectacle surréaliste fut atteint quand on a vu Paul Kagame, menaçant, descendre dans l’arène au milieu des maires tremblotant et balbutiant comme pour implorer le pardon du Seigneur. Il a alors joué sa comédie en prétendant avoir subitement découvert que les rapports tant nationaux qu’internationaux mentaient sur les performances du Rwanda. Il s’est aussi étonné de découvrir que la population vit dans la misère jusqu’à être démembrée par les chiques, ou que les enfants soient malnutris. Il s’étonnait en mettant tout ça sur le compte des échelons inférieurs.

Et comme pour enfoncer le clou, sa ministre des Affaires Etrangères Louise Mushikiwabo révéla que le clientélisme faisait rage dans la fonction publique et que le favoritisme était la règle dans la marche des affaires de l’Etat au Rwanda. Bernard Makuza, qui est le Président du Sénat et donc protocolairement numéro 2 du régime, se permit lui aussi de signaler que l’habitat traditionnel en milieu rural dit « nyakatsi » subsistait malgré les déclarations  triomphalistes de son éradication  il y a une dizaine d’années.

Paul Kagame semblait étonné et prenait visiblement tous ces responsables pour des incompétents qui n’ont pas pu exécuter ses ordres et consignes militaires qu’il avait  donnés après la conquête militaire du pays en 1994 à savoir chasser la misère et la faim dans ce pays conquis.

Qu’en retenir ?

La mise en scène pour cette séance était bien étudiée et parfaitement au point. Le ton et la forme de Paul Kagame étaient recommandés pour humilier tous ses collaborateurs et tous ceux qui pourraient  se prétendre des responsables dans ce pays. Son parti-Etat, le FPR, joue sur sa mégalomanie poussée à l’extrême pour inculquer au peuple rwandais qu’il est le seul homme intelligent, clairvoyant de tous les Rwandais. En corollaire, tout ce qui ne marcherait pas dans ce pays ce serait la faute des autres et à l’insu du « visionnaire » Kagame. Ainsi donc la retraite de Gabiro de février 2018 n’avait pour but que d’impressionner l’opinion publique, surtout interne, sur le caractère divin et transcendant du président Kagame : c’était à l’agenda du parti unique qu’est le FPR. C’était donc pour les opposants et les vrais patriotes un non-événement.

Gaspard Musabyimana
08/03/2018

 

 

 

 

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