Rwanda. Une réunion des hautes autorités du pays affermit la chasse des pauvres de la capitale Kigali
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Les autorités rwandaises ont profité des pluies diluviennes tombées sur la capitale dans la soirée du 25/12/2019 pour justifier leurs actions en cours de destruction des maisons des pauvres de la capitale Kigali. Il est dit que ces pluies ont causé 12 morts, des routes coupées,…

Le jour suivant, une réunion regroupant les ministres dont celui de l’Intérieur et celui des infrastructures, la police, les autorités de la ville de Kigali,… a été convoquée in extremis. Tous, à l’unisson, se sont ligués contre la population concernée, à qui ils reprochent de ne pas obtempérer aux injonctions des autorités de quitter les lieux dits à « hauts risques ».

Quoiqu’on n’en dise, rien ne peut justifier l’injustifiable. Le problème réside ailleurs. En effet, la ville de Kigali se contente d’ériger des maisons en hauteur dans tous les quartiers préalablement viabilisées de la capitale, se préoccupant peu du plan d’aménagement global du territoire.

photo https://www.kigalitoday.com/ Quartier Muhima – juin 2019

Pourquoi des quartiers habités depuis une trentaine d’années deviennent-ils subitement à haut risques ? La responsabilité se trouve du côté des autorités qui n’ont pas entretenu des canalisations (Ruhurura) existantes ou qui n’en ont pas construit d’autres où cela s’avérait nécessaires.

Les « Ruhurura », bien connus dans Kigali, sont des grandes canalisations qui traversent des quartiers entiers et qui recueillent l’eau des égouts de la capitale et des eaux usées des ménages. Quand la pluie tombe, le flux d’eau augmente et la puissance torrentielle devient impressionnante voire dangereuse.

photo igihe.com Quartier Mpaze 2017

La ville de Kigali a connu une croissance démographique rapide mais le développement des canalisations n’a pas suivi ne fut-ce qu’en les élargissant car elles sont devenues étroites par rapport à la quantité d’eau qu’elles charrient ou en colmatant celles qui avaient été endommagées. D’autres ont été bouchées par des immondices dans certains quartiers. Ce qui fait que les torrents d’eau vont dans tous les sens et détruisent, à leur passage, des habitations et font même des victimes humaines. Voilà le problème. Il faut donc s’en prendre aux autorités chargées de l’aménagement du territoire qui n’ont pas bien fait leur travail et non à la population ou à quiconque élève la voix pour dénoncer ces manquements.

Alors que le ministre des infrastructures, Claver Gatete, à qui il incombe pour expliquer ce qu’il y a lieu de faire pour endiguer cette eau, il a esquivé la question d’un journaliste concernant le « store water management plan » (le plan pour stocker des eaux usées, des eaux de pluie). C’est plutôt le ministre de l’Intérieur, Anastase Shyaka, qui a tenu la gradée haute aux journalistes, condamnant, une fois de plus, ces victimes d’une politique funeste qui, dit-il, ont construit sans autorisation et ne peuvent donc prétendre à aucune indemnisation ; il s’en est pris, au passage, à ceux qui veulent manipuler la population pour leurs intérêts politiques.

Sur ce registre, les louangeurs du régime n’ont pas attendu pour vilipender Victoire Ingabire, qui fut la première, voire la seule, à condamner publiquement ces destructions sauvages des maisons des pauvres. Ces laudateurs du FPR, au lieu de tirer sur Victoire Ingabire, devraient user de leurs discours autorisés pour lancer des actions visant à venir en aide à cette population sinistrée ou fustiger les autorités politiques qui persévèrent dans l’erreur au lieu de voir la réalité en face.

La réunion ci-haut citée a été un tissu de mensonges notamment dans le chef du maire de Kigali Pudence Rubingisa qui a affirmé que tout le monde est logé alors que des images des familles en désarroi circulent sur le net, même à l’heure où nous écrivons ce billet. Pire, le maire de Kigali a révélé une mesure drastique qui a été prise contre ces sinistrés : plus un sous ne leur sera donné pour aller louer un logement ailleurs. L’Etat va s’en occuper en leur trouvant des lieux d’hébergement ! En fait les autorités ne savent quoi faire : un locataire recevait 30.000 FRW (33€) pour déguerpir et 90.000€ pour le propriétaire de la maison détruite. Mais vu des milliers de maisons à bas loyer détruites, ce qu’il en reste, coûte la peau des fesses. Les prix ont flambé, souvent multipliés par deux ou voire trois vu qu’il y a une forte demande alors que l’offre ne suit pas. Ajoutez à cela que même dans des conditions normales, les sommes données sont dérisoires face à la cherté de la vie à Kigali.

O tempora, o mores ! (Quelle époque ! Quelles mœurs) ! » s’était écrié Cicéron pour s’indigner contre la perversité des hommes de son temps. Cet adage latin cadre bien avec ce qui se passe au Rwanda. En effet, depuis que Kigali existe, il y a eu toujours des journées avec pluies diluviennes. S’il y avait l’un ou l’autre glissement de terrain à cause d’infiltration d’eau, la solution était trouvée dans l’urgence : canaliser cette eau ou construire un mur de soutènement pour empêcher le glissement du terrain,… Les autorités du Rwanda d’aujourd’hui, elles, au lieu de parer au plus pressé, saisissent au vol cette occasion pour justifier les destructions qu’elles sont en train d’opérer, destructions hautement suspectes vu leur ampleur et leur étendue et surtout de la rapidité avec laquelle elles sont exécutées ; presque une dizaine de quartiers sont concernés : Bannyahe, Rwampara, Gatsata, Kicukiro, Gaculiro, Kacyiru,… Seul le centre-ville et quelques quartiers huppés comme Nyarutarama,… sont épargnés.

La volonté politique du FPR est d’avoir une capitale avec des « gens bien ». Un des pans cachés de la Vision 2050.

Gaspard Musabyimana

 

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