L’omnipuissance démesurée de Paul Kagame a fait plier la France. Décryptage
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Paul Kagame fait, sans conteste, la pluie et le beau temps dans la région des Grands lacs. Il a acquis, au fil des ans, une telle assurance qu’il affronte, sans sourciller, un pays comme la France censé être plus puissant que le petit Rwanda.

Paul Kagame a lancé l’offensive contre la France après sa victoire militaire et sa prise de pouvoir en juillet 1994. Il a alors mis la France dans le collimateur, lui reprochant  d’avoir soutenu le régime Habyarimana et surtout d’avoir lancé l’Opération Turquoise au plus fort de sa guerre de conquête pour lui barrer le chemin de la victoire. Pour ce fait, Il accusera ce pays d’avoir participé au génocide des Tutsi du Rwanda. Depuis qu’il est devenu officiellement président du Rwanda en 2003, Paul Kagame n’a raté aucune occasion pour fustiger la France, notamment à chaque anniversaire de commémoration du génocide.

Ainsi, le 07/04/2004, la France délégua le secrétaire d’Etat Renaud Muselier aux cérémonies de commémoration du 10è anniversaire du génocide. L’envoyé français fut pris à partie par le président Paul Kagame qui, dans son discours, reprocha aux Français d’avoir sciemment entraîné et armé les troupes gouvernementales et les milices alors qu’ils savaient qu’ils allaient commettre un génocide. Kagame le dit en tournant son regard vers les gradins où était assis le secrétaire d’Etat français. Il a ajouté, comme s’il s’adressait directement à son hôte, qu’il est impensable d’« avoir l’audace de rester là sans s’excuser ». Renaud Muselier comprit vite. Il sortit du stade in extremis en cours de cérémonie et prit son avion pour retourner à Paris.

Durant les cérémonies du 07/04/2007, le président Paul Kagame revint à la charge. Dans son discours de circonstance à Murambi (sud-ouest du Rwanda), il accusa les militaires français de l’Opération Turquoise d’avoir construit sciemment un terrain de volley-ball sur une fosse commune des victimes du génocide. Il ajouta qu’ils ont même participé aux tueries aux côtés des Interahamwe quand ceux-ci commencèrent à battre en retraite.

A Nyamata le 7/4/2008, le président Paul Kagame lança des insultes au juge français Jean-Louis Bruguière en le traitant de « Kabwera » qui veut dire « vagabond », « prostitué » parce qu’il avait instruit le dossier sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana et avait lancé, en novembre 2006, neuf mandats d’arrêt internationaux contre des proches du président rwandais. En représailles, le Rwanda mit sur pied une commission chargé d’examiner le rôle de la France dans le génocide rwandais sous la présidence du juriste Jean de Dieu Mucyo. En août 2008, un rapport, bricolé de toutes pièces et se basant sur de faux documents, mit en cause nommément 13 personnalités politiques françaises et 20 officiers français dans le génocide de 1994.

Au fil des années, rien n’a été épargné par le régime rwandais incarné par le général Paul Kagame pour couper court avec la France. Cela est tellement vrai qu’en décembre 2008, le Rwanda décida de supprimer le français dans les écoles du pays, langue en usage depuis 1900, pour adopter l’anglais comme langue d’enseignement.

Vue sur Paris/photo Gaspard Musabyimana

La visite de Nicolas Sarkozy, au Rwanda le 25 février 2010, ne résout pas grand-chose. Le président français déclara : « Ce qu’il s’est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l’ont empêchée de prévenir et d’arrêter ce crime épouvantable ». Pour sauver la face, il sacrifia les pauvres réfugiés rwandais en France sur l’autel de la Realpolitik en faisant des promesses au gouvernement rwandais : « Nous voulons que les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis. Il n’y a aucune ambiguïté. Je l’ai dit au président Kagamé, ceux qui ont fait ça, où qu’ils se trouvent, doivent être retrouvés et punis ». Depuis lors, une avalanche d’accusations furent lancées, avec succès, par le couple d’une rwandaise et d’un français, Daphrose et Gauthier, sous l’appellation de « Collectif des parties civiles pour le Rwanda ».

Ce semblant d’acte de contrition n’a pas calmé les ardeurs du président Kagame. Lors de la commémoration du génocide en avril 2011. Laurent Contini, alors ambassadeur de France au Rwanda, en présence de Bernard Kouchner venu représenter son pays, prononça, dans l’enceinte de l’ambassade de France à Kigali le 9 avril 2011, un discours fustigeant officiellement l’action de l’armée française au Rwanda en 1994, se mettant ainsi en porte-à-faux avec la position de son nouveau ministre des Affaires étrangères Alain Juppé pour qui les soldats français avaient fait leur devoir et qu’en aucun cas leur honneur ne pouvait être sali.

En mars 2012, le Rwanda chassa de son territoire une commission rogatoire française qui venait poursuivre ses enquêtes en rapport avec le génocide rwandais de 1994 au motif que les enquêteurs faisaient perdre du temps à la justice rwandaise. Pour la nième fois, la France se fit éconduire du Rwanda ou y reçut un traitement humiliant.

A la veille de la commémoration du vingtième anniversaire du génocide, les autorités rwandaises, par le biais du sénateur Jean Damascène Bizimana, par ailleurs possédant la nationalité française, mirent encore la pression sur la France en rendant public les noms des militaires qui, selon Kigali, devraient être poursuivis pour « génocide et complicité de génocide ». C’était le 4 février 2014, au Sud du Rwanda.

Deux mois plus tard, la ministre de la justice et Garde des sceaux d’alors, Christiane Taubira, fut désignée pour représenter la France, le 7 avril 2014 à Kigali lors des célébrations du 20e anniversaire du génocide rwandais. Elle ne put faire ce déplacement car dans une interview à l’hebdomadaire parisien Jeune Afrique quelques temps avant cette commémoration, le président rwandais avait accusé la France d’avoir pris une part active dans le génocide de 1994. La France avait senti que sa ministre risquait sans nul doute d’être publiquement humiliée à l’instar de Renaud Muselier.

Début juillet 2014, le centre culturel franco-rwandais de Kigali fut démoli à la pelleteuse. Cette décision radicale des autorités rwandaises de raser un ensemble de bâtiments, dont une grande salle de concert aux normes modernes, laissa plus d’un pantois.

Tout au long de cette saga est passée la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda entre 2006 et 2010.

Paul Kagame resta constant avec lui-même et fit chanter périodiquement la France qui finira par faire profil bas. Cela s’est manifesté spécifiquement dans le dossier de l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana. La justice française a marché au diapason de Paul Kagame. En effet, alors que le juge Bruguière avait lancé des mandats d’arrêts contre les proches du président Kagame, son successeur, le juge Marc Trévidic, fut sommé de recommencer à zéro les enquêtes dans le sens, d’au moins disculper Paul Kagame, ou si possible, de mettre ce crime sur le dos des « extrémistes hutu », boucs émissaires bien désignés.

Vue sur Paris/photo Gaspard Musabyimana

Voulant faire taire le reproche fait à son prédécesseur qui ne s’était pas rendu sur les lieux de l’attentat, le juge Trévidic, avec son équipe, se rendit au Rwanda , mi-septembre 2010, accompagnés des experts balistiques et géomètres. S’agissant du lieu du départ des missiles, leur rapport tendait à désigner la colline de Masaka comme l’avaient affirmé plusieurs témoins. Mais comme par magie, le juge eu alors recours à un « Deus ex-machina » acousticien qui, n’étant pas allé au Rwanda, aurait fait une simulation à partir d’un champ de tir dans une base militaire au centre de la France et qui a conclu que les missiles étaient partis du camp militaire de Kanombe alors tenu par les Forces Armées Rwandaises (FAR). Il n’en fallait pas plus pour que les défenseurs de Kigali crient à la victoire. L’information fut largement relayée par la presse à la solde de Paul Kagame très puissante en France, qui affirmait désormais détenir « la »  preuve que Habyarimana avait été tué par les siens. Les avocats de la défense n’hésitèrent pas à demander au juge Trévidic de prononcer immédiatement un « non-lieu » en faveur de leurs clients. Cependant le juge hésita et ne s’exécuta pas, tellement la supercherie et l’enfumage étaient énormes. Mais ce n’était que partie remise. Ses successeurs Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux prononcèrent, le 24 décembre 2018, un non-lieu. Ils estimèrent ne pas avoir suffisamment d’éléments à charge pour justifier la tenue d’un procès contre les dignitaires rwandais mis en examen. Un recours en cassation a été introduit par les Parties civiles contre cette décision. Cet appel sera examiné le 15 janvier 2020 par la Chambre de l’Instruction du Tribunal de Grande Instance de Paris.

Paul Kagame est parvenu à mettre la France à genoux de telle sorte que, alors qu’il a banni le français dans son pays, la rwandaise Louise Mushikiwabo, sa protégée, et qui n’a cessé de proférer des mots durs, à la limite de l’insulte, envers la France, a été proposée par le président Emanuel Macron comme candidate à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie, poste que cette ancienne ministre des affaires Etrangères de Paul Kagame occupe depuis janvier 2019.

Le chantage de Paul Kagame envers la France a marché. Avec une cohérence déconcertante et un cynisme singulier, le président rwandais a nargué la France sans risque de représailles car il a misé sur le bon cheval en se mettant au service de puissants lobbies anglo-américains.

Cette attitude arrogante du président rwandais envers la France jusqu’à la faire plier a fait des émules en Afrique où l’image de ce pays est entamée. Des jeunes de l’Afrique de l’Ouest, du Gabon à la Mauritanie en passant par la Côte d’ivoire et le Sénégal ont pris le président rwandais comme leur idole, « un vrai enfant de l’Afrique » qui a mis à genoux cette ancienne puissance coloniale. Ce courant inspiré du rwandais Paul Kagame va croissant et a des activistes qui élèvent la voix, notamment sur les réseaux sociaux, pour vilipender  la France à qui ils reprochent d’entretenir, depuis des décennies, des relations aux relents coloniaux dans son pré-carré en Afrique.

Gaspard Musabyimana

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