Chanzu/Bunagana. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2021, les troupes de la Rwanda Defence Force (RDF) campées sur l’axe Cyanika ont tenté de prendre quelques villages du groupement de Jomba (dont le Rwanda a une mainmise depuis des décennies) entraînant le déplacement massif des populations vers Bunagana et Kisoro. Le lendemain lundi 8 novembre 2021, l’Etat-major FARDC a riposté et récupéré les localités conquises permettant ainsi à des populations qui avaient fui de regagner leurs villages respectifs. Mardi 9 novembre 2021, une délégation des Forces armées de la RDC conduite par le ChefEmg Célestin Mbala Munsense s’est rendue à Kigali avec deux messages de protestation, celui du Commandant suprême des forces de défense et de sécurité de la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi et celui de l’État-major. Selon une source fiable, la délégation du général d’Armée Mbala Munsense a dû déclarer son indignation auprès de l’Etat-major de la RDF sur deux incidents majeurs au cours de ces deux derniers mois, à savoir l’incursion de Kabuhanga/ Nyirangongo et l’attaque de Chanzu qui se sont déroulées au moment où il y a mutualisation des informations et les efforts déployés par le Chef de l’Etat congolais, Félix-Antoine Tshisekedi pour ramener la paix dans la sous-région. La RDC demande au Rwanda de jouer franc-jeu.
Kigali entre la Chine et les Occidentaux
Dans le même registre, une source digne de foi a révélé à la Rédaction du journal Les Coulisses que cette attaque serait une demande des Occidentaux singulièrement des États-Unis après le camouflet de Bukavu. L’on se souviendra du reportage du journaliste Alain Foka, héros d’un jour, qui débarque de nulle part et produit un reportage réel et sensationnel sur la présence chinoise dans les carrières minières du Sud-Kivu. Pour éviter ce qui était arrivé aux deux Onusiens au Kasaï, le président Tshisekedi a été appelé à garantir la sécurité du journaliste jusqu’au Sud-Kivu. Après ce passage d’Alain Foka, il était question que des diplomates occidentaux descendent sur terrain pour confirmer cette présence chinoise et en tirer les conséquences. Seulement, la veille de leur arrivée annoncée, un mouvement rebelle a surgi de nulle part et a paralysé tout Bukavu. Selon les services d’intelligence américains, c’est une mise en scène manœuvre des autorités congolaises qui tenaient à empêcher cette descente au Sud-Kivu. D’où le recours à Kigali pour faire comprendre à Félix-Antoine Tshisekedi qu’on peut déstabiliser son pays à tout instant quand on le veut. Selon une autre source, Kigali aurait agi à contre cœur, malgré lui au regard des relations harmonisées entre le Rwanda et la RDC mais également par ce que la présence chinoise gênerait ses intérêts en RDC. Les États n’ayant pas d’amis mais des intérêts.
Un communiqué laconique du M23, le bouc émissaire
Au moment où les services de renseignement de la RDC recoupaient les informations, les rebelles du M23 ont publié, dans l’innocence enfantine, un communiqué où ils niaient avec raison la paternité de cette attaque. Par réflexe du chien de Pavlov, ils ont glissé au point 7 une reconnaissance tacite pour endosser la responsabilité à la place de leur maître justifiant une réponse à la provocation des militaires FARDC « incontrôlés » tout en se déclarant soutenir le Chef de l’État congolais, Félix-Antoine Tshisekedi. Le M23 avait été simplement surpris lui aussi de cette attaque. Bien que n’ayant pas encore trouvé des réponses aux revendications qui ont concouru à la création de la rébellion du CNDP puis du M23 en 2012 appelées « doléances légitimes ». D’ailleurs, leur communiqué rappelle qu’ils attendent toujours du Chef de l’État congolais qu’il réalise les points de l’Accord de Kinshasa. En effet, une délégation officielle de trois membres du M23 (un luba du Kasaï et un Hutu et un Tutsi du Nord-Kivu) séjourne à Kinshasa depuis une année en attente de l’application des « doléances légitimes ». Mais qui accepterait d’accéder à ces « doléances légitimes » qui ouvriraient la voix à la balkanisation ?
De la géographie et de l’emplacement des rebelles du M23
Les rebelles du M23 occupent la localité de Kanyanzi surplombant les volcans Gavinga, Sabinyo, Mikeno et Muhabara. Dans cet endroit presqu’inaccessible, ils sont totalement pris en charge par l’unité commando de la RDF, installée à la frontière, et qui leur fournit vivres et non vivres et armes et munitions. L’expérience de la guerre de 2012 où quantité d’armes et munitions avaient été récupérées par les FARDC a assagi le Rwanda. Il est plus question de laisser d’importants et coûteux stocks d’armes et munitions sous la gestion du M23 de peur d’être à nouveau récupérés. Lorsqu’il s’agit de mener des missions suicides notamment la traque de certains chefs des FDLR sur le sol congolais, un commando rwandais fait la sale besogne et laisse le M23 assumer la responsabilité. Cette attaque est l’œuvre de l’armée rwandaise. Il n’y a qu’à interroger la géographie physique et culturelle de cette région. En effet, cette partie jouxte trois pays séparés par des collines. Chanzu est au carrefour du triangle Cyanika (Rwanda), Kisoro (Ouganda) et Jomba (RDC). Les populations (transfrontalières) qui y résident, essentiellement Hutu et Tutsi, depuis des décennies parlent les mêmes langues, le kinyarwanda et le swahili. L’ossature des rebelles manipulés depuis le CNDP répond de mêmes référentielles ajouter quelques communautés ethniques servant des béquilles pour y donner un caractère national à leur lutte. C’est pourquoi cette attaque doit être considérée comme premier test et un message clair envoyé à Félix-Antoine Tshisekedi. Géographiquement – et le communiqué du ChefEmg des FARDC, le général d’Armée Célestin Mbala Munsense le souligne-, l’on doit se poser des questions sur l’attitude de deux voisins directs (le Rwanda et l’Ouganda) les plus concernés par ces revendications légitimes. L’un ayant soutenu la rébellion en logistique et en hommes sur le terrain congolais, l’autre les ayant défendus et pris en charge sur son propre sol jusqu’à leur retour clandestin sur le sol congolais pour occuper les grottes neigeuses de Nyese, dans le parc national des Virunga et y demeurer.
Test de déstabilisation : tous les ingrédients réunis
A ne point douter, c’est une alerte qu’il ne faut pas négliger. Elle permet de comprendre que la RDC traverse une grave crise qui profiterait aux charognards de tout bord. Sans peut-être le savoir ni le vouloir, la CENCO et l’ECC parrainent une grave crise larvée dont les effets, pareils à des têtes de volcans s’éveillent déjà à l’est du pays. Certes, les gens ne voient que la CENI mais il ne faut pas négliger la crise qui secoue l’enseignement primaire et secondaire. De la contestation des membres du bureau de la CENI, de celle de Tommy Tambwe à la tête de DDRRR-C aux marches de rue jusqu’à la déstabilisation des institutions du pays, l’histoire éternel recommencement, la RDC vit sa crise à l’interne comme toujours à l’approche de la tenue des élections. Cela se passe aussi durant des périodes où les enfants ne vont pas à l’école. Stratégiquement parlant, pour qui veut monter sa rébellion à l’est du pays, ces périodes sont favorables à une main- d’œuvre bon marché et facile à recruter, écoliers et élèves en chômage.
Bukavu attaqué, puis silence radio. Guerre de Minembwe, notre Israël et Palestine. Guerre dans le Grand Nord du Nord-Kivu contre l’État islamique/MTM. Présence signalée des combattants d’Uganda Homeland Liberation Forces (UHLF) coalisés avec des Congolais de la CODECO en Ituri, contestation politique à Kinshasa. Bref tous les ingrédients de déstabilisation du pays sont réunis. Malheureusement, avec notre concours sans nous en rendre compte. Comme d’habitude.
État de siège est à renforcer
Longtemps, certains élus provinciaux et nationaux, certains notables de l’est- toutes tendances politique et religieuse confondues- ont soutenu que les milices communautaires étaient une réponse à la faillite de l’État pour protéger leurs communautés et barrer la route à la balkanisation de notre pays. Qu’il valait mieux que la partie est du pays soit soutenue par des groupes armés locaux que par les FARDC. La question simple est : « Quand le Rwanda attaque, où se cachent les maï-maï et autres groupes d’autodéfense ? » L’attaque test du dimanche 7 novembre 2021 donne davantage raison au Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi sur la mesure prise pour ramener la paix dans les deux provinces de l’Ituri et Nord-Kivu. L’État de siège se présente comme ultime recours si l’on tient à protéger le pays contre les tentatives répétées de balkanisation. Il faut le renforcer au regard de la fragilité de l’État et de la complicité de certains compatriotes. Le congolais doit soutenir l’État de siège et accompagner les FARDC dans leur mission de neutraliser les groupes armés locaux et étrangers qui écument l’est du pays afin de ramener la paix au pays.
Nicaise Kibel’Bel Oka
Source : lescoulisses