Les révélations de Charles Onana sur Azarias Ruberwa et Laurent Nkundabatware, confirmées par Jean Pierre Bemba
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On croyait tout savoir sur les différents conflits armés auxquels la RD Congo est confrontée depuis 1996. L’incroyable enquête de Charles Onana sur l’Holocauste congolais et l’omerta de la communauté internationale qui le caractérise vous fera déchanter.

 

Le livre-choc du politologue et journaliste d’investigation franco-camerounais tombe à pic, pour ne pas dire à point nommé, alors que la RDC est confrontée à une énième agression militaire pilotée par le Rwanda via ses supplétifs du M23 (Mouvement du 23 mars). Explosif, il fourmille de révélations et d’anecdotes sur certains acteurs impliqués dans le drame qui frappe la partie orientale du Congo, le Kivu. C’est notamment le cas de deux personnages bien connus dans la région des Grands Lacs ainsi que dans les chancelleries occidentales : Azarias Ruberwa Manywa et Laurent Nkunda Mihigo. Le premier a été vice-président dans le gouvernement de transition « 1+4 » et plusieurs fois ministre, et le second a été officier supérieur avec grade de général dans les Forces armées congolaises (FARDC).

 

Mais qui est Laurent Nkunda ?

 

L’état-major de la MONUC (actuelle MONUSCO) a rédigé un rapport spécial (special report) d’une dizaine de pages sur ce chef milicien et criminel de guerre. Ainsi, dans ce rapport de la MONUC du 19 janvier 2006 révélé par Charles Onana, Laurent Nkunda Mihigo est présenté comme « un Munyamulenge du Rwanda » qui a étudié dans une école d’infirmiers à Bukavu. Ayant échoué à ses examens et n’ayant jamais achevé sa formation d’infirmier, il n’a pu obtenir de diplôme pour exercer ce métier. Toujours selon le rapport de la MONUC, « il est ensuite retourné CHEZ LUI AU RWANDA où il a rejoint l’armée » de Paul Kagame et est devenu sergent. « C’est en 1996, lors de la première rébellion des Banyamulenge qu’il rejoint l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila. À cette époque, Nkunda devient capitaine avant de se retrouver peu après à Kisangani comme commandant de brigade au sein du RCD-Goma », lit-on dans le même rapport.

 

La MONUC reconnaît aussi que « durant sa période de commandement, Laurent Nkunda s’est rendu coupable de nombreuses violations de droits humains, notamment des crimes de masse à Kisangani » et qu’il a reçu, à de nombreuses reprises, l’aide militaire du Rwanda. Bien que nommé au sein des FARDC, il refusera d’aller à Kinshasa de peur d’être arrêté pour les atrocités qu’il avait commises, précise le rapport onusien.
Contrairement donc à tout ce qui a été écrit et avancé dans les médias sur les attaches de Laurent Nkunda et son histoire familiale en RDC, la MONUC semble dire sans hésitation que son pays c’est le Rwanda. Ces conclusions de la Mission des Nations unies au Congo correspondent exactement à ce que disait le vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, chef de guerre lui aussi, au sous-secrétaire d’État américain chargé des Affaires africaines, Donald Yamamoto, le 22 juin 2004, à Kinshasa. S’appuyant sur un document confidentiel, Charles Onana montre en effet que Bemba avait, à cette occasion, lourdement insisté auprès du représentant américain en affirmant que Laurent Nkunda n’est pas Congolais mais Rwandais et qu’il avait connu ce dernier lorsqu’il était officier de renseignement de Paul Kagame à Kisangani.

 

Les révélations et anecdotes de ce genre, le livre en fourmille. Le cas d’Azarias Ruberwa est tout aussi emblématique que celui de Laurent Nkunda. On apprend ainsi que celui-ci serait né dans trois endroits différents !

 

Dans son livre, Ruberwa affirme en effet qu’il est né à Minembwe, au Sud-Kivu. Il ne serait donc pas Tutsi rwandais mais Tutsi rwandophone du Congo ou Banyamulenge. Seulement voilà: lorsqu’il obtient, le 31 octobre 1984, son diplôme d’État au Zaïre (l’équivalent du baccalauréat sous le régime du président Mobutu), il est clairement mentionné dans son diplôme qu’il est né à Rugezi, une localité située au nord du Rwanda, proche de la frontière avec l’Ouganda. Juste avant l’obtention de son diplôme d’État, Ruberwa Manywa a reçu son « certificat d’aptitude physique » le 11 octobre 1984, lequel mentionne qu’il est né à Itombwe, dans la province du Sud-Kivu. Et Charles Onana de s’interroger : « Alors, Monsieur Ruberwa est-il né au Rwanda ou en RDC ? Est-il né le 20 août 1964 à Rugezi, à Itombwe ou à Minembwe, soit le même jour à trois endroits différents ? »

 

Le politologue et journaliste d’investigation franco-camerounais de souligner : « Cette situation résume à elle seule toute la confusion et les ambiguïtés qui règnent autour de la question des Tutsi rwandophones et leur appartenance tantôt au Rwanda tantôt au Congo-Zaïre. Les guerres qu’ils alimentent à l’est de la RDC donnent plus que jamais l’impression qu’ils travaillent davantage pour le Rwanda que pour la RDC. L’exemple de Laurent Nkunda, aujourd’hui réfugié au Rwanda, est emblématique. Cet individu, recherché comme criminel de guerre et criminel contre l’humanité, a longtemps péroré sur son statut de Tutsi Rwandophone et de défenseur inconditionnel des Banyamulenge. En découvrant dans le rapport spécial de la MONUC de janvier 2006 qu’il était plutôt Rwandais, nous avons été surpris. Comment cet homme a-t-il réussi à devenir général des FARDC sous le matricule 614655k, à la suite du décret N°019/2003 du 19 août 2003 signé par Joseph Kabila ? »

 

Comme susmentionné, le livre de Charles Onana tombe à point nommé au regard de l’actualité. En tant que Congolais, on est concerné par le sujet et choqué par ce que révèle l’auteur. C’est aussi un appel à l’éveil patriotique parce que l’Holocauste qui y est décrit ne peut ni ne doit plus perdurer. À la classe politique et à ce qui reste de l’élite congolaise, c’est une invitation à une prise de conscience collective face au danger qui guette la RDC et sa population.

 

Les quelques révélations présentées ici seront-elles prises en compte par les dirigeants congolais dans leur appréciation de la crise que connaît aujourd’hui la RD Congo ? Félix Tshisekedi et sa présidence continueront-ils à faire perdurer le statu quo ? Le gouvernement congolais finira-t-il par rompre avec la stratégie de l’autruche ? Le tout nouveau ministre de la Défense, Jean-Pierre Bemba, qui connaît bien l’origine et le rôle des ennemis intérieurs de la République, prendra-t-il ses responsabilités devant les Congolais et l’histoire ? Le Parlement congolais finira-t-il par jouer le rôle qu’on attend d’un parlement responsable dans pareille circonstance ?

 

Le débat public et national est lancé.

 

Charles Onana. Holocauste au Congo : L’Omerta de la communauté internationale, Éd. L’Artilleur, 2023.

En librairie le 12 avril…

Patrick Mbeko

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