Ingabire Day 2023. Solidarité et soutien aux prisonniers politiques et d’opinion au Rwanda
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Organisée depuis plusieurs années par le collectif INGABIRE DAY, la soirée a eu lieu à Bruxelles en date du 4 novembre 2023. Les interventions faites sont revenues sur le sort des prisonniers politiques et d’opinion au Rwanda.  Dans les lignes qui suivent, nous allons revenir en résume sur l’essentiel du contenu de ce qui a été dit  au cours de différentes interventions.

 

Monsieur Normand Sinamenye, actuel président de Jambo asbl, a défini un prisonnier d’opinion comme toute personne détenue ou restreinte dans sa liberté en raison des convictions politiques, religieuses, ou pour tout autre raison de conscience et qui n’a ni usé de violence, ni incité à la violence ou à la guerre.

 

L’année dernière, de nombreux jeunes rwandais directement confrontés à une violence politique et dictatoriale du FPR, ont choisi de résister et ont décidé de s’opposer à la dictature et d’affirmer leurs opinions politiques sur le Rwanda.  Conscients du lourd tribut payé par nos compatriotes et des blessures profondes que notre pays porte, ils ont fait le choix de ne recourir à la violence,  mais plutôt de se former par la lecture afin d’atteindre et faire valoir leurs droits  sans user de la force.

Jambo asbl s’est donnée pour mission de mobiliser toutes les ressources  nécessaires pour instaurer un état de droit au Rwanda et de continuer d’apporter une aide à quiconque milite pour ses droits de manière réfléchie, pragmatique et minutieuse. Il a réitéré son appel  aux participants présents dans la soirée, animés par le désir de justice, de liberté et de démocratie, de soutenir nos compatriotes  lors des élections présidentielles d’août 2024. Dans le même ordre d’idées, Jambo s’engage doublement à agir en utilisant tous les moyens à sa disposition pour œuvrer à l’ouverture de l’espace politique  ainsi qu’à mettre toutes ces ressources à disposition afin de soutenir toutes les initiatives sans exception visant à cette ouverture tant nécessaire  pour nos compatriotes.

 

Aujourd’hui, Ingabire Day, jour de réflexion sur les prisonniers politiques et d’opinion, est un jour important où nous nous arrêtons pour rendre hommage aux combattants de la liberté qui ont subi les conséquences  de leur lutte et se trouvent maintenant derrière les barreaux. La dénonciation de l’injustice qu’ils subissent est une nécessité. Nous devons  en même temps innover, adopter un nouveau lobby prêt à affronter les défis de 2024. Pour y arriver, Monsieur Normand Sinamenye propose cinq clés essentielles :

 

#Unité : ce qui nous unit n’est rien d’autre que notre amour et notre attachement patriotique ainsi que notre volonté commune de retrouver notre pays : tous ensemble pour le Rwanda « All for Rwanda».

#Ouvertureaux nouveaux opposants du régime car notre cause commune est le changement du régime dictatorial du FPR  vers un Rwanda nouveau.

#Gardons espoir car la victoire est à portée de mains. Après 30 ans du règne du FPR, ayons foi que nous avons entamé  les derniers  instants et transmettons cette espoir dans notre entourage, nos familles, nos enfants,  en faisant des sacrifices financiers et matériels plus importants.

#Le leadership: assumons et endossons un rôle de leadership ; si nous nous affirmons, nous ici présents, nous pourrons inspirer  des millions d’autres.

#Le pragmatisme : adoptons une logique responsable, pragmatique, axée sur les résultats. Chaque action que nous entreprenons doit viser un résultat précis s’inscrivant dans une tactique définie, elle-même inscrite dans une stratégie globale.

 

Malgré les difficultés qu’ont endurées nos compatriotes, nous tous, les  rwandais épris de justice, devons être fiers car nous sommes sur le point de remporter une victoire décisive et stratégique dans cette guerre.  Cette  victoire réside dans notre foi, en notre capacité à la réaliser, dans notre espoir d’un avenir meilleur, dans le fait que notre lutte ne s’éteindra pas. Tant qu’il y aura une flamme, nous serons vainqueurs et le FPR sera perdant ; alors continuons à résister ; il ne pourra jamais nous éteindre.

 

L’intervention de Monsieur Kayumba Placide, président du parti FDU Inkingi a continué dans le même ordre d’idées. Il a rappelé l’importance de voir qu’aujourd’hui on est effectivement quasi dans la réalité de la lutte des droits humains. Nous sommes dans le temps où nous voyons la fin de la lutte approcher, la fin de la dictature que nous combattons depuis plusieurs années. C’est ici que nous devons nous rappeler en tant que rwandais, de ne pas lâcher et de terminer la lutte définitivement  pour un Rwanda meilleur que nous avons tant souhaité pour nos enfants. La collaboration entre les partenaires de l’opposition est d’une importance capitale. Il est ultime de nous rappeler que chacun a la responsabilité de mettre en œuvre le nécessaire pour arriver à l’objectif sans se bousculer entre nous nous.

 

La région des Grands lacs est consciente aujourd’hui de l’instabilité interminable causée par  le FPR  au pouvoir au Rwanda. Mais la communauté internationale soutient toujours le régime  dictatorial sous prétexte que les rwandais ne montrent pas d’alternative. Les gens sacrifiés pour la cause des rwandais sont innombrables. L’amour du pays et notre unité c’est la clé  fondamentale pour gagner notre bataille. Les valeurs que Victoire Ingabire  nous a léguées, c’est un pilier bâti qu’il faut protéger.

 

Me Valentin Akayezu  a largement décrit le système judiciaire au Rwanda comme un outil que le FPR utilise pour maintenir sa dictature. Quand nous observons la façon dont le FPR s’est comporté dans les jugements, soit d’ordre politique ou des droits de l’homme, l’on remarque sans se tromper que la justice a été une arme pour faire taire  ou  réprimer ceux qui osent dénoncer les mauvaises actions du FPR ou montrer qu’au Rwanda il faut un changement politique pacifique. Il a illustré les faits par  l’exemple du cas de Mme Victoire Ingabire, le procès de Mme Diane Rwigara, le procès d’Yvonne Idamange Iryamugwiza, le procès des prisonniers du 14 octobre 2021 et le procès de Déogratias Mushayidi .

 

En gros, l’appareil judiciaire au Rwanda n’est pas  indépendant, beaucoup d’irrégularités sont à déplorer dans tous les procès d’ordre politique car  la justice fonctionne sous les directives de l’exécutif.   Pas de respect de la loi, les magistrats sont  de connivence avec l’exécutif.

 

Intervention de Mme Victoire Ingabire (reprise dans son intégralité)
« Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de cette soirée et l’honneur qu’ils m’ont fait d’y prendre la parole. Je voudrais vous remercier tous qui êtes là  pour avoir accepté de participer à cette soirée dédié à la mobilisation  pour la libération des prisonniers politiques au Rwanda.

 

En 2023 nous avons décidé  de mettre l’accent particulier  sur le cas des prisonniers politique dit du 14 octobre. Ces personnes sont en prison  depuis les rafles des 13 et 14 octobre  2021. Le régime de Kigali leur reproche d’avoir lu le livre  intitulé « Comment faire tomber un dictateur  quand on est seul, tout petit et sans arme ». Pourtant dans la législation rwandaise,  aucune loi n’interdit de lire un livre.  Ils sont également accusés d’avoir voulu participer  à l’évènement « Ingabire Day 2021 » et d’avoir voulu diffuser  la formule selon laquelle tous les rwandais doivent être respectés. Ils sont injustement derrière les barreaux depuis plus de deux ans sans procès. Je parle de Claudine Uwimana, Sylvain Sibomana, Alexis Rucubanganya, Marcel Nahimana, Emmanuel Masengesho, Alphonse Mutabazi, Hamad Hagenimana, Jean Claude Ndayishimiye et le journaliste Théoneste Nsengimana.

 

Les prisonniers du 14 octobre ont rallongé la liste déjà trop longue  d’autres prisonniers politiques et d’opinion dont nous ne cessons de réclamer la libération. Parmi les plus connus je peux citer  Yvonne Idamange Iryamugwiza, Déogratias Mushayidi, Aimable Karasira, Théophile Ntirutwa, Abdul Rashid Hakuzimana, Dr Christophe Mpozayo, Dr Joseph Nkusi, Professeur Léopold Munyakazi, Fabien Twagirayezu, Gratien Nsabiyaremye, Evode Mbarushimana, Papias Ndayishimiye, Norbert Ufitamahoro,  et des journalistes comme Dieudonné Niyonsenga alias Cyuma Hassan, Phocas Ndayizera et beaucoup d’autres.

 

Nous avons également sur nos cœurs tous les disparus alors qu’ils étaient en prisons dites sécurisées.  Comment sont-ils disparus ?

 

Mesdames/ Messieurs, ce qui se passe ici dans notre pays c’est souvent de l’énigme. Toutefois, je tiens à remercier tous ceux  qui mettent de côté leurs soucis quotidiens pour venir en aide financièrement chaque mois à ces prisonniers politiques et d’opinion ainsi qu’à leur famille.

 

Pourquoi autant de prisonniers politiques dans ce pays qui se dit respectueux des droits de l’homme ? La réponse est claire et évidente : la présence de tous ces prisonniers politiques et d’opinion et la plupart sans dossier, est un signe du non-respect des droits de l’homme au Rwanda. Pourtant certains d’entre vous  se le rappelle quand le Front Patriotique Rwandais  qui dirige le pays depuis bientôt 30 ans  est arrivé au Rwanda par les armes, il justifiait sa guerre qu’au Rwanda il n’y a pas de bonne gouvernance, que les droits de l’homme ne sont pas respectés et que c’est pour cette raison  que les réfugiés ne rentraient pas dans leur pays natal. Or, actuellement si je me réfère aux cas cités précédemment des prisonniers du 14 octobre et d’autres disparus sans dossier, les droits de l’homme ne sont toujours pas respectés au Rwanda.

 

Il est de notoriété publique que le gouvernement rwandais n’a pas réussi à répondre aux normes minimales des droits fondamentaux et des libertés fondamentales. Freedom House a systématiquement classé le Rwanda comme un pays non libre en raison de son gouvernement  qui restreint les droits politiques et civils de ses citoyens. Human Right Watch a constamment rapporté en détails  les violations des droits de l’homme qui ont lieu ici au Rwanda. Dans son rapport le plus récent  publié en octobre dernier  qui est intitulé « Rejoins-nous ou tu mourras », il démontre l’échec du gouvernement rwandais à respecter les valeurs fondamentales de toutes les organisations internationales dont le Rwanda est membre comme la Commonwealth, la Francophonie, l’Union africaine,…

 

Je voudrais demander aux partenaires du gouvernement rwandais à faire pression sur les autorités rwandaises pour qu’elles respectent les droits et libertés fondamentaux en particulier en vue des prochaines élections au Rwanda en 2024. À vous citoyennes et citoyens des pays qui octroient de l’aide  issue de vos impôts au régime en place au Rwanda, je vous demande d’intervenir auprès de vos gouvernements  pour qu’ils conditionnent l’aide à l’ouverture de l’espace politique, au respect des droits humains et à la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion ainsi que la réhabilitation des anciens prisonniers politiques  qui veulent participer aux prochaines élections  de 2024.

 

Mesdames et Messieurs, le cycle de violence politique  qui a eu lieu au Rwanda depuis plusieurs décennies  doit s’arrêter.  Je suis convaincue que si nous voulons éviter toutes violences futures et toutes instabilités politiques au Rwanda et dans la région des Grands lacs africains, il faut un dialogue qui inclut toutes les composantes de la population rwandaise : c’est ce que nous appelons le Dialogue rwandais hautement inclusif. Je vous remercie. »

 

Reportage fait par Vestine MUKANOHERI
Membre de la Fondation Victoire pour la paix.

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