Retour sur une agression : le caractère international du conflit rwandais
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Depuis le déclenchement de la guerre au Rwanda, en octobre 1990, officiellement par le FPR, plusieurs écrits ont été publiés. Mais rares sont les auteurs qui ne tombent pas dans le schéma d’une guerre civile, c’est-à-dire opposant les Hutu et les Tutsi. Pourtant cette guerre revêt un caractère international. Cette méprise résulte plus de la campagne médiatique et diplomatique orchestrée par l’agresseur que de la réalité des faits.

En effet, les préparatifs de ce conflit ont eu lieu en Ouganda et le déclenchement de la guerre a été l’œuvre de l’armée ougandaise, la National Resistance Army (NRA), sous le couvert d’un mouvement rebelle, le Front Patriotique Rwandais (FPR). Il s’agit donc des éléments d’une armée d’un pays étranger, en l’occurrence l’Ouganda, qui ont attaqué son voisin, le Rwanda.

Les agresseurs attaquaient et se repliaient chaque fois en Ouganda à la riposte des Forces Armées Rwandaises (FAR). Face à cette résistance, l’Ouganda renforça les troupes et la guerre se déroula sur le territoire rwandais. Cela montre que le Rwanda a été envahi et une partie de son territoire occupée par les éléments d’une armée étrangère, la NRA., et renforce le critère du caractère international du conflit.

Ceux qui soutiennent que la guerre entre 1990-1994 était interne relèvent également pour preuve que le contingent des attaquants était composé de réfugiés rwandais, certes sous le drapeau ougandais, mais qui étaient d’origine rwandaise. Ainsi, avant de voir le général-major Fred Rwigema comme ex-vice-ministre ougandais de la Défense, ils le voient plutôt comme réfugié rwandais. Or un réfugié qui exerce des fonctions de souveraineté ne peut plus se réclamer de ce statut. Les conventions internationales en la matière sont claires[1][1].

La succession des événements montre à suffisance que l’Ouganda a commis une agression contre le Rwanda et permet de saisir le fil conducteur du caractère international du conflit rwandais. Plusieurs faits et témoignages le confirment. Ainsi par exemple, le Parlement européen, après avoir envoyé une mission dans la région, avait constaté l’implication de l’Ouganda dans la guerre imposée au Rwanda. Dans sa résolution du 14 mars 1991 point 3 du dispositif, le Parlement européen « demandait expressément aux autorités ougandaises de garantir le cessez-le-feu et d’empêcher les actions armées (contre le Rwanda) à partir de son territoire ».

Quant à la jurisprudence, elle montre que tout au long du conflit, entre octobre 1990 et juillet 1994, l’Ouganda a exercé un « contrôle global » (overall control)[2][2] sur les bandes armées du FPR. Ce principe est explicité dans le « Jugement Tadic ». Il stipule entre autres que les lois internationales précisent que le contrôle dont il est question est qu’il existe un État qui joue un rôle dans l’armement, la coordination et la planification des actions militaires du groupe, en plus de le financer, d’entraîner ses membres et de lui donner un soutien logistique. L’Ouganda a armé les bandes qui ont attaqué le Rwanda, les a financées et a planifié leurs actions. Ces critères impriment au conflit son caractère international.

Position des experts de l’ONU et du TPIR

En 1998, la chambre de première instance du TPIR considéra, dans le procès Akayesu, qu’il existait au Rwanda un conflit armé interne en 1994, du fait que le FPR était un groupe armé exerçant un contrôle sur un territoire situé au Rwanda[3][3]. La Chambre s’appuyait notamment sur le témoignage du général Dallaire qui avait souligné que les hostilités étaient engagées entre deux armées, les FAR et le FPR, que ces deux armées étaient coiffées respectivement de commandement et que les deux forces occupaient des parties distinctes d’une zone démilitarisée et clairement délimitée[4][4].

En 1999, dans le procès Kayishema au TPIR, il est dit non seulement « qu’il y avait au Rwanda un conflit armé à caractère non international », mais également que « ce conflit armé opposait les forces armées gouvernementales, les FAR, aux forces armées dissidentes, le FPR », entre avril et juillet 1994[5][5]. La même année, dans l’affaire Rutaganda, la chambre de première instance du TPIR a « fait siennes les conclusions dégagées à cet égard dans le Jugement Akayesu »[6][6]. Le 25 février 2005, la chambre de première instance III a souligné que « tant qu’il n’est pas prouvé que des forces étrangères ont pris part aux affrontements, et se sont opposées aux Forces Armées Rwandaises (FAR) », le caractère international du conflit armé ne peut être retenu.

Les avocats de la défense revenant sur cette question lancinante du international du conflit rwandais, le 16 juin 2006, la Chambre d’appel, pour couper toute discussion sur le sujet, prit une décision qui dresse le constat judiciaire du caractère non international du conflit.

Pourtant, les preuves concernant l’implication directe d’un pays tiers dans ce conflit existent et lui impriment, de ce fait, un caractère international. Le TPIR n’a pas voulu s’écarter de la ligne droite tracée par les experts onusiens.

Mandaté par l’ONU en mai 1994, René Degni Segui fut le premier expert à avoir effleuré la question de la qualification du conflit rwandais. Dans son rapport, il parle de deux parties au conflit[7][7], mais se garde de qualifier ce conflit. Il propose que les responsabilités et l’ingérence de certains États étrangers dans la vie politique du Rwanda soient clarifiées.

Dans le sillage de René Degni Segui, une Commission des experts vint au Rwanda. Dans son rapport préliminaire déposé en octobre 1994, elle exclut l’intervention d’un État tiers dans le conflit rwandais entre avril 1994 et juillet 1994, si ce n’est pour des raisons humanitaires, et qualifie de ce fait le conflit rwandais comme non international[8][8].

Quatre ans plus tard, René Degni-Segui fut entendu par la Commission du Sénat belge sur le Rwanda. La même question sur l’ingérence des États étrangers dans le conflit rwandais lui fut posée. Dans sa réponse, il évita de mentionner nommément l’Ouganda : « Concernant les États étrangers, je n’ai lancé que des pistes de réflexion. Il faudrait vérifier quel fut le rôle exact joué par la France et la Belgique, par les États fournisseurs d’armes et par les États voisins du Rwanda[9][9] ».

En 2001, René Degni Segui fut entendu dans les « Assises de Bruxelles » en Belgique. La question de savoir si le conflit rwandais était international revint. René Degni Segui fut plus explicite et parla alors « d’un conflit non international, armé », qui « opposait deux armées d’un même état », qu’« il n’y a donc pas un élément d’extranéité ». À la question de savoir si l’agression ne venait pas de l’Ouganda, René Degni Segui donna une réponse qui fit penser que le conflit était international avant la signature des accords d’Arusha et qu’après, l’APR était une armée nationale.

En effet, quand Maître Évrard lui posa la question suivante : « Est-ce qu’à un moment, il n’y a pas les forces armées rwandaises de la République rwandaise en place et une agression qui vient de l’Ouganda par des forces qui seraient à qualifier autrement qu’internes ? ».

La réponse fut : « Je pense qu’il faut distinguer la période avant et la période du génocide. Entre-temps, il y a eu les accords d’Arusha et l’armée, l’APR, est rentrée, ce n’est plus une armée extérieure. L’APR était bien au Rwanda. Dans ces conditions, on ne peut pas parler d’une armée extérieure venant de l’Ouganda. Ils étaient bien là. Lorsque les massacres ont commencé, ils étaient bien cantonnés, je ne connais pas bien le site, ils étaient bien cantonnés. C’est lorsque les massacres ont commencé que l’APR qui était déjà au Rwanda est venue. Il faut bien faire la distinction entre avant et après. Après, ce n’est plus une armée étrangère, si c’est ce que vous voulez insinuer. C’est une armée nationale ! Et il était prévu d’ailleurs dans les accords que les armées fusionnent. Donc, c’est bien une armée nationale »[10][10].

Il faut souligner d’emblée qu’il n’y a pas eu deux guerres au Rwanda mais une seule, qui a débuté en octobre 1990 et a pris fin en juillet 1994. L’APR n’a jamais été une armée nationale. Elle ne l’a été qu’après sa victoire sur les FAR.

La position des différents experts, dont René Degni Segui dans ses différentes interventions, reprise par le TPIR, ne résiste pas à la critique. Elle occulte complètement l’élément ougandais. Bernard Calas, un spécialiste de l’Ouganda, relève à juste titre, que : «  La thèse […] de l’autonomie intégrale de la rébellion du FPR par rapport à Kampala et en particulier par rapport à la National Resistance Army (NRA) paraît […] difficile à recevoir »[11][11].

De fait, en 1994, même si les deux armées en conflit avaient des positions distinctes séparées par une zone démilitarisée, des armes continuaient d’arriver d’Ouganda pour approvisionner le FPR[12][12]. Cette révélation de Roger Booh Booh, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Rwanda, reprise dans son livre[13][13], met à mal le témoignage du général Dallaire et souligne sa partialité envers le FPR[14][14]. Non seulement l’Ouganda a continué à approvisionner le FPR mais aussi, après la mort du président Habyarimana, le poste-frontière de Kagitumba a été fermé aux observateurs internationaux de la MONUOR, entre le 8 et le 24 avril[15][15], pour procéder à des approvisionnements en armes lourdes en provenance d’Ouganda à l’abri des regards indiscrets.

S’agissant du FPR, ses combattants n’étaient pas des dissidents des Forces Armées Rwandaises, ni des armées d’un même État, comme l’affirme le TPIR et René Degni Segui, mais des combattants prélevés sur l’armée ougandaise, la NRA. Il s’agit d’« une agression d’État par une section de l’armée d’un État voisin »[16][16], acte condamnable au regard du droit international.

Responsabilité de l’Ouganda au regard du droit international

Le fait qu’un pays en attaque un autre, directement ou en soutenant des bandes armées contre ce pays, constitue un crime d’agression et le conflit ainsi déclenché est qualifié d’international. Les textes internationaux sont clairs à ce sujet et les cas de jurisprudence en la matière existent, notamment depuis l’« Arrêt Nicaragua » en passant par les jugements du « Tribunal pénal international de l’ex-Yougoslavie », le TPIY. D’une manière générale : « Aucun pays ne doit envahir son voisin. La Charte des Nations unies a établi l’égalité souveraine des Nations. La planification et la mise en œuvre d’une guerre d’agression sont les plus grands crimes au-dessus de tous les autres crimes de guerre selon la jurisprudence de Nuremberg »[17][17].

Selon la jurisprudence établie, un conflit est international quand il oppose des forces armées de deux États ou plus ou quand un État intervient dans le conflit à travers ses troupes ou quand un groupe agit à l’intérieur du pays pour le compte d’un autre État. L’arrêt Tadic au TPIY est explicite à cet égard. Il précise qu’il est « indiscutable qu’un conflit armé est international s’il engage deux États ou plus, mais que si ce conflit se passe en dehors du territoire d’un État, il devient international si cet État intervient dans le conflit en y envoyant des troupes ou alternativement si des hommes en armes participent dans le conflit pour le compte de cet État »[18][18].

Dans le cas du conflit rwandais, les agresseurs étaient membres d’une armée régulière de l’État ougandais, la NRA, et ils ont attaqué un autre État, le Rwanda. Pour se disculper, l’Ouganda prétendit que ces éléments avaient déserté de son armée et volé le matériel. Aucun vol de matériel militaire susceptible de détruire un État ne peut être perpétré impunément.

Concernant la désertion, les affirmations de l’Ouganda ne peuvent être prises au sérieux. En effet, le fait que le déserteur récuse son statut de combattant ou de membre de l’armée à laquelle il appartenait auparavant, ne supprime pas ce statut. Un déserteur reste sous l’emprise de la législation militaire de l’État dans lequel il exerçait ses fonctions, à moins d’avoir rompu juridiquement tout lien avec cet État[19][19]. Les agresseurs du Rwanda n’ont jamais été sanctionnés. Ils n’ont jamais renoncé à leur nationalité ougandaise ni à leurs fonctions. Leurs liens juridiques avec l’État ougandais et avec son armée n’ont pas été rompus.

Outre l’agression directe perpétrée par un État, la jurisprudence dégage quatre catégories d’agresseurs dont les actes engagent l’État responsable. Il s’agit des groupes qui agissent au nom de l’État ; des groupes qui sont sous le contrôle de l’État ; des déserteurs et des groupes qui n’ont pas de liens de subordination, mais possèdent néanmoins des liens de nationalité ou de résidence[20][20]. Or, le FPR remplit les conditions énumérées ci-dessus, pour engager la responsabilité de l’État ougandais.

En tant que militaires de la NRA, les agresseurs du Rwanda étaient sous le contrôle de l’État ougandais qui, par conséquent, est responsable des agressions commises par des militaires ou des groupes sous son contrôle. Les liens de subordination du haut commandement du FPR avec l’État ougandais sont évidents, puisqu’ils y exerçaient de hautes fonctions. Enfin, les agresseurs sont de nationalité ougandaise. Il existe donc des liens tenant à la nationalité, lesquels entraînent la responsabilité de l’Ouganda en tant qu’État. De plus, tous les agresseurs avaient des liens de résidence. Et il n’existe aucune exception. Ceux qui y étaient domiciliés depuis des années, ceux qui y sont nés, ceux qui se sont rendus en Ouganda pour la formation militaire, toutes ces personnes ont des liens de résidence avec l’État ougandais.

L’ouganda a commis une agression contre le Rwanda

L’Ouganda étant membre de l’Organisation des Nations unies, il a le devoir de respecter les principes qui régissent cette organisation. En attaquant le Rwanda, il a posé un acte qui constitue une « rupture de la paix » et « un acte d’agression », selon l’esprit et la lettre de l’article 39 de la Charte des Nations unies[21][21]. Il a également foulé aux pieds les principes de la charte de l’Organisation de l’Unité africaine qui, dans son article 3, consacre entre autres les principes suivants : la non-ingérence dans les affaires intérieures des États ; le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque État et  la condamnation sans réserve des activités subversives exercées par des États voisins ou tout autre État[22][22].

Sur le plan juridique, l’attaque du Rwanda par des éléments en provenance de l’Ouganda constitue donc un acte d’agression tel que défini par les Conventions internationales. La Résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations unies du 14 décembre 1974, en son article 1er, précise : « L’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies ». Cette résolution qualifie l’agression de crime et précise qu’elle donne lieu à une responsabilité internationale. L’article 3 stipule : « L’envoi par un État ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre État est d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le fait de s’engager d’une manière substantielle dans une telle action ».

Au cours des premiers mois de la guerre en 1990, le président Habyarimana fit appel au président zaïrois Mobutu Sese Seko qui lui envoya des renforts militaires, deux bataillons de commandos de la Division Spéciale Présidentielle (DSP) conduits par le général Mahele. Dans son témoignage, le général Mahele est convaincu qu’au Mutara, sur le champ de bataille à la frontière ougandaise, il n’avait pas à faire à de simples rebelles, vu notamment leur puissance de feu. « Il était convaincu qu’il s’était trouvé en face d’une armée régulière ougandaise bien entraînée et lourdement équipée »[23][23].

Un autre fait incrimine l’Ouganda dans la guerre d’agression contre le Rwanda. En effet, le FPR n’était pas une entité connue au moment de l’agression. Ce qui était connu, c’était la NRA, l’armée ougandaise dont les agresseurs étaient membres. Sans fourniture d’armes, de logistique, de troupes, ni d’entraînement par l’Ouganda, l’agression n’aurait pas eu lieu. Cette collusion s’est poursuivie en 1996, lorsque l’Ouganda et le Rwanda attaquèrent le Zaïre de Mobutu. Elle s’est renouvelée en 1998, lorsque Kagame et Museveni décidèrent d’agresser le Congo du président Laurent Désiré Kabila. Cette coopération dans le crime ne s’est arrêtée officiellement qu’en l’an 2000, lorsque les troupes du Rwanda et de l’Ouganda se sont affrontées à Kisangani en RDC, parce que les intérêts financiers, stratégiques, géopolitiques et hégémoniques des deux agresseurs étaient devenus divergents.

Comme « tout recours à la guerre, à n’importe quel genre de guerre, signifie un recours à des moyens qui sont criminels par définition »[24][24], la guerre d’agression, elle, est plus qu’un crime. En effet, comme l’exprime si pertinemment le juge Norman Birkett du Tribunal de Nuremberg : « Le fait de déclencher une guerre d’agression n’est pas seulement un crime international ; il est le crime international suprême qui se distingue des autres crimes de guerre seulement en ce sens qu’il renferme tout le mal accumulé de l’ensemble[25][25]. »

L’Ouganda exerçait "un contrôle global" sur le FPR

Quand un pays arme, finance, équipe un groupe militaire, participe à la coordination et à la planification des activités militaires d’un groupe pour l’agression d’un autre pays, on dira que ce pays exerce un « contrôle global » sur ce groupe armé ou paramilitaire[26][26]. Le conflit ainsi soutenu prendra un caractère international, même si les activités militaires se déroulent sur le territoire du pays agressé. Car ce groupe ne sera en train d’agir que pour une puissance étrangère. Cette notion, introduite dans l’arrêt Tadic apparaît largement dans l’arrêt Delic et d’autres au TPIY (Affaire CELEBICI). Dans les deux arrêts, il est mentionné ce qui suit : « Le degré de contrôle requis en droit international peut être considéré comme avéré lorsqu’un État (ou, dans le contexte d’un conflit armé, une Partie au conflit) joue un rôle dans l’organisation, la coordination ou la planification des actions militaires du groupe militaire, en plus de le financer, de l’entraîner, l’équiper ou lui apporter un soutien opérationnel. Les actes commis par ce groupe ou par ses membres peuvent dès lors être assimilés à des actes d’organes de l’État, que ce dernier ait ou non donné des instructions particulières pour la perpétration de chacun d’eux »[27][27].

L’Ouganda exerçait un contrôle global sur le « groupe militaire » connu sous le nom de « Front Patriotique Rwandais » (FPR). Tous les critères pour établir ce contrôle sont réunis :

L’Ouganda équipait et finançait le groupe armé-FPR

Sur ce soutien en équipement, « Human Rights Watch (HWR) » est très explicite : il y avait une grande complicité entre le FPR et la NRA. Après l’échec du FPR à la fin d’octobre 1990, l’Ouganda lui a fourni des armes lourdes dont l’artillerie. Pour HRW : « Il y a une évidence crédible que le gouvernement ougandais a permis au FPR de déplacer des armes, des approvisionnements logistiques et des troupes à travers le sol ougandais et a donné une aide militaire directe au FPR sous forme d’armes, de munitions et d’équipements militaires »[28][28].

S’agissant du financement, il faut signaler que les armes coûtent très cher. Ce n’est donc pas une poignée d’hommes, pour la plupart des va-nu-pieds, sans ressources financières, qui peuvent s’acheter des missiles, des orgues de Staline et autres armes lourdes sophistiquées qui ont servi à bombarder différentes villes du Rwanda, dont la capitale Kigali, entre avril et juillet 1994. Cela a nécessité des moyens énormes, dont ceux d’un État souverain. Par ailleurs, les hommes de Museveni ont été pris en flagrant délit en achetant clandestinement des missiles aux États-Unis d’Amérique. Une preuve de plus qu’ils étaient destinés à un usage louche, sinon il ne peut se comprendre qu’un État souverain veuille recourir à des moyens d’achat illicites pour s’approvisionner en armes, alors qu’il n’était frappé d’aucun embargo.

L’Ouganda a prêté son concours à l’organisation, à la coordination et à la planification d’ensemble des activités militaires du FPR.

La guerre contre le Rwanda a été préparée en Ouganda. Ce pays constituait donc la clé de l’agression contre le Rwanda. Selon les observateurs, tout au long de la guerre, il y a eu la « sanctuarisation de la zone frontalière du côté ougandais » et les régions ougandaises de Kabale et de Kisoro ont été utilisées comme « zone de repos » des combattants[29][29]. L’Ouganda et ses dirigeants sont responsables d’avoir permis au FPR de planifier militairement l’invasion d’un État souverain par des armes ougandaises, laquelle invasion a été lancée à partir de l’Ouganda[30][30].

Dans la conduite de la guerre, le président Museveni intervenait dans la nomination des chefs de guerre. Ainsi, à la mort de Fred Rwigema, Kagame, qui avait reçu une bourse d’études dans le cadre de la coopération militaire entre l’Ouganda et les USA, fut rappelé. Il fut nommé par Museveni commandant en chef des forces qui perpétraient l’agression contre le Rwanda. Deux anciens agents de renseignements, Abdul Ruzibiza du FPR et Honoré Ngbanda Nzambo de l’ex-Zaïre, ainsi qu’un politologue ougandais, Remigius Kintu, qui sont au fait des événements se déroulant dans la région des Grands Lacs, soulignent que Museveni a imposé Kagame au FPR, car les autres officiers considéraient ce dernier comme un homme sans charisme et inapte à diriger[31][31]. Une preuve de plus, si besoin en était, que le FPR est une fabrication de l’Ouganda.

Gaspard Musabyimana
Le 03/08/2008

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[1][1] Cfr. la « Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés ».

[2][2] http://www.un.org/icty/tadic/appeal/judgement par. 137.

[3][3] http://www.ictr.org/FRENCH/cases/Akayesu/judgement/5.htm, par. 174.

[4][4] TPIR, Affaire N°. ICTR-96-4-T

[5][5] http://www.ictr.org/FRENCH/cases/KayRuz/judgement/contents.htm, par.597.

[6][6]  http://www.ictr.org/FRENCH/cases/Rutaganda/judgement/contents.htm, par. 382.

[7][7] ONU, Conseil Économique et Social, Rapport sur la situation des Droits de l’homme au Rwanda, document E/CN.4/1995/7 du 28 juin 1994, par. 54 et 60.

[8][8] ONU, doc S/1994/1125, 4 October 1994, par. 91.

[9][9] Sénat de Belgique, Audition de M. Degni-Segui le 17 juin 1997, COM 1-82, p. 763.

[10][10] Audition de René Degni Segui, Assises de Bruxelles en 2001

(http://www.assisesrwanda2001.be/060324.html).

[11][11] Bernard Calas, « Ouganda : un recentrage contrarié sur les enjeux politiques internes », in Les crises politiques au Rwanda et au Burundi (1993-1994). Analyses, faits et documents, sous la direction d’André Guichaoua, Université de Lille1, 1995, p. 363.

[12][12] Le Soir du 15 avril 2004.

[13][13] Jacques-Roger Booh Booh, Le patron de Dallaire parle. Révélations sur les dérives d’un général de l’ONU au Rwanda, Paris, Éditions Duboiris, 2005, p. 124.

[14][14] Jacques-Roger Booh Booh, idem, p. 161.

[15][15] Bernard Calas, op. cit., p. 365.

[16][16] Audition du 10 juin 1998 de James Gasana, Mission française d’information, Tome III, Vol. 2, p. 35.

[17][17] John Philpot, La Mort du Droit international. Le cas de la crise de l’Afrique des Grands Lacs dans les années 1990. Causes, responsabilités et perspectives,.  Guatemala, 6 – 10 octobre 1997, p. 2.

[18][18] Tadic Judgement, par. 84.(http://www.un.org/icty/tadic/appeal/judgement/tad-aj9900715e.htm). 

[19][19] Jean Dusingizimana, Évolution du droit international face aux conflits armés à caractère non international, Université Catholique de Louvain, Louvain-La-Neuve, janvier 1998, p. 49.

[20][20] Christopher C. Black, International Character Of The War In Rwanda From 1990 To Date, June 2001, p. 8.

[21][21] http://www.un.org/french/aboutun/charte7.htm.

[22][22] http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Afr/Ua_63.htm.

[23][23] Honoré Ngbanda Nzambo, Crimes organisés en Afrique centrale. Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux, Paris, Éditions Duboiris, 2004, p. 107.

[24][24] Extrait du discours prononcé le 21 novembre 1945 par Robert Jackson, représentant américain de l’accusation, lors de l’inauguration du procès devant le Tribunal militaire International de Nuremberg..

[25][25] Cité par Robin Philpot, Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali, Éditions Les Intouchables, Montréal, Québec, 2003, p. 74.

[26][26] Tadic Judgement, paragraphe 131.

(http://www.un.org/icty/tadic/appeal/judgement/tad-aj9900715e.htm). Voir également : Affaire CELEBICI, paragraphe 14.

(http://www.un.org/icty/celebici/appeal/jugement/del-010220f_1.htm).

[27][27] – Affaire CELEBICI, par. 15. ; – Voir également Tadic Judgement, paragraphe 137.

[28][28] Human Rights Watch, op. cit., p. 671.

[29][29] Bernard Calas, op. cit., p. 365.

[30][30] Human Rights Watch, op.cit. p. 671.

[31][31] Voir : – Témoignage d’Abdul Ruzibiza, Breinnasen, 2003, p.8 ; – Honoré Ngbanda Nzambo, op. cit., p. 100 ; – Remigius Kintu, « Où est le rapport d’enquête sur l’assassinat de Kayiira?» in La lettre d’information de la Coalition Ougandaise pour la Démocratie, Vol. 3 N° 1, Janvier 1993, p. 5.

P.S.

Le lecteur intéressé pourra trouver plus de développement sur cette notion de « caractère international » du conflit rwandais dans le livre de Gaspard Musabyimana, Rwanda, le mythe des mots, Paris, Editions L’Harmattan, 2008, pp. 173-233.

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