Au Rwanda, cette semaine, c’est le début de la rentrée scolaire. La mesure prise par le gouvernement au début d’octobre de l’année passée de supprimer le français comme langue d’enseignement et de le remplacer par l’anglais va être mise en pratique. Le ministre de l’Enseignement primaire et secondaire, Théoneste Mutsindashyaka, par sa circulaire du 31/12/2008, donne des directives pour l’accélération de l’adoption de l’anglais dans l’enseignement de base (Nine years basic education : 6 ans de l’école primaire et 3 ans du premier cycle du secondaire-Tronc commun).
Une réforme scolaire improvisée
Dans le cadre de faciliter les changements envisagés, il y aura, selon la circulaire, un enseignement à double vacation dans les écoles officielles et libre subsidiées à l’école primaire (Double Shift/double vacation). Une équipe des enfants vient l’avant-midi, et rentre à la maison pour céder place à une autre équipe l’après midi. La ratio maître/élève sera compris entre 40 et 49 enfants par groupe. Cela s’accompagnera de la réduction des matières enseignées (reduction of core course) et une spécialisation des enseignants (specialisaton/professorat). Concrètement, jusqu’en 3è année primaire, les cours seront réduits de 9 à 4 à savoir : Anglais, Kinyarwanda, Mathématiques et Connaissances générales (general paper). De la 4è à la 6è année primaire, les matières seront réduites de 12 à 5 : Anglais, Kinyarwanda, Mathématiques, Science et Technologies et Etudes sociales (social studies).
Quant à la spécialisation, chaque enseignant dispensera un ou deux matières qu’il maîtrise.
Dans l’enseignement basique, il n’y aura pas d’enseignement du Français. Celui-ci sera appris dans le second cycle du secondaire, à raison d’une heure par semaine et au choix (electives non examinable) : l’élève aura la latitude choisir entre le français, le swahili ou l’agriculture. Quant à l’anglais, il sera enseigné dès la première année du primaire à raison de 5 heures par semaine.
Le recrutement des enseignants est une autre priorité de cette réforme. Cela s’entend car si un enseignant doit se spécialiser pour une ou deux matières, il faut un nombre conséquent d’enseignants. Le gouvernement s’est tourné vers l’Afrique de l’Est anglophone pour y recruter des enseignants. La coopération internationale y a mis également du sien. Ainsi des organisations telles que British Council, British Communication, VSO (Voluntary Service Overseas), World Teach, American Embassy et DFID (UK Department for International Development) se sont montrées disposées à collaborer à cette réforme.
Un enseignant de l’école primaire doit avoir un diplôme de A2, tandis qu’un enseignant du secondaire (Tronc commun) doit avoir un diplôme de A1. Dans le deuxième cycle du secondaire, l’enseignant aura le diplôme de A0. Les enseignants ne remplissant pas ces conditions ont été renvoyés sans préavis.
Selon la circulaire, toutes les écoles secondaires (Higher Learning Institutions, les instituts pédagogiques, KIE, Colleges of Education and Teacher Training Centers : TTC) ainsi que les écoles primaires qui seront prêtes commenceront à donner des cours en anglais avec cette année 2009. En 2010, les mathématiques et les sciences seront dispensées en anglais dans toutes les écoles, sans exception aucune. C’est en 2011 que l’enseignement en anglais sera généralisé dans toutes les écoles.
Un enseignement à double vitesse
Au Rwanda, il y a une multitude d’écoles privées, tant primaires que secondaires et supérieures. La plupart dispensaient déjà les cours en anglais. Elles sont dans les villes. Seule la majorité des écoles rurales seront concernées par cette réforme. A moins que ce soit par baguette magique, un enfant ne pourra pas assimiler les leçons dans une langue qu’il ne maîtrise pas. Il aurait fallu étendre la mesure au moins sur une période de 5 ans. Aujourd’hui, c‘est le gâchis. Il y aura des promotions sacrifiées.
Par ailleurs, cette réforme cache mal une ségrégation qui ne dit pas son mot : les concours d’accès du primaire au secondaire ou du secondaire au supérieur seront bientôt en anglais. Le taux de réussite sera plus élevée chez les enfants des grands magnats ayant adopté l’anglais comme langue d’enseignement depuis 1994. Certains parents soucieux de l’avenir de leurs enfants ne savent pas à quel Saint se vouer face à cette réforme improvisée et qui met en danger une bonne partie de la jeunesse rwandaise.
Il n’est pas inutile d’ajouter que ces "réformateurs" se moquent du monde. Ceux qui n’ont pas leurs enfants dans des écoles anglophones existantes, ils les ont envoyés suivre leurs études à l’extérieur du pays (Afrique du Sud, Canada, USA,..) et ne seront donc pas touchés par les effets pervers de cette réforme.
Gaspard Musabyimana, le 13/01/2009