Antoine Sibomana va être jugé après 15 ans de préventive
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Antoine Sibomana est surtout connu au Rwanda et particulièrement dans le monde universitaire par son mémoire de licence intitulé « Umpangare nguhangare » (Tu m’insultes je te réponds) dans lequel il analyse les insultes et les jurons rwandais et la philosophie qui les sous-tend.

Bourgmestre de la commune de Mbazi (Butare, au sud du Rwanda) en 1994, il n’a pas fui le pays en juillet 1994. Sibomana Antoine, la conscience tranquille, s’est établi à Gikongoro à 30 km de sa commune, à l’approche des combats. A la victoire du Front Patriotique Rwandais (FPR), il attendait un signe des nouvelles autorités sur la sécurité des gens pour rentrer.

Exilée au Canada en 1994, Monique Mujawamariya*, une ativiste des Droits de l’Homme, est venue en visite au Rwanda en septembre 1994 accompagnée d’une équipe d’Alter-Ciné. Elle entre par Butare sa région natale. Durant son séjour, voyant les collines vides et touchée par des conditions de vie difficiles dans les camps de déplacés, Monique Mujawamariya a suggéré aux nouvelles autorités locales de rassurer la population pour qu’elle revienne. Il leur a parlé entre autres du Bourgmestre Sibomana qui était dans  un camp de déplacés avec toute sa population ; son retour  encouragerait les autres déplacés à revenir dans leurs domiciles.

Le Major Gumisiliza, commandant militaire de la région  et le Préfet de Butare se sont réjouis de cette initiative et ont promis de veiller à la sécurité du Bourgmestre Antoine Sibomana et de toute sa commune. Mujawamariya contacta le représentant du H.C.R. qui disponibilisa les camions pour le transport de 1200 personnes de la commune de Mbazi. Elle contacta également le Major Pocik responsable de la MINUAR à Butare pour lui demander que ses hommes fassent des patrouilles régulières à Mbazi pour veiller à la sécurité du Bourgmestre Antoine Sibomana et des habitants de sa commune. Le Major Pocik semblait même heureux de faire quelque chose de concret, écrit Monique Mujawamariya.

Le 06.09.94, tous les habitants de la commune de Mbazi qui s’étaient réfugiés à Gikongoro ont regagné leurs domiciles. Tout s’est bien passé, mais à peine une semaine après leur rentrée, raconte Monique, le Bourgmestre Antoine Sibomana et quatre de ses voisins seront appréhendés et emprisonnés. A la tombée de la nuit, des militaires sont venus prendre Antoine Sibomana chez lui, sans ménagement et conduit dans la prison de Butare. Cette prison n’avait pas de ravitaillement en vivres. Monique Mujawamariya s’était inquiétée de la santé de Sibomana Antoine, qui est diabétique. Comment allait-il trouver de l’insuline et comment allait-il faire pour se procurer le nécessaire pour le régime alimentaire exigé par son état de santé ? Momentanément, l’équipe Alter-Ciné avait pu lui trouver quelques doses d’insuline. Après presque dix jours passés à Butare, Monique Mujawamariya se rend à Kigali et profite de ses rencontres pour plaider le cas de Sibomana Antoine qui avait été emprisonné trois jours auparavant. Elle rencontre des autorités rwandaises membres du gouvernement issus du F.P.R. et de l’opposition interne au régime d’Habyarimana. Elle persiste et fait du porte à porte pour voir qui peut l’aider à faire libérer Antoine Sibomana et ses compagnons d’infortune. Elle rencontre des diplomates, des officiers du F.P.R., des responsables à la MINUAR. Mais, une seule réponse est sur toutes les lèvres : personne ne peut s’impliquer avant de savoir qui a ordonné l’arrestation d’Antoine Sibomana.

Monique Mujawamariya est retournée au Canada le cœur gros, car en bon défenseur des Droits de l’Homme, elle laissait un homme juste dans des conditions de vie qui frôlaient la mort.

Depuis donc septembre 1994, Antoine Sibomana vit un calvaire. Il va enfin passer devant les tribunaux gacaca. Va-t-il avoir une chance comme celle du journaliste Dominique Makeri, qui a lui aussi été élargi à la fin de l’année passée après 14 ans de préventive ?

Gaspard Musabyimana, le 15 janvier 2009.

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