L’enquête du juge Bruguière sur l’attentat du 6 avril 1994 : rien qu’un vulgaire pétard mouillé ?
Rappel des faits
L’enquête du juge français fut initiée en 1998 suite à une plainte contre X déposée initialement par la fille d’un des membres de l’équipage du Falcon présidentiel, plainte à laquelle se sont joints ensuite d’autres membres des familles. Fin novembre 2006, le juge Bruguière, Premier vice-président du Tribunal de grande instance de Paris en charge de la coordination antiterroriste, rend une ordonnance par laquelle il demande que neuf mandats d’arrêt internationaux soient décernés à l’encontre de proches collaborateurs de Paul Kagame. En ce qui concerne le président en exercice du Rwanda, couvert par son immunité de chef d’Etat, le juge se tourne vers le Secrétaire Général de l’ONU et préconise que le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), compétent en la matière, prenne le relais des poursuites.
L’instruction couvre donc une période de huit ans. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle fut menée en dehors de toute précipitation. Les autorités gouvernementales rwandaises se rendirent parfaitement compte de la portée réelle de la procédure en cours et réagirent bien avant que l’ordonnance ne soit rendue. En 2005 elles menacèrent à différentes reprises la France de poursuites judiciaires pour complicité de génocide. Effectivement des plaintes furent déposées en ce sens à Paris, par des rescapés rwandais, contre l’armée française. Ensuite, en avril 2006, une commission (dite Mucyo du nom de son président) fut mise sur pied pour enquêter sur "le rôle de la France avant, pendant et après le génocide".
Longue de près de 70 pages, l’ordonnance signée par le juge Bruguière est plutôt inhabituelle en ce sens qu’il n’était pas tenu de motiver l’émission de mandats d’arrêt internationaux. Mais ce moment essentiel dans l’instruction du dossier lui permet de faire une synthèse des investigations conduites avec la division nationale antiterroriste (DNAT). Sa conclusion est catégorique : l’implication de Paul Kagame dans l’attentat du 6 avril 1994 est directe.
Les réactions de Kigali vont en sens divers, qualifiant l’ordonnance d’allégations totalement infondées, basée sur des ragots et des rumeurs et reprochant à la justice française d’être plus motivée politiquement que judiciairement dans cette affaire. D’autres réactions frisent le surréalisme, certains officiels affirmant que le président Habyarimana et le général Nsabimana, le chef d’état-major des forces armées rwandaises, étaient des cibles légitimes dans le cadre d’un conflit armé. Oubliant sans doute que le Front patriotique rwandais (FPR) avait signé des accords de paix et que le président du Burundi et d’autres officiels des deux pays se trouvaient à bord du Falcon 50. Plus concrètement le Rwanda rompt également ses relations diplomatiques avec la France et en mars 2007 deux généraux rwandais, inculpés par le juge Bruguière, déposent plainte contre lui devant la justice belge, de même que contre l’Etat belge.
Rappelons encore dans ce contexte deux éléments majeurs. Le premier est que, fin 2006, le Juge Møse, président à l’époque du TPIR et président de la Chambre compétente dans le procès dit "Militaires I", verse dans son intégralité l’ordonnance du juge Bruguière comme pièce au dossier des quatre officiers rwandais inculpés dans ce procès. Le second élément est l’aboutissement, en février 2008, de l’enquête menée par le juge espagnol Fernando Andreu Merelles. Cette enquête, initiée suite aux assassinats de neuf ressortissants espagnols perpétrés au Rwanda entre 1994 et 2000, se clôture par la délivrance de 40 mandats d’arrêt internationaux à l’encontre d’officiers de l’Armée patriotique rwandaise (APR). Dans un arrêt circonstancié de 181 pages, le juge estime que les personnes visées ont commis des actes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et terrorisme sur ordre du président Kagame. Ce dernier bénéficie de l’immunité que lui confère sa fonction et n’est donc pas l’objet d’un mandat d’arrêt. Dans ses conclusions, le juge accuse le FPR d’avoir mis en place une véritable méthode criminelle. Il estime que depuis sa prise du pouvoir à Kigali, en juillet 1994, le parti a créé un véritable règne de la terreur, non seulement par l’organisation même de son régime dictatorial, mais surtout par la mise en place de structures parallèles responsables de crimes odieux commis contre la population civile, tant nationale qu’étrangère. Le point culminant de cette politique, poursuit-il, est l’invasion du Congo qui, sous couvert de motif sécuritaire, devait permettre, entre autres, la réalisation du pillage de ressources naturelles précieuses, de façon à se maintenir au pouvoir et exercer une domination géostratégique sur la région. Le juge relève par ailleurs que les crimes commis en 1994 sont du ressort du TPIR et plus spécifiquement de son procureur, le Gambien Hassan Bubacar Jallow, responsable des poursuites.
Une enquête contestée qui se réduirait à une peau de chagrin
Dans un article paru dans le quotidien »Le Soir » du 6 avril dernier et qui n’est pas le premier du genre, la journaliste belge Colette Braeckman (CB) tente de démontrer que le "dossier Bruguière" se dégonfle comme une vulgaire baudruche. Que reproche-t-elle concrètement au juge français et à son enquête ?
Précisons avant tout que le seul document porté à la connaissance du commun des mortels est l’ordonnance datée du 17 novembre 2006. Le dossier répressif proprement dit n’est accessible qu’aux ayants droit. C’est-à-dire, au stade actuel, à Madame Rose Kabuye (entendue par la justice française) et ses avocats. Dès lors nous nous demandons en vertu de quelle compétence Madame Braeckman aurait eu accès au dossier du juge Bruguière pour pouvoir le commenter en connaissance de cause ?
Soyons clair. Nous n’avons pas la prétention de croire que nous détenons "la Vérité". Nous entendons cependant que si nous sommes dans l’erreur on nous le démontre avec des éléments objectifs et non par des affirmations gratuites, des demi-vérités, des amalgames et autres subterfuges en vue d’éluder le débat de fond. Dans un dossier aussi émotionnel que celui du Rwanda et du Congo (en près de vingt années la région des Grands Lacs a été transformée en un immense charnier de plusieurs millions de victimes), le citoyen est en droit d’être informé avec la plus grande rigueur. Que le dossier du juge Bruguière, à l’instar de n’importe quelle œuvre humaine, comporte le cas échéant certaines imperfections ou lacunes est dans l’ordre des choses. Mais, de là à réduire un travail d’investigation de huit années à un vulgaire pétard mouillé, voire à mettre en cause la probité du juge et de ses collaborateurs, il y a une marge à ne pas franchir. En la franchissant, ce que nous estimons être le cas, on perd toute objectivité et toute crédibilité.
Trois éléments significatifs sont invoqués, parmi d’autres, dans l’article de CB pour justifier la piètre appréciation qui est la sienne quant à la consistance du dossier ?
· Les principaux témoins à charge se sont rétractés.
· Un interprète et traducteur rwandais, Fabien Singaye, qui assistait le juge Bruguière et ses enquêteurs dans les interrogatoires de témoins était tout sauf neutre.
· L’autorisation faite à Madame Kabuye de regagner le Rwanda et d’y poursuivre ses activités officielles, même si le mandat d’arrêt la concernant n’est pas formellement levé, est symptomatique de la légèreté des charges retenues contre elle.
Qu’en est-il de ces différentes assertions ?
Quant à la rétractation des principaux témoins à charge
Deux témoins à charge se sont rétractés : Abdul Ruzibiza et Emmanuel Ruzigana. Il s’agit, en effet, de deux témoins importants mais qui sont loin d’être les seuls à avoir témoigné à propos des mêmes choses.
Prenons le cas d’Abdul Ruzibiza, le plus connu. Son livre "Rwanda l’histoire secrète", paru aux éditions du Panama en 2005, a jeté un fameux pavé dans la mare lors de sa parution. En synthèse, ce livre met en évidence la responsabilité directe de Paul Kagame dans l’attentat du 6 avril 1994 et dans l’ampleur des massacres perpétrés au Rwanda ainsi qu’au Congo-Zaïre. Pareilles accusations n’avaient cependant à l’époque rien d’un scoop. Elles avaient déjà été exprimées à l’encontre de l’homme fort de Kigali bien avant celles de Ruzibiza ou de Ruzigana. Notamment par Jean-Pierre Mugabe, Aloys Ruyenzi et Déogratias Mushayidi, pour ne citer que ceux-là.
Il est vrai que dans l’article du journal Le Soir du 6 avril dernier, CB précise qu’elle avait rencontré à l’époque Ruzibiza et qu’elle l’avait jugé peu crédible. Etonnant quand on sait que le livre de Ruzibiza a été préfacé par deux experts reconnus de la région des Grands Lacs : Claudine Vidal, directrice de recherches émérite au CNRS et André Guichaoua, professeur de sociologie à l’université de Paris 1. Ce n’est quand même pas rien !
Ce n’est pas parce que Ruzibiza s’est rétracté que forcément les 494 pages de son livre ne sont qu’un salmigondis d’inventions, de mensonges et d’élucubrations diverses. C’est d’autant moins le cas que pour avoir vécu certaines des circonstances décrites dans le livre, nous pouvons attester que les détails fournis les concernant sont tout à fait corrects. Quoi qu’il en soit, il nous semble un peu court de déclarer que Ruzibiza n’est qu’un affabulateur et que par conséquent le dossier du juge Bruguière se dégonfle en même temps que son principal témoin.
Il est peut-être utile de rappeler à Madame Braeckman que l’intéressé a aussi été témoigner au TPIR et que son témoignage, qui reprenait les principaux thèmes de son livre, a été fait sous serment. Dans ces conditions, il est étonnant que le procureur du TPIR n’ait pas jugé utile de rappeler ce témoin pour parjure, alors qu’il a autorité pour le faire et qu’il a déjà fait usage de cette prérogative par le passé.
Sur le plan journalistique la démarche aurait été tout autre si, au lieu de prendre la rétractation de Ruzibiza au premier degré, une enquête sérieuse avait été menée pour essayer de déterminer les véritables raisons pour lesquelles l’intéressé est revenu sur ses affirmations. N’est-ce pas cela en réalité le travail du journaliste ?
En conclusion de ce premier point, nous disons que si Ruzibiza avait été le seul à accuser nommément Paul Kagame pour son implication directe dans la tragédie rwandaise, il faudrait, en effet, remettre en question la matérialité de ses affirmations. Etant donné que ce n’est pas le cas et que bien d’autres témoins directs disent en substance la même chose, il serait dès lors plus opportun de rechercher les véritables raisons pour lesquelles Ruzibiza et Ruzigana sont revenus sur leurs dires. Pareille démarche permettrait, sans aucun doute, d’appréhender de façon beaucoup plus exacte l’enjeu réel de cette volte-face.
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Quant au rôle controversé de Fabien Singaye
Selon CB "des documents inédits découverts en Suisse – et dont nous avons pu prendre connaissance en exclusivité – établissent que le traducteur rwandais qui assista Bruguière dans l’interrogatoire de ses témoins était tout sauf neutre (…) rien d’étonnant à ce que des témoins comme Emmanuel Ruzindana (qui ne parle pas le français) aient déclaré par la suite n’avoir rien reconnu des propos qu’ils avaient réellement tenus …".
De grâce restons sérieux. Peut-on imaginer un seul instant que le juge Bruguière, avec le pedigree qui est le sien, se soit laissé intoxiquer comme un vulgaire débutant ? Si les documents inédits évoqués par Madame Braeckman sont de même nature que le soi-disant "témoin capital de l’assassinat de Habyarimana" (Le Soir du 6 mai 2006), le seul à affirmer que ce sont trois missiles sol-air qui ont été tirés sur l’avion présidentiel, cela ne mérite en aucun cas le détour. Aller dénicher pareil témoin, il fallait le faire. C’est vraiment très fort ! Alors que tout qui se trouvait à Kigali le soir du 6 avril 1994 vous confirmera que ce sont bien deux missiles et non trois qui ont pris le Falcon présidentiel pour cible. Consacrer un article d’une page, à semblable témoignage farfelu, constituait déjà à l’époque une manière de jeter le doute sur le sérieux de l’enquête du juge qui ne mentionne que deux missiles.
Le fait que Fabien Singaye soit le beau-fils de Félicien Kabuga, accusé d’être l’un des financiers du génocide, constitue-t-il vraiment l’argument irréfutable de sa compromission ? Tant que l’on y est, pourquoi ne pas affirmer tout simplement que le juge Bruguière s’est entouré de génocidaires pour l’assister dans son travail ? Pareille association entre Kabuga et son beau-fils ne trompe guère de monde. L’amalgame est une technique éculée dont le but est surtout de camoufler l’indigence de l’argumentation. Si les documents inédits évoqués sont à ce point probants, pourquoi ne pas être plus précis quant à leur contenu ? Ceci éviterait à tout le moins de se cantonner dans le vague et le sous-entendu, si pas la diffamation.
En conclusion de ce second point soulignons que celui qui est accusé, par Madame Braeckman, d’être un interprète "engagé" a été requis pour la transcription des bandes d’enregistrement de la tour de contrôle de Kigali et pour l’audition de deux témoins. Fabien Singaye n’a été impliqué, ni de près ni de loin, dans le témoignage de Ruzibiza ou de Ruzigana. Pas plus, du reste, que dans celui de Emmanuel Ruzindana dont le nom n’apparaît même pas dans l’ordonnance du juge Bruguière !
Quant au régime de faveur dont bénéficie Madame Rose Kabuye
Nous avons tout récemment connu en Belgique une crise gouvernementale provoquée par une simple "suspicion" d’ingérence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, à moins que ce ne soit l’inverse. De quelle façon nos amis français perçoivent-ils la notion de "séparation des pouvoirs" ? En tout cas, à suivre les déclarations engagées et les salamalecs répétés de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, à propos de l’affaire Kabuye, nous avons le sentiment (que beaucoup partagent) que le bouillant Monsieur K. a pris de sérieuses latitudes par rapport à ce principe de séparation des pouvoirs. Bizarrement, son ingérence flagrante est loin d’avoir suscité de la part des parlementaires français la même réaction que celle que nous avons connue en Belgique.
Parler d’un "énorme malentendu", en évoquant l’inculpation de Madame Kabuye, a quelque chose de provoquant à l’égard du pouvoir judiciaire. C’est aussi plus que choquant pour les proches des victimes de l’attentat du 6 avril 1994. Même si tout inculpé reste, jusqu’à preuve du contraire, présumé innocent des faits qui lui sont reprochés.
Le souci du président de la République française et de son ministre des Affaires étrangères de normaliser les relations tumultueuses de la France avec le Rwanda est louable en soi. Néanmoins nous restons convaincu que tout n’est pas justifiable au nom de la realpolitik et ce, d’autant moins qu’une normalisation des relations équivaudrait, de facto, au renvoi dans les oubliettes de l’histoire de plusieurs millions de victimes immolées sur l’autel du pouvoir absolu. Non, il y a des limites qui ne peuvent être franchies.
Tout aussi interpellant est cette exhortation lancée par le président Sarkozy, au début de cette année, à mettre en œuvre une nouvelle gestion des ressources et de l’espace géographique des provinces orientales de la République Démocratique du Congo. Se prendrait-il pour le Bismarck des Grands Lacs ? Aurait-il vraiment oublié ce que les Français chantaient jadis la main sur le cœur et le trémolo dans la voix : ils n’auront pas l’Alsace et la Lorraine… ? En vertu de quels critères voudrait-il faire accepter par les Congolais ce que les Français ont combattu à l’époque au prix de lourds sacrifices ? A quoi est-il donc prêt pour dérouler le tapis rouge devant les pieds du nouveau Mwami du Rwanda ? En tout cas, ce dernier doit en ricaner à se démettre les mâchoires !
Aussi, étant donné ce qui précède, invoquer, comme le fait CB, le régime de faveur de Madame Kabuye pour tenter de démontrer que le dossier Bruguière ne serait qu’une calebasse vide, c’est vraiment prendre les lecteurs pour des imbéciles.
Conclusion
Si autant d’années après l’attentat du 6 avril 1994 les choses n’ont toujours pas repris un cours normal. Si autant d’années après cet acte terroriste tant de livres et de documents sont toujours rédigés sur ses conséquences, c’est qu’objectivement les choses ne sont toujours pas claires. Elles le sont d’autant moins que certains s’évertuent, envers et contre tout, à vouloir imposer "leur vision" unilatérale de l’histoire, vision qui ne résiste, mais alors plus du tout, à l’analyse historique. Force nous est aussi de constater que ces tenants de la pensée unique exercent urbi et orbi une véritable dictature intellectuelle en récupérant avec cynisme les concepts de "révisionnisme" et de "négationnisme" dont ils accablent tout qui ose contester un tant soit peu leur version de l’histoire.
Que la presse se contente d’exercer le noble rôle qui est le sien : informer le public en toute objectivité. Qu’elle évite, pour d’obscures raisons qui lui sont propres, de vouloir se substituer à la justice. Cette dernière est parfaitement en mesure d’assumer ses propres responsabilités.
Prétendre que l’enquête du juge Bruguière est sur le point d’imploser par manque de consistance, c’est faire peu de cas d’une autre enquête qui l’a précédée et dont la conclusion va dans le même sens. En 1997, Michael Hourigan, chef d’une équipe d’enquêteurs du TPIR travaillant à Kigali, avait constitué un dossier dont les éléments mettaient l’actuel régime de Kigali en cause dans l’assassinat des présidents Habyarimana et Ntaryamira. Cette enquête a bien été menée à charge et à décharge, puisqu’elle visait initialement à établir l’implication des extrémistes hutus dans cet attentat, mais que les éléments recueillis pointèrent, en réalité, la responsabilité directe du Front patriotique. Nous savons ce qu’il est advenu du "dossier Hourigan" : rangé de façon péremptoire au fond d’un tiroir par la procureur du TPIR de l’époque, la canadienne Louise Arbour. Quant à Michael Hourigan il fut sommé d’arrêter, sine die, ses investigations et de détruire tous les documents s’y rapportant.
Aussi, ce n’est pas la tentative de dénigrement de l’enquête du juge Bruguière de la part d’une certaine presse qui nous fera changer d’avis sur la nécessité que la procédure judiciaire suive son cours normal et débouche sur un procès. Seul le procès permettra un véritable débat par la confrontation des arguments. Un procès, c’est aussi l’espoir qu’après autant d’années d’obscurantisme, toute la clarté soit enfin faite sur l’attentat du 6 avril 1994.
Luc Marchal
Le 04/05/2009