Les plus hautes autorités rwandaises s’en foutent de la population
+

Dans une tribune intitulée « Comme je l’entends », le journaliste Didas M. Gasana décortique le discours de Président Paul Kagame dans lequel celui-ci a uni sa voix à ceux qui veulent que l’Afrique se passe de l’aide extérieure. Cette position du Président rwandais n’est pas réaliste, souligne le journaliste. « Cela est peut-être vrai pour Paul Kagame qui roule sur l’or. Ses enfants font des études à l’étranger dans des écoles où les frais de scolarité sont exorbitants » mais le gros de la population  reste dans la misère la plus abjecte et a donc encore besoin de cette aide. Il est clair que dans son opulence, le Président ne pense pas à sa population en prenant une telle position. Les chiffres sont parlants et le journaliste s’y base pour montrer que le Rwanda a encore besoin de l’aide au développement contrairement à ce qu’avance Kagame. En effet, dans l’article, on y lit que la moitié du budget du Rwanda vient de l’aide extérieure ; que la moitié de Rwandais, soit près de 5 millions de personnes, sont pauvres et vivent avec moins de 570 francs rwandais [presque ½ €] par jour ; que 30% des élèves l’école primaire décrochent avant d’avoir terminé la 4è année à cause de la pauvreté de leurs familles ; que le Rwanda est l’un des pays qui consacre peu de budget au secteur de la santé, soit 10$ par habitant en 2007 ; que la mortalité infantile est l’une des plus élevée au monde ; que 40% des enfants rwandais ne mangent pas à leur faim tandis que 25% des familles rwandaises sont rongées par une famine endémique ;…

Le journaliste conclut, à juste titre, que les propos de Kagame sont loin des préoccupations la population qui végète dans la misère comme le montre les statistiques ci-haut citées. Il ne manque pas de souligner que les aides déjà reçues sont détournées à d’autres fins. Ainsi au Rwanda 10% des aides extérieures sont allouées aux services de sécurité.

A cette misère généralisée s’ajoute le fait que la population rwandaise n’a pas accès égal aux emplois, aux facteurs de production, à la terre, … L’article relève que le Bureau du Département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique chargé de la Démocratie et des Droits de l’Homme, dans son rapport de 2008, a montré qu’en matière d’emploi, les Rwandais anglophones sont plus privilégiés que les Rwandais francophones.

Sur le même registre, le journaliste rappelle que Kagame semble ignorer que le FPR a le monopole sur tout le commerce du pays et que quiconque n’est pas inféodé à ce parti voit sa soumission pour un marché public rejetée, que le commerçant qui ne paye pas une somme substantielle au secrétariat de ce parti voit les portes de son magasin fermé, …

###google###

Le journaliste pense que Kagame, en se positionnant sur le rejet de l’aide extérieure, ne fait que de la rhétorique politique (« political rhetoric ») et que « cela ne l’honore pas ».

Dans le même hebdomadaire, le journaliste Alphonse Nsengiyumva titre son article : « Si les Rwandais ne descendent pas dans la rue pour manifester leur colère envers le pouvoir, ce n’est parce qu’ils sont d’accord avec ce qu’il fait ». Loin de là. C’est par crainte de la prison et autres tracasseries du régime car, écrit le journaliste «  ils ne sont pas nombreux les Rwandais en âge d’aller en prison et qui n’y ont pas été ». Le journaliste souligne l’omniprésence de la dictature qui a ses tentacules jusqu’au échelons de base. Pour oui ou pour un non, c’est l’emprisonnement qui est brandi.

Qui va parler pour cette population terrorisée puisque même le Parlement est comparé à « yeomenhouse » par le journaliste Steven Mugabo, référence faite à la situation qui régnait en Irlande du temps où le roi anglais Arthur d’Angleterre avait conquis ce pays par force et y avait instauré un parlement à sa solde. Ainsi se présente également le Parlement rwandais. D’après l’article, la Constitution du Rwanda, voté en 2003, ne l’a pas été dans la liberté la plus totale, notamment en tenant compte des aspirations de la population. « Il est difficile de prendre cette loi comme une Constitution du Rwanda vu la façon dont elle a été mise sur pied. (…) Il s’agit plutôt d’un texte qui renferme tout ce qu’il faut pour défendre les intérêts du FPR et non ceux du peuple rwandais ».

Les « yeomen » [yesmen] ne sont pas seulement au Parlement. « Le jour le FPR a décidé d’instaurer le Forum des partis politiques, il voulait mettre à la tête de ces partis des yeomen ; quand le FPR a fait voter des lois pour des chambardements de la justice, il voulait placer des juges yeomen ; le jour où il a mis sur pied la commission électorale, il a nommé ses yeomen commissaires et aucune élection ne peut générer un changement au Rwanda tant que la loi électorale est ce qu’elle est (…) car on ne peut pas faire de la bonne omelette avec des œufs pourris ».

Le journaliste revient sur le phénomène de ces députés « yeomen » qui ont voté une loi selon laquelle le Président Kagame ne peut pas être poursuivi par la justice sur des actes commis pendant son exercice. Pour ce journaliste, les députés sont là pour voter des lois pour protéger les intérêts des plus hautes autorités et non ceux du pays.

Le journal revient sur la campagne de raser la bananeraie dans différents coins du pays sous prétexte de terrasses radicales. La conséquence ne peut qu’être la famine qui va ravager la population. Le journaliste Habuhazi Innocent considère cela comme «  la manifestation la plus criante de la dictature ».

La dictature, puisque c’est d’elle dont il s’agit, est omniprésente dans tous les secteurs de la vie nationale. Mugabo Steven revient sur le comportement indigne des services de sécurité qui passent leur temps à malmener la population. « Quand on cause avec des gens ou même quand on croise leur regard, il ressort qu’ils ont été terrorisés et qu’ils manifestent une peur maladive », leur inoculée par le système FPR (« pyschological infusion of fear »). L’article donne des exemples illustrant les méthodes brutales de la police, comme le cas malheureux d’une vieille femme chassée de sa parcelle dans la ville de Kigali sans indemnisation et qui a trouvé refuge sur le barza d’un bâtiment en construction. Elle passait son temps à dormir dans un amas de détritus du chantier. Elle n’avait rien à manger et dormait à la belle étoile, sans couverture. Elle avait une peau tachetée suite aux conditions hygiéniques déplorables dans lesquelles elle vivait. Mais un jour, le pouvoir a dépêché la police pour ramasse cette veille pour aller la mettre dans « la prison des pauvres » qui accueillent toutes les personnes tombées dans la précarité suite aux décisions injustes des autorités.

Charles B. Kabonero, dans une Tribune intitulée « Ce qui me chagrine » revient lui aussi sur les conséquences de la dictature qui règne en maître au Rwanda. Il écrit : « Ce qu’il y a, c’est qu’il existe une dictature qui se fait de plus en plus manifeste. Le pouvoir fait en sorte que la population reste dans l’ignorance et que la communauté internationale ne s’aperçoive de rien. Le pouvoir montre un visage trompeur de démocratie, mais dans les faits, il pratique la pire dictature ». L’article souligne que la population n’a rien à dire et que le FPR a fait en sorte que tous les échelons du pouvoir répondent aux intérêts de la clique dirigeante. La population ne sait plus par où donner de la tête. Des gens passent des journées, voire mois, à taper sur des portes des bureaux dans l’administration pour que justice leur soit rendue, mais en vain, martèle le journaliste.

Normalement, tout pouvoir devrait être pour le peuple, mais au Rwanda, le parti-Etat FPR n’en a cure. Comme le souligne le journaliste Mugabo, en semant la terreur dans la population, en la muselant, c’est que ce pouvoir n’a pas confiance en lui. Il a lui aussi peur de quelque chose.

Gaspard Musabyimana
16/06/2009

Pas de commentaire

COMMENTS

Repondre

Laisser un commentaire