Rwanda : les limites de l’équilibrisme au sommet de l’Etat
+

Les remaniements ministériels intempestifs, l’inamovibilité de certaines personnalités  au gouvernement ainsi que les scandales liés aux histoires de mœurs marquent les limites d’une classe dirigeante qui a opté comme mode de gouvernement la dissimulation et le double langage.

DU MAQUIS AU VILLAGE URUGWIRO.

L’on se souviendra que les combattants qui se sont emparés du Rwanda en 1994 venaient pour l’essentiel de l’Ouganda voisin et avaient pour la plupart appartenu à l’armée régulière de ce pays. Ces combattants détenaient à eux seuls et grâce à leurs fusils la légitimité pour régner sur le pays. Les anciens réfugiés qui sont rentrés sur leurs traces, les populations conquises et par après celles qui furent rapatriées des pays voisins n’avaient pas et n’ont pas toujours à mettre en doute la légitimité des conquérants auto-proclamés « libérateurs ». Pour tout le monde, ils étaient maîtres du pays et c’était normal qu’ils le dirigent comme ils l’entendaient.

ACTE I : PREMIER TROMPE-L’ŒIL.

Lors  de l’installation de son premier gouvernement le petit groupe des Tutsis d’Ouganda qui venaient de conquérir le pays faisait croire au monde et aux Rwandais naïfs qu’il compte s’inscrire dans l’esprit des accords d’Arusha sur le partage du pouvoir à l’exclusion du parti MRND du Président Habyarimana qu’il venait d’assassiner. Le FPR poussant même le symbole jusqu’à désigner un Hutu du Nord (chez Habyarimana) comme président de la République. Nous avons cité l’inénarrable Pasteur Bizimungu qui s’est illustré dans le comptage des cadavres de femmes et d’enfants que « son » armée venait de massacrer dans le camp de Kibeho en avril1995. Les ailes pro-FPR des partis politiques s’engouffrèrent dans la brèche sous la houlette de Faustin Twagiramungu. A peine une année plus tard, ces politiciens naïfs durent se rendre à l’évidence et jetèrent l’éponge. Ceux parmi eux qui ne croupissent pas en prison vivent actuellement en exil.

ACTE II : MISE AU PAS.

Sentant son pouvoir raffermi, le groupe de Tutsi venus d’Ouganda opta clairement pour la cooptation de personnalités choisies par lui et mises sur le compte des soi-disant partis politiques admis, en réalité des coquilles vides. Ces partis alimentaires n’avaient même pas de problème de disposer assez de cadres pour occuper les postes qui leur étaient attribués (au gouvernement ou à l’assemblée). Qu’à cela ne tienne : le FPR se faisait l’honneur de leur en fournir. Il suffisait de changer d’étiquette. C’est sous ce régime que survit depuis 2000 un premier ministre politiquement « asexué » par ailleurs cousin du général Paul  Kagame mais qui constitue une carte hutu à brandir.

Déjà dès sa prise du pouvoir, le FPR (ou plutôt le petit cercle qui gère le pays) fut hanté par l’idée de montrer au monde que les Hutu sont associés à la gestion de leur pays malgré qu’ils soient militairement conquis. Plusieurs subterfuges furent mis au profit dont notamment le phénomène des Hutu de service et des officiers-trophées. Le phénomène des Hutu de service consiste à nommer un Hutu aux plus hautes fonctions avec des titres ronflants mais en lui collant en sous-mains des subalternes qui le narguent, l’humilient et n’hésitent pas à lui rappeler que c’est eux qui ont conquis le pays. Certains cadres hutu sont tellement traumatisés qu’ils sont devenus comme des « zombies » de façon qu’ils ne savent même plus comment se tenir en société. Quant au phénomène d’officiers-trophées, il consiste à trouver quelques rares officiers hutu parmi les milliers que compte l’armée et à les promouvoir aux grades supérieurs avec des fonctions purement honorifiques pour la consommation externe. On connait les cas des seuls généraux hutu de l’armée, Gatsinzi Marcel et Rwarakabije Paul. Ironie du sort, Gatsinzi est l’inamovible ministre de la défense alors que tout le monde sait qu’il ne gère rien. Mais pour la galerie, c’est toujours un hutu à exhiber.

###google###

LE COUP DE LA PARITÉ HOMME-FEMME. 

L’une des trouvailles du petit groupe au pouvoir à Kigali et qui constitue à mes yeux un coup de génie politico-médiatique et le fait de s’être emparé de la notion de parité homme-femme pour en faire une carte de visite mais en réalité pour dissimuler sa politique d’exclusion.

Toute la presse mondiale vante le fait qu’au Rwanda la parité homme-femme est effective tant au parlement que dans d’autres institutions du pays. Même les pays nordiques peuvent rougir devant les avancées rwandaises en matière de parité. Les plus naïfs y verront un signe de démocratie et d’ouverture de la part du régime de Kagame. Les plus avisés y verront plutôt un pied-de-nez à la dignité humaine et une vaste escroquerie. Nous nous situons dans la dernière catégorie.

Pour ne pas à avoir affaire aux hommes hutu tout en montrant au monde qu’ils ne sont pas exclus, Kagame s’emploie à nommer des femmes hutu, dont certains ont des maris emprisonnés, ou sans emploi, aux postes importants dans l’administration ou députées à l’Assemblée sur le ticket FPR tout en leur intimant l’ordre de« mater » leurs maris dès lors qu’elles sont les seules, grâce au FPR, qui font vivre la famille. Ainsi sous prétexte d’associer des Hutu au pouvoir, le régime humilie les hommes et infantilisent leurs femmes.

L’AKAZU SE RÉTRÉCIT : LE SERPENT SE MORT LA QUEUE ?

L’une des propagandes les plus prisées quant il s’agit de dénigrer le régime Habyarimana est de dire que son pouvoir était détenu par un cercle restreint dénommé « Akazu ». Pourtant ni les recherches sérieuses et indépendantes, ni le TPIR ne sont parvenus à attester de l’existence de cette Akazu ni à en définir les contours. Par contre, le régime de Kagame a tellement érigé son Akazu que cela apparaît aujourd’hui comme caricatural. 

Après la prise du pouvoir en juillet 1994, plusieurs combattants qui étaient célibataires se sont mariés en choisissant comme il se devait, des épouses parmi l’élite des jeunes filles tutsi de la diaspora. Ces femmes ayant servi de « repos du guerrier » aux conquérants sont pour la plupart des universitaires contrairement à leurs maris. Elles sont donc devenues de hauts cadres de l’administration. Leurs maris sont encore sous les armes et sont montés aussi en grade.

C’est là où la situation devient inextricable et hypothèque gravement la gestion du pays. Même le dictateur aura senti la complexité de la situation. Mais il lui sera difficile d’y remédier car cette situation découle d’une volonté politique ancrée dans la mémoire collective de son groupe.

Tenez :
– Un ministre des affaires étrangères mariée à un commandant de la garde républicaine : quand le président doit voyager, le mari doit veiller à la sécurité du président qui doit être accompagné par sa propre femme et lui-même rester au pays ou se glisser dans la délégation ;
– Un ministre marié à un juge suprême des Gacaca qui doit juger les professeurs désignés par son mari comme véhiculant l’idéologie du génocide ;
– Une maire de la ville mariée à un officier de l’armée chargé de la logistique dont les contrats de tous les marchés doivent être signés par sa femme ;
– Un général commandant l’armée de terre dont l’épouse dirige le service des impôts ou un commissaire de police dont la belle sœur dirige les douanes. Il ne peut y avoir que conflit d’intérêts.
– etc…

Voilà comment un petit groupe d’aventuriers peut prendre tout un pays et un peuple en otage, induire la communauté internationale en erreur et travestir les concepts nobles pour des fins criminels. Rien ne devrait être épargné pour dénoncer cet état de fait afin de faire apparaitre le régime du FPR sous son vrai visage.

Emmanuel Neretse
07/12/2009

Pas de commentaire

COMMENTS

Repondre

Laisser un commentaire