Réactions des ONG au Rapport Mapping de l’ONU
Le 23 Septembre 2010, 82 ONG congolaises ont publié un communiqué dans lequel elles «exhortent le Président Joseph Kabila à ne pas se solidariser avec les auteurs présumés des violations graves du Droit international humanitaire commises en RDC entre 1993 et 2003». Les ONG appellent les autorités de la RDC à «considérer le rapport du Projet Mapping du HCDH comme une base indiscutable pour demander à la Communauté internationale la mise sur pied d’un mécanisme judiciaire international, à l’instar du Tribunal pénal international sur le Rwanda (TPIR), afin de poursuivre les présumés auteurs desdites atrocités et rétablir les victimes dans leurs droits ». Elles exhortent le Président Joseph Kabila « à tout faire pour que la RDC ne puisse signer toute déclaration tendant à remettre en cause les éléments du contenu et de conclusions du rapport du HCDH. ». Les ONG congolaises affirment qu’elles «prendront toutes les
dispositions nécessaires afin de collaborer parfaitement avec les Nations Unies et toutes les institutions judiciaires nationales et internationales dans le cadre des poursuites à engager contre les auteurs des violations graves des Droits de l’Homme et du Droit international humanitaire commises en RDC entre 1993 et 2003 ».
Dans un communiqué publié le 1er Octobre 2010, Global Witness «salue la confirmation apportée dans ce rapport capital de l’ONU de l’existence de liens étroits entre les activités des groupes armés violents et le commerce des minerais et du bois en RDC ». L’ONG «demande que tous les individus connus pour avoir commis de graves atteintes liées à la lutte pour les ressources naturelles soient inclus dans toute future procédure judiciaire ». Pour l’organisation, «ce rapport est un rappel brutal des crimes odieux qui affligent le Congo depuis près de deux décennies et qui continuent aujourd’hui d’être perpétrés. Il démontre avec éloquence la nécessité de rompre le lien entre le commerce de minerais et la violence et d’exiger des comptes aux individus et aux entreprises».
Dans un document intitulé «RD Congo: Questions et réponses sur le rapport de mapping des Nations Unies sur les droits humains », Human Rights Watch (HRW) juge ce rapport très important, car «il est un rappel puissant de la gravité des crimes commis au Congo et de l’absence choquante de justice ». Et d’ajouter que la période couverte par le projet de mapping est «probablement l’un des chapitres les plus tragiques de l’histoire récente de la RDC.» Ces dix années, indique HRW, ont été «marquées par une série de crises politiques majeures, de guerres et de nombreux conflits ethniques et régionaux qui ont provoqué la mort de centaines de milliers, voire de millions, de personnes».
Enfin, Amnesty International (AI) demande une enquête sur tous les crimes recensés dans le rapport. En effet, «le cycle de la violence et des atteintes aux droits humains ne se brisera que si les auteurs de ces infractions au droit international ont à répondre de leurs actes ». (jn)
Réactions des Etats de la région sur le Rapport Mapping
Avant même la publication officielle du Rapport des Nations Unies sur les plus graves violations des Droits de l’Homme commises en RDC entre 1993 et 2003, les réactions ne se sont pas fait attendre. Alors que certaines sources faisaient état d’une réaction commune des huit Etats mis en cause dans le rapport (dont le Rwanda, la RDC, le Burundi, l’Angola, le Zimbabwe, le Tchad et l’Ouganda), c’est finalement chaque pays qui a pris position pour sa propre défense.
Les protestations les plus bruyantes sont venues du Rwanda, du Président de la République à la Ministre des Affaires étrangères, en passant par la délégation permanente du Rwanda à Genève et des députés. Tous ont tenté de ridiculiser les auteurs du Rapport en les taxant de «menteurs, des tricheurs, des incompétents, des irresponsables et pour tout dire des complices des génocidaires hutus ». Le Président rwandais, Paul Kagamé, a même menacé de retirer ses 3550 soldats de la Mission des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD), avant de se raviser suite au voyage en catimini à Kigali de Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU.
Par la voix de son porte-parole, Philippe Nzobonariba, le gouvernement du Burundi a demandé avec insistance au Secrétaire général de l’ONU d’être rayé de la liste des pays impliqués. Le gouvernement nie «la présumée implication » des ex-Forces Armées Burundaises (FAB) et les ex-Forces pour la défense de la Démocratie (FDD, ex-rébellion) dans plusieurs violations graves des droits humains en RDC. Il critique ces allégation en affirmant qu’elles «n’ont pas de raison d’être dans la mesure où ni les ex-FAB, ni les ex-FDD n’ont jamais été en collusion avec aucune des forces présentes sur le sol de la RDC».
Pour sa part, l’Ouganda a fermement rejeté le rapport et a menacé de retirer ses effectifs déployés au sein de la MINUAD. Par la voix de son ministre de la justice, Luzolo Bambi, la RDC demande à l’ONU de rendre justice aux victimes de ces violations et propose la création des juridictions spéciales chargées de juger les auteurs de ces crimes. Dans le même temps, il critique les auteurs du rapport pour le fait qu’ils n’auraient pas pris en considération des sources gouvernementales qui font état des massacres de Makobola, Kasika, Mwenga et Kisangani qui n’ont pas été inclus dans le rapport Mapping. Il critique aussi le fait que le rapport ne mentionne pas que les milliers des réfugiés hutus rwandais étaient allés en en RDC en 1994 sur demande et avec la protection de la communauté internationale. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne connaissons pas encore les réactions des autres pays. (dr)