Rwanda : opposition, Western Union et terrorisme
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Au premier abord, ces trois termes ont peu de choses en commun. Pourtant, le régime dictatorial de Paul Kagame plus prompt à découvrir les instruments de répression qu’à améliorer le bien- être du peuple, vient d’établir un lien entre ces concepts. Il entend user de cette nouvelle trouvaille comme « Arme de Répression Massive » contre toute personne qui ose réclamer une ouverture de l’espace politique.

Le postulat est simple : tout transfert d’argent venant de Rwandais vivant à l’étranger et destiné aux parents ou connaissances vivant au Rwanda ou dans la région des Grands lacs via Western Union est analysé à la loupe. Si l’expéditeur est un opposant connu ou un activiste des Droits de l’Homme, il sera accusé de financer des groupes terroristes et ce transfert d’argent via Western Union constituera la preuve suprême. Quelle que soit l’importance du montant, généralement dérisoire (qui ne dépasse généralement pas la centaine d’euros ou de dollars), les services secrets de Paul Kagame qui montent ces dossiers n’en ont cure : eux seuls croient connaître le secret de comment avec cent dollars un paysan étroitement surveillé peut à partir d’une colline rwandaise recruter une armée, l’entraîner, l’équiper de matériel et d’armes sophistiquées pour finalement lancer l’assaut et renverser le FPR ! Tout ça avec 100 dollars envoyés par une connaissance vivant en exil en Europe ou en Amérique. L’objectif du régime n’étant pas de démontrer la faisabilité de l’entreprise criminelle prêtée aux opposants, mais de les condamner sommairement mais lourdement, pour ceux qui sont arrêtés au Rwanda, ou de les discréditer à jamais pour ceux qui sont en exil. Il lui suffit de les présenter comme faisant partie des objectifs poursuivis par la croisade des temps modernes à savoir : la lutte contre le terrorisme. Aux yeux du régime de Paul Kagame, sont donc tous « terroristes » au même titre que Ben Laden, ces hommes ou ces femmes qui, après avoir gagné quelques euros ou dollars en Europe ou en Amérique à la sueur de leur front, en envoient une dizaine aux frères restés en Afrique pour, soit les aider à payer la scolarité des enfants, soit les soutenir dans un petit projet commercial.

M. Paul Rusesabagina vient de l’apprendre à ses dépends. Dans l’édition du samedi 16 octobre 2010, le quotidien pro-FPR The New Times révèle que le héros de « Hotel Rwanda » est visé par une enquête criminelle et que les services de polices détiennent plusieurs documents montrant qu’il finance un groupe terroriste, celui-là même que Victoire Ingabire est accusée d’avoir mis sur pied. Les autorités des USA où vit Paul Rusesabagina auraient même été averties qu’elles hébergent un « terroriste ». Les « preuves » que la police qualifie d’ « irréfutables » ne sont autres que des traces de transfert d’argent que Rusesabagina aurait effectué via Western Union à partir des Etats Unis et en faveur de deux ex-combattants des FDLR comme par hasard, récemment arrêtés au Burundi et actuellement détenus au Rwanda où ils doivent entre autres choses charger Victoire Ingabire des mêmes faits.

Cependant, le porte-parole de la Police ne dit pas si ces « repentis » connaissaient auparavant Paul Rusesabagina ou s’ils ont eu d’autres contacts en dehors de Western Union. D’ailleurs, le même pote- parole ne nous dit pas par quel procédé ils sont parvenus à interpréter les pseudonymes inscrits sur les extraits de virement de Western Union et conclure qu’il s’agissait bien de leurs précieux détenus Noël Habiyambere et Tharcisse Nditurende. En toute logique, les détenus ont tout simplement admis que ce sont eux qui se faisaient appeler Lambert Mbanga Mbanza et Murinde. Dans le système judiciaire de Paul Kagame, les aveux sont courants et « spontanés ».

Voici maintenant que l’entreprise de transfert de fonds bien connue Western Union est embarquée dans des affaires de chasse à l’homme initiées par une dictature sanguinaire qui n’hésite pas à couper à certains de ces citoyens des fonds qu’ils recevaient de leurs parents vivant  en exil. En effet, selon le régime de Paul Kagame, seule la diaspora dite « positive », entendez par là les membres du parti FPR au pouvoir ou les agents des services secrets disséminés à l’étranger, ont le droit d’envoyer de l’argent aux leurs, le reste est à considérer comme « activité terroriste » et réprimée comme telle. Western Union est disposée à participer à cette répression.

Face à ce chantage que Kagame entend exercer sur le menu peuple dont beaucoup sont  des proches des opposants restés au pays, en les privant de toute assistance, eux qui étaient déjà marginalisés, la société Western Union devrait aussi être interpellée pour qu’elle clarifie les choses. A-t-elle signé avec la dictature un pacte pour lui fournir des renseignements concernant les envois de fonds des exilés notamment des opposants bien connus que le régime de Paul Kagame veut faire taire en les accusant de terrorisme ?

Jusqu’à quand au nom de la lutte contre le terrorisme les dictateurs les plus sanguinaires de la terre comme Paul Kagame continueront à opprimer les démocrates et leurs opposants en les assimilant aux terroristes, sans que ni la presse ni la communauté internationale ne lèvent le petit doigt et donnent l’impression que tout est permis au nom de la lutte contre le terrorisme ?

Emmanuel Neretse
17/10/2010

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