Les interférences constantes du FPR dans la vie politique burundaise
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Tout au début de la guerre lancé par le FPR en octobre 1990,ce mouvement a bénéficié du soutien des milieux burundais en alimentation en armes et en combattants recrutés parmi les jeunes provenant des milieux réfugiés rwandais au Burundi et de l’entraînement de ces recrues dans deux camps militaires en province de Kirundo.

Paul KAGAME n’accepta guère l’avènement du Président NDADAYE en 1993 qui entraîna la fermeture de l’émetteur de Radio Muhabura dans les faubourgs du Bujumbura et le tarissement des aides et des points d’appui du "flanc sud" de sa prise en étau du Rwanda.

Les missions discrètes de KAGAME au Burundi auprès des cercles putschistes de l’UPRONA et de l’armée qui escomptaient plus que jamais la conquête du pouvoir au Rwanda par le FPR, sont épinglées.

La milice du FPR ou son fer de lance, constituée par les "Inkotanyi", du nom des guerriers valeureux de la période monarchique précoloniale, servait de modèle aux adolescents et étudiants issus des milieux rwandais exilés au Burundi après la révolution sociale de 1959. Elle inspirait également leurs condisciples burundais qui rejetaient l’avènement de la démocratie, ce qui signifiait pour eux la fin de leurs privilèges socio-culturels …

Désoeuvrés en raison des troubles et de la suspension des cours dans l’enseignement secondaire et supérieur, tous ces jeunes vont former les milices "sans échecs" et "sans défaites" qui deviendront les supplétifs officieux de l’UPRONA et des militaires putschistes et se livreront dans la capitale à une chasse aux cadres hutu et aux partisans du FRODEBU, ainsi qu’aux opérations "ville morte".

C’est dans ce chaudron de Bujumbura, autour de cercles intellectuels radicaux comme l’hebdomadaire "Carrefour des idées" et de groupuscules politiques comme le RADDES, que s’affinera l’idéologie du FPR.

A l’instar de l’opposition au FRODEBU, le Front Patriotique Rwandais oppose à la démocratie du nombre (un homme = une voix) qui se confond "automatiquement" dans les anciennes monarchies des Grands Lacs avec la domination de la majorité ethnique, "la démocratie des idées", en réalité la démocratie imposée du haut par les despotes éclairés de "l’unité nationale" et de la "bonne gouvernance".

Les étudiants upronistes qui organisèrent des marches de protestation au lendemain des scrutins de mai et juin 1993, portaient des pancartes avec les slogans significatifs : "Non à des élections-recensement ethnique" ou "Démocratie n’est pas ethnocratie".

Ces slogans étaient contredits par la place non négligeable de personnalités tutsi de premier plan telles le futur ministre Jean-Marie NGENDAHAYO ou le vice-président du parlement Christian SENDEGEYA, expression des "Tutsi du tiers monde", parmi les élus FRODEBU …

Les stratèges tant du FPR que de l’UPRONA sont bien conscients du processus répétitif enclenché par les agressions armées dans leurs deux pays surpeuplés : elles annoncent de nouveaux massacres comme ceux de 1972, de 1988 et de 1991 au Burundi (mais aussi ceux de 1992 et février 1993 au Rwanda). La crainte de ces tueries ou de ces coups de forces se transforme alors en une réaction aveugle pour "devancer l’ennemi" en exterminant les voisins appartenant au groupe ethnique des attaquants.

Les mises en garde publiques de l’IDC à propos des interférences du FPR dans le déclenchement du putsch et dans la crise burundaise et régionale provoquent une réaction virulente de KAGAME :

– son porte parole en Europe, Jacques BIHOZAGARA, voit dans ces mises en garde de l’IDC "un plan exécuté par la CDR", […]
– il charge ensuite son avocat Siméon RWAGASORE, futur Procureur général à Kigali, de mettre en demeure l’Internationale de se rétracter publiquement au sujet de la "prétendue" implication du chef militaire du FPR dans le coup d’Etat, sous peine d’un procès en diffamation, et de verser des dommages et intérêts aux familles de réfugiés rwandais victimes de la guerre civile au Burundi.
Une rencontre de conciliation avec la délégation FPR composée de Siméon RWAGASORE et Jacques BIHOZAGARA a lieu le 24.11.1993 au siège de l’IDC, mais tourne vite au dialogue de sourds : les délégués FPR se sentent en mesure de dicter leurs exigences judiciaires et laisse l’impression très nette que Paul KAGAME poursuit sa stratégie de prise de pouvoir et qu’en ce sens la déstabilisation de la démocratie burundaise lui crée une conjoncture favorable.

Malheureusement, les délégués de Paul KAGAME ne mettent pas à exécution leur menace de procès en diffamation et en réparation, évitant ainsi un débat public et contradictoire et une clarification des véritables options du FPR derrière les accords d’Arusha.

Les prétentions du FPR à l’égard d’une IDC trop curieuse sont cruellement démenties dans les sphères officielles :

– l’ambassadeur rwandais à Bujumbura Sylvestre UWIBAJIJE (issu de l’opposition PSD) adresse le 30.11.1993 un rapport alarmant au gouvernement de transition : celui-ci confirme l’entraînement continu des jeunes réfugiés rwandais par des militaires burundais retraités, avec le soutien du président-fondateur du parti royaliste PRP, Mathias HITIMANA, trafiquant d’armes notoire. Il révèle en outre la mission de Privat RUTAZIBWA chargé par les dirigeants du FPR d’enrôler ces jeunes réfugiés dans l’APR "pour la guerre imminente et décisive que celle-ci compte lancer contre l’armée rwandaise" (tandis que celle-ci se prépare à démobiliser une partie de ses effectifs dans la perspective de la fusion des FAR et de l’APR).

– le premier ministre transitoire Agathe UWILINGYIMANA fait l’objet de pressions du FPR à propos de l’appui au gouvernement démocratique du Burundi, représenté à Kigali par le ministre Jean MINANI et à propos de l’aide aux 350.000 réfugiés burundais accueillis dans le sud du pays.

A. UWILINGYIMANA confie à la journaliste Colette BRAECKMAN tout début décembre 1993 qu’elle a pris la décision de ne pas assister aux funérailles de Melchior NDADAYE le 6.12.1993, « car elle estime que sa sécurité ne serait pas assurée ».

Elle lui exprime ensuite ses craintes sur l’emprise dangereuse du putsch dans le processus pacifique d’Arusha au Rwanda et souligne son intervention personnelle dans les camps de réfugiés burundais, afin d’y vérifier l’absence d’entraînement militaire : elle y fait même arrêter des cours de gymnastique. Enfin, elle constate que réel que ceux-ci « ouvrent un nouveau front dans le sud, alors qu’après trois ans de guerre nous nous acheminons difficilement vers la paix».

La succession du Président NDADAYE soulève des blocages constitutionnels dans le chef d’une magistrature soucieuse de conserver l’ancien régime UPRONA.

La Cour constitutionnelle partisane n’hésite pas à paralyser les jeunes institutions démocratiques et à subordonner toute remise en place de la présidence de la République aux préalables de l’armée et de la direction de l’UPRONA.

Sylvestre NTIBANTUNGANYA, investi à la présidence du parlement, est obligé de négocier en position de faiblesse avec le "Collectif des Partis d’Opposition" (CPO). L’impression dominante à l’extérieur d’un coup d’Etat "manqué" et l’absence de protection internationale effective des autorités légitimes sur place se conjuguent avec le spectacle médiatisé des violences civiles et d’une capitale paralysée par les opérations "ville morte".

D’une façon insensible, le monde politique et l’administration se voient replacés sous la tutelle implicite de l’armée et des cercles putschistes de l’UPRONA.

Malgré le mandat clair reçu des électeurs, le FRODEBU est ainsi amené à partager le pouvoir avec le Collectif des Partis d’Opposition.

Il faut attendre le 4 février 1994 pour que le plus proche compagnon de Melchior NDADAYE et ministre de l’agriculture Cyprien NTARYAMIRA soit investi à la présidence de la République.

Ingénieur agronome et homme de terrain, il est déterminé en tant que nouveau chef des forces armées à réformer celles-ci, en arrachant définitivement cette épine dans le pied de la démocratie burundaise : il sait que cela peut être pour lui une "mission suicide".

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