Au Rwanda, le statut de « rescapé » confère au détenteur de la carte ad hoc de tous les avantages socio-économiques et financiers.
Dans le domaine de l’éducation, l’enfant « rescapé » étudie gratuitement au niveau primaire et secondaire. Il a une bourse pour ses études supérieures et universitaires. Il bénéficie des aides du Fonds d’Aide aux Rescapés du Génocide (FARG) pour l’achat du matériel scolaire. Le « rescapé » a une mutuelle gratuite pour les soins médicaux. Il a une maison mise à sa disposition, etc. Dans les services publics, il est servi prioritairement.
Or quand on sait que le « rescapé » = le Tutsi, tout devient clair. Au Rwanda où les ethnies sont bannies, il n’y a que deux catégories de citoyens. Les rescapés du génocide contre les Tutsi et les Hutu.
Comme le « rescapé » a tout ce qu’il lui faut, il n’y a que le Hutu qui doit remuer ciel et terre pour trouver l’argent pour payer les frais de scolarité de ses enfants. Pour des études supérieures, c’est la même galère. Pour la mutuelle, il doit trouver l’argent pour sa cotisation. La mutuelle de santé est obligatoire. Pour toute famille incapable de payer cette mutuelle, elle se voit dépouillée de tous ses biens qui sont ensuite vendus aux enchères.
Au point de vue économique, des mesures ont été prises par le pouvoir en vue de réduire drastiquement le pouvoir d’achat du Hutu. L’homme d’affaires hutu se voit mettre les bâtons dans les roues jusqu’à ce qu’il ferme boutique.
Cette situation est vécue quotidiennement par une partie de Rwandais, devenus citoyens de seconde zone, mais personne n’en parle sous peine d’être condamné pour « idéologie génocidaire ».
Durant les cérémonies de commémoration du 15e anniversaire du génocide, le président d’Ibuka, section Belgique, a, dans son discours, affirmé que tous les Tutsi étaient des rescapés du génocide. Ses propos furent fustigés par une certaine partie de l’assistance, non pas parce qu’elle contestait ce fait, mais parce l’orateur venait de révéler le secret bien gardé du système FPR.
Il ne croyait pas si bien dire. Le journal pro-gouvernemental igihe.com du 08/09/2015, a publié des propos scandaleux du secrétaire exécutif du « Fonds d’aide aux rescapés du génocide » (FARG), un certain Théophile Ruberangeyo. Celui-ci a présenté un rapport des enfants qui ont bénéficié du financement du FARG alors qu’ils ne le méritaient pas.
Selon une enquête du FARG, 17.000 enfants ont « triché ». Une seconde vérification a ramené le chiffre à 3000 unités. Selon Ruberangeyo, « ces tricheurs » ont usurpé le statut de « rescapé » et sont passibles de peines prévues par la loi réprimant l’idéologie du génocide.
En lisant entre les lignes des déclarations de Ruberangeyo, ces enfants n’étaient pas de bons « Tutsi ». Des enfants d’une mère tutsi dont le mari était hutu, des enfants orphelins, dont les parents sont des victimes des tueurs du FPR,… Ce qui est certain, il a fallu un travail de fourmi pour arriver à dénicher les « tricheurs », une longue recherche généalogique. Les associations des étudiants rescapés du génocide qui font la loi dans les écoles secondaires et dans les campus universitaires, ont été mises à contribution.
Les chiffres avancés par Ruberangeyo montrent qu’un enfant qui n’a pas cette aide ne peut pas s’en sortir : le FARG paye 600.000 Frw par an pour un enfant qui fait des études supérieures et 270.000 FRW pour le secondaire. Le paysan rwandais n’est pas capable d’avoir cet argent surtout quand on sait que la durée des études supérieures est de 4 ans et que celle des études secondaires est de 7 ans. Ceci étant, il est éclair que ce sont les « rescapés », entendez les Tutsi, qui font des études, les enfants hutu étant bloqués par cette « ségrégation légale » comme du temps de l’apartheid en Afrique du Sud.
L’histoire se répète. Dans les années 1956-1959, durant le régime féodo-monarchique, alors que les Tutsi n’étaient que 15´% de la population, ils représentaient 80% dans les écoles primaires et secondaires.
Jane Mugeni
12/09/2015