Peut-on contrôler la RDC sans passer par Kigali et Kampala ?
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Rubrique : Actualité
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Publié le 13 Oct 2015 par Mathias Ikem

De la gâchette de revolver dont parlait Frantz Fanon, la RD Congo est devenue un état périphérique dont le centre est à la fois Kigali et Kampala. L’avenir de ce pays se décide dans ces deux capitales ? Qu’il s’agisse de sa déstabilisation par les groupes armés locaux et/ou étrangers ou du pillage des richesses du Congo. Rien n’échappe à ces deux voisins encombrants. Et comble, tous les désordres qu’ils créent se règlent en terre ougandaise selon l’adage africain qu’en confiant son enfant au sorcier, il lui sera difficile de le manger. Malheureusement, le sorcier est parvenu à envoûter l’enfant qu’on lui a confié, faisant de lui un autre sorcier.

Situé au cœur de l’Afrique, le Congo n’arrive pas à être cette locomotive qui doit jouer le rôle qu’on attend de lui. Géopolitiquement, ventre mou de la région, il subit toutes sortes de pressions de ses voisins de l’Est. Il est tiraillé et tenaillé entre l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Est comme l’attestent des organisations régionales telle la COMESA, la SADC…Bref, c’est une gâchette qui est à la solde d’autres Etats pour avoir raté sa vocation d’exporter la paix, la sécurité et le développement en Afrique. On avait cru naïvement un moment qu’avec l’aéroport de Kisangani, les Etats-Unis s’organiseraient à installer une base militaire qui leur permettrait d’avoir un œil sur la Somalie, le Sud-Soudan et le Kenya. Il semble qu’ils n’avaient pas trouvé des interlocuteurs valables capables de les convaincre de cette opportunité.

Ayant perdu le monopole de la violence qu’elle se dispute avec différents groupes armés sur son territoire, la RD Congo est restée un Etat grabataire qui a vu son sort  confié à des prestidigitateurs et autres Etats clients qui s’y emploient avec toute la mauvaise foi à son chevet.

La RDC est restée un Etat périphérique

Notre pays, tout en étant au cœur de l’Afrique, est la périphérie de toutes les organisations  régionales. Les services que l’Etat vend au centre notamment à l’Ouest du pays ne sont pas aussi bénéfiques dans la périphérie qu’est l’Est. Or, la force de l’Etat réside dans l’offre des services. Kinshasa dans son incapacité de gérer l’Est, les périphéries construisent leur considération au-delà des frontières qui offrent mieux. Et cette situation de faiblesse profite aux entrepreneurs des conflits.

Un Etat faible se caractérise par une désorganisation à l’intérieur, souvent en proie à des tensions interethniques, incapable de conduire un développement économique suffisant. Les dirigeants congolais n’ont pas su ni pu définir une nouvelle politique de construction des infrastructures moins extraverties qui ramènent les centres d’évacuation de nos richesses à notre portée. La valeur ajoutée de nos richesses ne nous appartient pas puisqu’avec cette politique coloniale, les ressources naturelles du Congo vont à l’extérieur et échappent totalement au pays. Le corridor nord-est partant de Dar-es- saalam et de Mombasa récupère toutes les richesses de l’Est de notre pays.

Aujourd’hui plus qu’hier, avec le réveil économique de l’Asie, nos voisins de l’Est regardent vers l’océan indien et nous y entraînent de force à faire comme eux. La RD Congo se retrouve à la confluence de beaucoup de dynamiques et se trouve au centre avec beaucoup de responsabilités, de risques et de convoitises. Curieusement, elle semble ne pas en être consciente.

Kampala et Kigali, des parrains gloutons

Le général Bosco Ntaganda et ses hommes (photo Nicaise Kibel’bel Oka)

Le général Bosco Ntaganda et ses hommes (photo Nicaise Kibel’bel Oka)

Le Congo est géré par ceux qui l’ont enfanté, à savoir les Etats-Unis d’Amérique.  A travers le commerce et l’humanitaire. Comment contrôler la RD Congo sans passer par Kigali et Kampala ? La question vaut son pesant d’or. A travers des guerres à répétition confiées à Kampala et Kigali via l’AFDL et le RCD, les Etats-Unis ont infiltré nos forces de défense et  de sécurité selon le principe : « lorsque vous formez l’armée du voisin, vous le contrôlerez à tout moment. A temps et à contretemps ».  Est-il possible aujourd’hui pour les Américains et les Britanniques (Tony Blair est le conseiller personnel de Paul Kagame) de traiter les affaires de la RD Congo sans insinuer et faire allusion au Rwanda et à l’Ouganda ? Sans évoquer la crainte d’un nouveau génocide des Tutsi ?

Car, pour certains analystes, en 20 ans de pouvoir à Kigali, le régime Kagame n’a pas réussi à bâtir un Rwanda réconcilié avec ses deux maux qui sont l’exclusion et la haine ethnique ; deux maux qui ont donné prétexte d’envahir le Congo, permettant à l’APR de poursuivre le conflit et d’entretenir ainsi  la violence dans les collines du Kivu.

La crainte de voir leur échapper le contrôle de fabuleuses richesses de ce Congo stratégique a poussé l’impérialisme américain à donner feu vert à nos deux voisins pour envahir et occuper notre pays. Paul Kagame a exécuté avec brio la mission lui confiée d’imposer une suprématie au niveau régional, d’implanter le système anglophone dans la région et d’exploiter économiquement l’Est du Congo. Faut-il aujourd’hui continuer avec lui ? Si oui (ce qui est malheureusement le cas), faut-il encore lui confier les intérêts américains au Congo ? Pourquoi ne pas traiter directement avec des Congolais ? N’y-a-t-il pas de Congolais capables de financer le déficit américain et de garantir les intérêts américains au Congo ? Comment expliquer que les Américains n’aient pas confiance aux Congolais dans le pillage des richesses de notre pays ? Ne vaut-il pas mieux piller le Congo avec des Congolais que de le faire avec des Rwandais et des Ougandais qui ont assujetti tout l’Est du pays avec une logique de violence armée ?

Nos deux voisins utilisent les groupes armés, et donc la violence armée, pour piller mettant notre armée en reconstruction en état de tension et de stress continuels et rendant ainsi tous les efforts de reconstruction de l’Est du pays nuls.

Il revient aux Congolais de comprendre l’importance de ce beau et riche pays avec sa destinée mondiale. Autrement…

Mathias Ikem

[Extrait de : Les Coulisses n°280 octobre 2015. Nicaise Kibel’bel Oka, Rédacteur en chef]

 

Un commentaire

COMMENTS

Kalisa / 14 octobre 2015 à 11 h 22 min

C’est connu, le Congo (DRC) est un scandale géologique qui attire la convoitise des grandes puissances y compris la Chine et la Russie! Mais voilà tout est fait pour diviser pour régner, les congolais sont bons en dance, musique , football … ne leur demandez-pas de faire la guerre! ce n’est pas dans leurs veines. L’armée Congolaise est infiltrée par des rwandais à partir du sommet jusqu’à la base.La question de savoir pourquoi les américains préfèrent de passer par la petite porte(Rwanda et Ouganda) reste pertinente.

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