Dans son discours du 12/3/2016 lors de l’ouverture de la 13è rencontre des cadres de l’Etat rwandais à Gabiro, le président Paul Kagame a longuement évoqué le problème des « enfants de la rue » et s’est demandé pourquoi il n’était pas résolu.
Pour lui, ce phénomène souille l’image du pays car des étrangers qui visitent le Rwanda ont l’impression que les autorités politiques ne s’occupent pas de l’encadrement de la jeunesse. Il a posé la question de savoir pourquoi ces enfants n’étaient pas conduits dans le camp érigé à l’ile Iwawa dans le lac Kivu.
Qui sont ces enfants de la rue ?
Après la prise du pouvoir par le FPR en juillet 1994, des aides massives ont afflué pour venir en aide aux veuves et aux orphelins. Les bénéficiaires étaient et restent des organisations mises sur pied avec l’aide du nouveau pouvoir dont FARG (Fonds d’aide aux rescapés du génocide), AVEGA (Association des Veuves du génocide Agahozo), AERG (Association des étudiants rescapés du génocide),… Elles encadrent entre autres les enfants orphelins « rescapés du génocide » : payement des frais de scolarisation et du matériel scolaire, construction des maisons d’habitation,…
Une autre partie des enfants, « rescapés des massacres du FPR », sont des laissés-pour-compte. Ils sont dans la rue. Certaines organisations caritatives ont pris leur courage à deux mains et ont fondé des orphelinats en vue de venir en aide à cette autre catégorie d’orphelins. Mais le « FPR originel », qui dirige le pays sous une politique sournoise de racisme, décréta que tous les enfants doivent être encadrés par leur famille et procéda à la fermeture tous les orphelinats. Les enfants sont déversés dans la rue car n’ayant souvent pas de parents, ni proches, ni éloignés, pour les accueillir. Mais le pouvoir les tient à l’œil. Il ne manque pas d’imagination pour appliquer sa politique criminelle. Une prison secrète est trouvée : l’île d’Iwawa dans le lac Kivu, au large de la ville de Gisenyi au nord du pays. Un vrai camp de concentration. Son existence a été dévoilée par un journaliste d’investigation du The New York Times en mai 2010. Très vite le gouvernement rwandais publia un démenti qu’il s’agissait d’un camp de formation pour les jeunes désœuvrés.
Dans ce camp, les pensionnaires y subissent des bastonnades et autres mauvais traitements, voire des décès suspects, par noyade, loin des regards indiscrets.
La première génération des orphelins du FPR est constituée maintenant de jeunes adultes. La presse rwandaise a montré récemment de jeunes mamans, ayant élu domicile sous des ponts et dans des caniveaux, avec des enfants qui, la journée, sillonnent la ville de Kigali pour chercher de quoi manger. Ils sont dans le collimateur du pouvoir qui fait tout pour « les éradiquer ». Oda Gasigwa n’y est pas parvenue. Il y a sans aucun doute des consignes qu’elle n’a pas respectées, celles de réduire cette jeunesse à sa plus simple expression.
Une ségrégation en règle a été érigée entre les orphelins rwandais. En 2012, un journal canadien écrivait : « Les orphelins hutus de la tragédie de 1994 sont abandonnés à leur triste sort contrairement aux orphelins tutsis, qui sont pris en charge par le Fonds d’aide aux rescapés du génocide ». Ces autres orphelins, des « sales gamins », sont bons pour des camps de concentration comme l’Ile Iwawa. Le président Paul Kagame a été clair dans son discours ci-haut cité : même si l’île Iwawa est pleine, il aurait fallu trouver un autre endroit pour cacher cette misère que constitue les enfants de la rue.
Voilà pourquoi Oda Gasinzingwa a démérité. Attendons voir les prouesses du docteur Diane Gashumba, la nouvelle ministre de la famille.
Jean-Jacques Karamira