Dans le cadre d’enrichir le débat sur les ethnies et les clans et leur interconnectivité, nous vous présentons ci-après le texte du Professeur Paul Serufiri Hakiza de l’Université de Kinshasa intutulé : « Ethnonyme et glossonyme. Les Bahutu du Nord-Kivu et le Kihutu. Contribution à un débat ». [ETHNONYME ET GLOSSONYME Bahutu du Congo_serufiri]
Il date de 2007 et a le mérite d’éclairer, sous un autre angle, la problématique des ethnies et des clans dans la région des Grands Lacs.
Il y aura bientôt trente ans que les Bahutu du Nord-Kivu, spécialement ceux du territoire de Rutshuru, ont entrepris de s’interroger profondément sur leur identité en tant que groupe ethnique. C’est dans ce cadre qu’ils se posèrent des questions sur la langue que durant des générations d’autres personnes se sont habituées à leur attribuer et que beaucoup d’entre eux avaient acceptée spontanément et intériorisée par habitude, par entraînement ou par ignorance.
A partir de l’année 1980, cependant, ils ont sassé et ressassé la question de savoir pourquoi, contrairement à la majorité d’autres ethnies à travers le monde, il y a une discordance entre leur ethnonyme et le glossonyme qu’on leur attribue. Nous constatons, en effet, que dans le monde entier il y a normalement concordance entre l’ethnonyme et le glossonyme. C’est ainsi que les Italiens parlent l’italien, les Arabes l’arabe, les Espagnols l’espagnol, les Russes le russe, les Anglais l’anglais, les Néerlandais le néerlandais, les Bahunde le kihunde, les Banande le kinande, les Bashi le mashi, les Baganda le luganda, le Nkundo le lonkundo, les Bakongo le kikongo, les Batetela l’otetela, les Bahemba le kihemba, etc. Mais comment comprendre la discordance entre l’ethnonyme « Bahutu » et le glossonyme « kinyarwanda » ? En d’autres termes, pourquoi n’y a-t-il pas de concordance entre l’ethnonyme « Bahutu » et le glossonyme correspondant à savoir le « kihutu »?
C’est à cette interrogation de toute la communauté hutu de la République Démocratique du Congo que cet article voudrait tenter d’apporter des éléments de réponse. Mais, comme l’écrit Jean CHESNEAUX : Un texte ne doit pas « tout à son auteur et rien à d’autres…L’auteur n’est qu’un relais, l’écriture n’est qu’un reflet. Un texte, et c’est ce que celui-ci se propose, peut aider à poser les problèmes, à les faire mûrir. Mais ses informations, ses analyses, ses questions n’ont pu être formulées et dégagées par l’auteur que parce qu’elles existaient déjà dans la conscience collective de façon diffuse, parce qu’elles étaient produites par une pratique sociale ».
Notre exposé qui n’est pas la première réflexion sur ce sujet, comme nous le verrons plus loin, comprendra trois points. D’abord une brève présentation des Bahutu du Nord-Kivu, ensuite l’historique de la langue Kihutu et, enfin, le phénomène appelé la rwandophonie. Une brève conclusion clôturera l’exposé.
Intégralité du texte : ETHNONYME ET GLOSSONYME Bahutu du Congo_serufiri