Maître John Philpot annonce le décès du Colonel Théoneste Bagosora
Chères(chers) ami(e)s
Je vous écris concernant le décès de M Théoneste Bagosora le 25 septembre dernier dans un hôpital de Bamako, Mali.
C’était un homme honorable qui est tombé dans le combat contre le Front patriotique rwandais. C’est le Tribunal pénal international pour le Rwanda qui est intervenu dans le combat et l’a condamné à 35 ans de prison. Dernièrement, le Président du Tribunal (Le Mécanisme qui a remplacé le Tribunal), le juge Carmel Agius a refusé sa mise en liberté au 2/3 de sa peine même s’il savait l’âge avancé de M Bagosora.
M Bagosora mérite d’être honoré par son peuple qui souffre de la dictature de Paul Kagame.
Tous les médias crient de M Bagosora était le cerveau du génocide. Pourtant, le Tribunal aurait dépensé plus qu’un milliard de dollars et n’a trouvé aucune planification du « génocide ». Quant à M Bagosora, défendu avec rigueur par Me Raphaël Constant de la Martinique, le Tribunal ne l’a pas trouvé coupable de planification, d’organisation de génocide ou de tueries ni d’actes personnels pour tuer des gens. Il a été trouvé coupable pour négligence envers ses subordonnés allégués pour quelques jours suivant l’assassinat du Président Habyarimana le 6 avril 1994. Il n’aurait pas fait ce qu’il devait faire pour empêcher des assassinats.
Le médias de masse sont paresseux et ignobles qui ne font pas leurs devoirs et se permettant de relayer les mythes mensongers propagés par le FPR et l’Occident.
J’ai eu l’honneur de connaître ce grand homme qui ne voulait pas terminer ses jours en prison. Je l’ai vu à plusieurs reprises dans la prison au Mali et c’était toujours un plaisir de le rencontrer. Il vivait dignement dans la situation injuste. J’ai eu l’honneur de connaître sa famille formidable dont il était très fier.
Le Réseau transmette les condoléances à cette grande famille qui l’aimait et qui le rendait visite souvent.
Nous savons de plus que le traitement des prisonniers âgés du TPIR dans les geôles de l’ONU est inadéquat tant au niveau des soins médicaux qu’au niveau des conditions de détention pour les vieilles personnes. Cela doit changer.
John Philpot, Président, RAPPR
27/9/2021
Hommage par des prisonniers rwandais de Koulikoro au Mali
Koulikoro, le 09/10/2021
Les prisonniers rwandais de l’ONU Quartier pénitentiaire du MTPI
Maison d’Arrêt et de Correction de Koulikoro BP, 37 KOULIKORO
RÉPUBLIQUE DU MALI
À
La famille de feu Colonel Théoneste Bagosora
Objet : Condoléances à la famille de feu Colonel Théoneste Bagosora.
Nous, les prisonniers rwandais du Quartier pénitentiaire du TPIR/MTPI de Koulikoro, en République du Mali, avons été profondément affligés par la perte inattendue de notre frère, ami et compagnon de lutte, le Colonel BEMS Théoneste Bagosora, survenue le 25 septembre 2021, à la Clinique chirurgicale SMCE-SIRAMANA à Bamako.
Nous nous joignons à la grande famille de notre grand frère Théoneste Bagosora, à sa très chère épouse Isabelle, à ses très chers enfants et petits-enfants, à ses sœurs, neveux et nièces, pour partager avec eux la grande douleur qu’ils vivent en ce moment, à la suite du décès du père de famille, du grand père, du frère, de l’oncle ou tout simplement d’un ami. Nous nous joignons à tous les amis et à toutes les connaissances de la famille pour prier notre Seigneur, de bien vouloir l’accueillir dans son royaume.
N’en déplaise à ceux qui, si fallacieusement, lui ont prêté la fausse image de « cerveau du génocide », qu’a propagée l’intense campagne d’intoxication et de désinformation animée par les envahisseurs du Rwanda depuis le 01 octobre 1990, en entraînant le pays dans une guerre criminelle qui atteignit son point culminant avec le génocide d’Avril-juillet 1994, le colonel Théoneste Bagosora est une grande figure rwandaise qui nous quitte !
Il sied de constater qu’à l’aube de la Révolution sociopolitique de 1959-1962, alors que beaucoup d’autres de sa génération auraient plutôt préféré poursuivre leurs études, le jeune Théoneste Bagosora, poussé par son esprit patriotique, s’est engagé dans les services de défense et de sécurité de la jeune République menacée par la Rébellion terroriste INYENZI. Depuis lors, pendant toute sa carrière, son courage, sa bravoure, son amour de la patrie ne lui ont jamais fait défaut.
Le Colonel Théoneste Bagosora a encore prouvé ses grandes qualités d’engagement et de patriotisme, pendant la guerre criminelle imposée par la coalition NRA/FPR/APR contre notre très chère patrie, le Rwanda, depuis le 01 octobre 1990. Au moment où cette même coalition avait planifié de prendre la ville de Kigali dans les trois jours à compter de la date de l’invasion, le Colonel Bagosora, alors commandant du grand camp militaire de l’Armée rwandaise de Kanombe, réussit à déjouer leur plan. Voilà pourquoi cette guerre a duré plus de quatre ans !
Le Colonel Bagosora a participé aux négociations de paix entre les belligérants, qui se sont déroulées à Arusha, en Tanzanie, sous l’égide de l’ONU. Il a alors constaté que le FPR/APR avait son plan de conquête totale du pouvoir, qu’il s’est efforcé de dissimuler dans les différentes phases de la négociation de I’ Accord de paix d’Arusha signé le 04 août 1993. De fait, le FPR/APR n’a cessé de violer tous les accords qu’il a signés, y compris l’Accord de cessez-le-feu signé à Dar-Es-Salam, le 07 mars 1993. Dans la suite, l’installation du cheval de Troie à Kigali le 28/12/1993 a permis au FPR/APR, la finalisation de son plan de génocide et de prise totale du pouvoir au Rwanda.·
L’avion du Président Juvénal Habyarimana, a été abattu le 06 avril 1994, vers 20 heures 30, par deux missiles tirés à partir d’un poste de tir aménagé à Masaka, en Commune Kanombe, par des éléments de I’APR et leurs sponsors. C’est ce criminel attentat qui a donné le signal de déclenchement de l’offensive finale du FPR/APR en pleine capitale Kigali, dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, et du génocide tant voulu par ces terroristes depuis 1964.
C’est dans cette période exceptionnellement tragique, que feu colonel Théoneste Bagosora a alors engagé des actions décisives qui ont sans doute sauvé beaucoup de vies humaines
1. Le Colonel Bagosora a participé à la réunion des officiers de commandement à l’EM/AR.
En sa qualité de Directeur de cabinet du Ministre de la Défense nationale, représentant alors le Ministre de la Défense nationale qui était en mission à l’étranger, il a participé à la réunion des officiers de commandement, convoquée à l’initiative du Général Ndindiliyimana Augustin, à l’État-major de l’Armée rwandaise, après la destruction de l’avion présidentiel, le 6 Avril 1994. C’est au cours de cette réunion, à laquelle il n’était d’ailleurs pas invité, qu’une fois de plus, par ses capacités d’analyse des situations, il déjoua les plans des assaillants et de leurs sponsors.
Dans cette réunion, il fut demandé au Général Roméo Dallaire, le Commandant en chef des forces de la MINUAR, de déployer les forces de la MINUAR dans tous les quartiers de la ville de Kigali pour rassurer et sécuriser la population, par des patrouilles.
Il fut alors convenu une réunion des commandants d’unités et des secteurs opérationnels, le lendemain, le 7 avril 1994 à 10 heures, à l’École supérieure militaire (ESM), pour devoir associer tous les responsables de l’ordre et de la sécurité et prendre toutes les mesures nécessaires et indispensables au maintien de l’ordre et de sécurité.
2. Après cette réunion, le Colonel Bagosora est allé voir Son Excellence l’Ambassadeur Roger Booh Booh, le Représentant du Secrétaire général de l’ONU, pour l’informer sur les événements tragiques qui venaient de frapper le Rwanda.
3. Le colonel Bagosora a participé à la réunion des commandants d’unités et des secteurs opérationnels, tenue à l’École Supérieure militaire, le 7 Avril 1994 à partir de 10 heures. Dans cette très importante réunion, il fut décidé :
– la mise en place d’un comité de crise devant faire face à la crise majeure qui frappait le pays.
– le colonel Bagosora fut alors chargé de mener des négociations avec les partis politiques, qui ont abouti à un accord entre 5 partis politiques pour la formation du gouvernement intérimaire, en attendant l’adhésion du FPR/APR au projet de mise en place du Gouvernement de Transition à Base Élargie (GTBE), prévu par l’Accord de paix d’Arusha.
4. Le Colonel Bagosora, celui que le Procureur général au TPIR a désigné comme le cerveau du génocide des Tutsi au Rwanda, en avril-juillet 1994, est malheureusement victime d’une campagne médiatique abjecte et injuste. Il y a surtout le fait que le Tribunal pénal international pour le Rwanda {TPIR} l’a acquitté sur tous les chefs d’accusation, y compris et surtout le crime d’entente en vue de commettre le génocide.
Le Colonel Théoneste Bagosora ayant donc été acquitté du chef d’accusation de planification du génocide des Tutsi, n’est pas le cerveau de ce génocide des Tutsi! Cependant, le cerveau de ce génocide existe bel et bien, mais tout a été fait pour éviter de toucher à la source même de la tragédie rwandaise pour des raisons inexplicables, incompréhensibles, qui sont sans doute liées à la politique et à la géostratégie !
5. Ce sont plutôt des actes hautement humanitaires que le Colonel Théoneste Bagosora a posés entre le 7 et le 9 avril 1994. Il suffit de rappeler que le Colonel Bagosora n’a pas hésité de mettre son propre véhicule de commandement à la disposition des familles Tutsi de Kigali pour leur évacuation. Ces dernières lui en sont d’ailleurs très reconnaissantes. Un tel geste n’est pas celui du planificateur du génocide des Tutsi ! Qu’il soit par ailleurs admis que les juges de la 3ème Chambre de première instance au TPIR, à défaut de preuves de planification du génocide qu’ils auraient dû établir dans le souci de préserver l’équité des procès, ont simplement établi le constat judicaire sur base des conclusions et des qualifications juridiques manifestement fondées sur une fausse interprétation des faits.
Ainsi donc, notre grand frère, feu Colonel Théoneste Bagosora a été un modèle de loyauté, de patriotisme et de fraternité dans la vie, pour nous qui l’avons connu de près. Sa mort vient de nous arracher un patriote convaincu et un homme de bien qui, dans sa vie, s’est attaché à servir ses compatriotes et son pays.
Qu’il repose en paix, et que la terre lui soit légère !
Le Représentant des prisonniers rwandais du TPIR/MTPI à Koulikoro, en République du Mali
Akpro-Missérété, le 08 octobre 2021
A la famille du regretté Colonel BEMS Bagosora Théoneste
Objet : Témoignage des Prisonniers du MTPI au Bénin sur le regretté Colonel BEMS Bagosora Théoneste
Nous, avons connu le Colonel BEMS Bagosora Théoneste dans de diverses circonstances, plus particulièrement qui avons enduré le même calvaire avec lui à partir d’Arusha, nous avons été profondément bouleversés par sa disparition survenue le 25 septembre 2021.
Depuis cette lugubre nouvelle, nous n’avons cessé de penser à sa famille à laquelle le sinistre destin a arraché un être cher. Que sa précieuse épouse Isabelle, ses enfants et petits-enfants ainsi que tous ses proches trouvent nos marques de sympathie et de soutien dans cette cruelle épreuve.
Aujourd’hui, de tout cœur, nous nous joignons à eux pour lui rendre hommage et lui dire adieu. Quoique terrassée par cette atroce séparation, la famille devrait rester fière d’un grand homme patriote dont le nom est gravé en lettres d’or pour avoir dédié toute sa vie à la défense de notre Pays.
De peur de ne pas restituer exhaustivement son curriculum vitae au reste qu’il a éloquemment détaillé devant les juges au TPIR et qui apparaît dans son document publié au Cameroun en 1995[1], nous voudrions tout simplement rappeler que durant toute sa carrière après ses études à l ‘École des Officiers (plus tard devenue ESM) où il est entré en 1962, Bagosora fut un brillant officier qui l’a prouvé dans les différentes formations et études militaires qu’il a suivies à l’étranger et dans les différentes fonctions qu’il a exercées au sein des Forces Armées Rwandaises.
Aussitôt nommé Sous-Lieutenant en 1964, il s’est distingué sur le front durant la guerre contre les ancêtres des Inkotanyi qui n’ont jamais oublié le revers cuisant qu’il leur a infligé. Depuis lors, il n’a cessé de gravir les échelons aussi bien en grade qu’en fonction. Au déclenchement de la guerre contre le Rwanda par le FPR en octobre 1990, le Colonel Théoneste Bagosora était Commandant du Camp Militaire de Kanombe (Camp Colonel Mayuya) et du Bataillon d’Artillerie Anti-Aérien Léger (Bn LAA). C’est en juin 1992 qu’il fut nommé Directeur de Cabinet au Ministère de la Défense Nationale (MINADEF), fonction qu’il a exercée jusque mi-juillet 1994.
Le Colonel Bagosora a été nommé à ce poste de Directeur de Cabinet, au moment où la défense du pays était quasiment jetée en pâture. L’insécurité fait rage. Affaibli par la cacophonie et les luttes partisanes des partis politiques qui le composent, le gouvernement est divisé sur les problèmes fondamentaux de souveraineté (absence de politique cohérente de défense et de vision commune sur les négociations de paix à faire avec le FPR). Le FPR multiplie les opérations de déstabilisation à l’intérieur du pays (mines, grenades, assassinats, activités subversives …). Sur le front, il intensifie son offensive en vue de conquérir une portion du territoire afin de pouvoir négocier avec le gouvernement en position de force. Il est conforté dans son action par le soutien et la complicité des principaux partis d’opposition (Forces Démocratiques pour le Changement – FDC) participant au gouvernement avec qui, dans une rencontre à Bruxelles du 29 mai au 03 juin 1992, il a scellé une alliance afin de mener une lutte commune pour renverser le Président Habyarimana.
Dans leurs stratégies, ils ont décidé, entre autres, la « destruction de l’appareil dictatorial à partir de la base, commune, préfecture, administration, armée, sécurité » et « de démystifier le Président Habyarimana et son régime ainsi que d’éliminer définitivement les principes et les méthodes de l’AKAZU »[2]. Or en cette période, il n’y avait pas de régime Habyarimana car la Constitution du 10 juin 1991(article 50) stipulait que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, il dispose de l’administration et de la force armée ». L ‘Akazu quant à elle était une pure fabrication propagandiste.
Officier supérieur originaire du Bushiru comme le Président de la République, le Colonel Bagosora, qui, jusque-là, ne faisait l’objet d’aucune attaque personnelle, ne pouvait pas échapper aux griffes de la propagande déstabilisatrice décidée à Bruxelles.
C’est cette propagande qui : (l) propageât perfidement que la définition de l’ennemi par la commission mise en place en 1991 avait des intentions criminelles; (2) fut à l’origine des nébuleuses organisations criminelles telles que les escadrons de la mort, l’ Akazu, Amasasu etc., collées sans preuve aucune à certaines personnalités (dont Bagosora) pour la plupart proches du Président Habyarimana ou originaires de sa région auxquelles on attribuait les odieux forfaits généralement commis par le FPR; (3) intoxiqua, dans un tract daté du 3 décembre 1993, la MINUAR et l’opinion sur un prétendu plan machiavélique du Président Habyarimana supposément appuyé par les officiers originaires de sa région natale.
Particulièrement, la propagande contre le Colonel BEMS Bagosora prit de l’ampleur quand il fut désigné à la tête de l’équipe[3] des officiers faisant partie de la délégation rwandaise dans les négociations d’ Arusha relatives à l’intégration des Forces des deux belligérants. Pour fragiliser ses adversaires, le FPR chercha en vain tous les moyens d’écarter le Colonel Bagosora des négociations. Ayant peur d’un négociateur efficace et déterminé qui maîtrisait le très sensible dossier militaire et qui ne permettait pas au chef de la délégation rwandaise de lui faire la part belle à moindre frais, le FPR inventa de toutes pièces et propagea la rumeur que le Colonel Bagosora avait déclaré à Arusha qu’il rentrait à Kigali pour déclencher l’apocalypse.
Directement après l’attentat du 06 avril 1994, la campagne atteignit son paroxysme. Avant toute enquête et sans s’appuyer sur aucun élément objectif, le FPR et ses supporters se précipitèrent à désigner les coupables en affirmant que ce sont les extrémistes hutus dont le Colonel Bagosora en tête qui avaient tué le Président Habyarimana pour pouvoir exécuter le génocide qu’ils avaient longuement préparé. Les plus cyniques associèrent même la veuve du Président dans le complot de l’assassinat de son mari. Le FPR et ses lobbies confectionnèrent et disséminèrent dans le monde entier les listes de personnes devant être tenues pour responsables de toute la tragédie rwandaise[4].
Cette propagande s’est intensifiée après la victoire du FPR et surtout pendant les procès devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) jusqu’à étiqueter fortuitement le Colonel Bagosora comme « cerveau du génocide ».
Aujourd’hui, il est regrettable de constater qu’à l’annonce du décès du Colonel Bagosora, la même propagande ressurgisse avec un acharnement de rare intensité malgré l’existence des décisions historiques du TPIR qui ont blanchi l’intéressé sur plusieurs et non des moindres des accusations mensongères que le FPR et Procureur du TPIR avaient portées contre lui.
Plus précisément, dans le jugement du 18 décembre 2008 dans l’affaire Bagosora et ses trois coaccusés, le TPIR a écarté la planification et l’entente en vue de commettre le génocide contre les Tutsi notamment au paragraphe 2113 qui dit : « En conséquence, la Chambre affirme qu’elle n’est pas convaincue que le Procureur a établi au-delà de tout doute raisonnable que les quatre accusés se sont entendus entre eux ou avec d’autres en vue de commettre le génocide, préalablement à son déclenchement le 7 avril 1994 ».
Au début d’une longue analyse dont découle cette conclusion, la Chambre a résumé, dans le paragraphe 2085 du jugement, les éléments fondant la thèse de planification et d’entente en vue de commettre le génocide comme suit : « La Chambre relève qu’à l’appui de l’accusation d’entente par lui portée, le Procureur invoque certains éléments de preuve ou faits présumés essentiels établissant que bien avant 1994, les accusés avaient commencé à s’impliquer dans la planification et dans la préparation du génocide. À cet égard, il fait référence en particulier aux travaux de la Commission chargée de la définition de l’ennemi ainsi qu’aux réunions subséquentes de militaires au cours desquelles cette définition a été utilisée, aux propos tenus par Bagosora en 1992 à l’effet de faire savoir qu’il planifiait de déchaîner l ‘« apocalypse », aux organisations clandestines, aux mises en garde lancées par Jean-Pierre, ainsi qu’à la lettre anonyme faisant état de l’existence d’« un plan machiavélique », à la confection de listes de personnes à exécuter de même qu’à la création, à l’armement et à l’entraînement de civils. »[5]
Conformément au paragraphe 2113 ci-haut cité, toutes ces allégations ont été jugées non crédibles pour fonder la thèse de planification et d’entente en vue de commettre le génocide.
C’est ce que le Professeur Lugan affirme dans un article publié le 27 septembre 2021 en disant :« l’artificielle construction idéologique du Procureur s’est effondrée comme un château de cartes car le jugement a fait voler en éclats les bases de l’histoire officielle postulant que le génocide avait été programmé ».
Pour ce qui concerne Bagosora, non seulement les accusations de planification et d’entente pour commettre le génocide ont été rejetées par la Chambre de Première Instance mais aussi aucune implication directe dans les tueries n’a été retenue contre lui par la Chambre d’Appel. Il a été finalement condamné pour la responsabilité du supérieur hiérarchique, c’est-à-dire pour les crimes commis par ses subordonnés et cela pendant la période allant du 06 au 09 avril 1994.
A propos de l’apocalypse qui a défrayé la chronique, le Procureur qui alléguait que Bagosora avait déclaré à Arusha qu’il rentrait à Kigali pour déclencher l’apocalypse, a présenté un cadre important du FPR qui prétendait être un témoin direct des propos attribués à Bagosora. Ce témoin a été jugé non crédible. Dans le jugement du 18 décembre 2008, la Chambre a ainsi conclu : « La Chambre relève que sur la base de propos qu’il aurait tenus devant un membre de la délégation du FPR dans le cadre d’une session des négociations menées en vue de la conclusion des Accords d’Arusha, le Procureur fait valoir que dès la fin de 1992, Bagosora entendait préparer l ‘« apocalypse », la chambre fait toutefois observer qu’elle n’a pas tenu pour crédibles les éléments de preuve produits à l’appui de cette allégation . »
Dans son livre « J’ai serré la main du Diable », le Général Dallaire, ancien commandant de la MINUAR, dit que lors de son entretien du 2 avril 1994 à Mulindi avec le Général Kagame, celui-ci lui a confié que « nous étions à la veille d’un cataclysme et qu’une fois enclenché, aucun moyen ne permettrait de le contrôler ». Il poursuit en disant qu’à l’occasion d’une réception chez le contingent sénégalais de la MINUAR, le 4 avril 1994 (deux jours après la rencontre avec Kagame, ndlr), il a demandé au Colonel Bagosora « si le Président avait désigné quelqu’un pour être son dauphin ». Dallaire essaye candidement de justifier sa question que « C’est avec légitimité que je me montrais curieux de connaître le successeur, au cas où il arriverait quelque chose à HABYARIMANA ».
Deux jours après, effectivement quelque chose arrivait au Président qui mourut assassiné. Aujourd’hui, il n’y a plus l’ombre d’un doute que c’est l’attentat contre le Président Habyarimana qui a déclenché le Génocide.
Ce n’est donc pas le Colonel Bagosora qui a préparé l’apocalypse, mais c’est plutôt celui qui a annoncé et enclenché le cataclysme en assassinant le Président de la République et en rejetant irréversiblement l’Accord de Paix d’ Arusha.
C’est par un concours de circonstances, qu’en cette période, le Colonel Bagosora assurait momentanément la gestion des affaires courantes au MINADEF) suite au fait que le Ministre était en mission au Cameroun. C’est donc en cette position que le Colonel Bagosora a subi, comme les autres officiers, les événements qui se sont abattus sur le pays avec la disparition subite du Chef de l’État et du Chef d’État-Major de l’Armée Rwandaise.
Immédiatement après l’attentat, le Général Ndindiliyimana a appelé et invité le Colonel Bagosora à rejoindre les officiers qui s’étaient spontanément rendus à l’État-major de l’Armée Rwandaise. Depuis lors, le Colonel Bagosora n’a rien fait de caché. Il a agi avec l’ensemble des officiers qui se sont réunis le 6 avril à l’État-Major de l’Armée Rwandaise et le 7 avril à l’ESM pour examiner les voies et moyens de faire face à la crise. A toutes ces réunions était présent le Général Dallaire, Commandant de la MINUAR. Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, Bagosora en compagnie du Colonel BEM Rwabalinda et le Général Dallaire sont allés consulter et demander conseil au Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, Mr Roger Booh-Booh. Le 7 avril au matin lui et le Général Ndindiliyimana se sont rendus chez l’Ambassadeur des Etats-Unis où ils devaient rencontrer les ambassadeurs qui suivaient la question rwandaise. Ils ont seulement vu l’Ambassadeur américain. Notons qu’un comité de crise a été mis en place au cours de la réunion des officiers à l’ESM le 7 avril 1994 et que Bagosora n’en faisait pas partie du fait qu’il était en retraite depuis septembre 1993. C’est sur recommandation de cette réunion que le Colonel Bagosora, en sa qualité de Directeur de Cabinet au MINADEF, a facilité aux politiciens de se réunir pour relancer les institutions paralysées par les événements.
Ceci étant, nous saluons sa lucidité et son engagement, qui, dans des conditions très difficiles ont permis de limiter les dégâts. Mais c’était sans compter avec ceux qui avaient préparé et déclenché le cataclysme « incontrôlable » en assassinant le Président Habyarimana le 6 avril 1994 et en reprenant, dans la foulée, la guerre sur tous les fronts en violation de !’Accord de paix d’Arusha. Le seul garant de ne pas rendre compte de leur monstrueux forfait qui a coûté la vie à deux Chefs d’État était d’aller jusqu’au bout pour prendre le pouvoir. Ce qui explique, d’une part, l’ultimatum donnée aux forces étrangères de quitter le pays avec menace de les prendre pour ennemis et les combattre, et d’autre part, le refus catégorique de toutes les demandes de cessez-le feu faites par les FAR afin de pouvoir pacifier le pays. Finalement, il fallait trouver un bouc émissaire qui endosserait la responsabilité de ces choix irresponsables de Kagame et sa clique qui ont endeuillé tous les rwandais.
Et c’est Bagosora qui fut pointé du doigt tout simplement parce qu’il était là au mauvais moment. Si le Ministre de la Défense Nationale rentré au pays le 09 avril 1994 avait été sur les lieux au moment de l’attentat, le FPR aurait, avec l’aide de ses supporters et complices, ciblé et culpabilisé quelqu’un pour couvrir ses crimes.
En conséquence, soutenir que Bagosora est le cerveau, l’organisateur, ou planificateur du génocide contre les Tutsi est totalement infondé. Il est inacceptable que, même après sa mort, la propagande continue de passer outre le jugement rendu par le TPIR et de propager des contre-vérités.
Maintenant que l’intéressé n’est plus de ce monde, sa famille qui a tant souffert de cette propagande assassine devrait être épargnée de toutes ces attaques injustes afin de pouvoir faire son deuil, se recueillir et essayer de se reconstruire.
Même si nous savons que le FPR n’aura pas cette pudeur, nous pensons que les hommes et les femmes épris de justice et de paix voudront désormais puiser les vraies informations dans le jugement du TPIR contre le Colonel Bagosora et cesser ce lynchage médiatique aveugle et injuste qui a trop duré.
Chère famille du regretté Colonel Bagosora,
A ce moment précis, nous nous inclinons devant le Colonel votre mari, votre père, votre beau-père, votre grand père, votre proche. Nous nous savons incapables de vous consoler tellement votre déchirure est profonde. Cependant, nous avons jugé nécessaire, pour le besoin de l’histoire, de rappeler succinctement le chemin de la croix que nous avons enduré ensemble pendant tant d’années. Même dans l’adversité, affable et convivial, le Colonel BEMS Bagosora est resté digne, respecté et respectueux. Nous ne l’oublierons pas.
Que son âme repose en Paix.
[1] Colonel BEMS Bagosora Théoneste « L’assassinat du Président Habyarimana ou l’ultime opération du TUTSI pour sa reconquête du pouvoir par la force au Rwanda » (Yaoundé 30 octobre 1995).
[2] TPIR : Pièce à décharge DNS 244 dans le Procès Militaires I.
[3] L’équipe des officiers était composée du Colonel BEMS Bagosora, Colonel BEMS Muberuka, Lieutenant-colonel BEM Ndengeyinka, Lieutenant-colonel BEM Rwabalinda et Major BAM Gakara.
[4] La plus zélée et la plus écoutée des faiseurs d’opinions était Madame Alison Desforges, qui, d’avril à juillet 1994, dans ses multiples interventions (rencontres, interviews et écrits) auprès de l’ONU, des différentes ONG et des officiels américains, elle accusa nommément et arbitrairement cinq officiers dont le Colonel Bagasora d’être à la tête des massacres qui se faisaient dans tout le pays. Elle parvint à convaincre la Maison Blanche de publier un communiqué qui pointait du doigt ces cinq officiers (Aucun témoin ne peut survivre, page 332).
[5] Dans un autre procès dit Militaires II ou Affaire Ndindiliyimana et ses coaccusés, la Chambre II arriva à la même conclusion en rejetant la thèse de planification et d’entente fondée généralement sur les mêmes éléments. (Affaire n° ICTR-00-56-T, jugement du 17 mai 201l, paragraphe 2070).