Le texte ci-après est extrait d’un document de 11 pages publié par Dr Guillaume Murere le 14 avril 2004 et mis à jour le 13 octobre 2005.
Il reste d’actualité.
Préambule
Les tueries qui ont eu lieu au Rwanda en 1994 sont des crimes innommables. L’humanité ne les condamnera jamais assez. Alors que le Conseil de Sécurité de l’ONU, notamment dans sa résolution 955, parle ‘d’actes de génocide et violations flagrantes, généralisées et systématiques du droit international humanitaire’, le régime dictatorial du FPR de Kagame et beaucoup de média qui ont succombé à sa manipulation présentent ces crimes comme un ‘génocide des Tutsis et massacres de Hutus modérés (Itsembabwoko n’itsembatsemba)’. Or, avec l’accumulation de données sur ce qui s’est réellement passé au Rwanda, non seulement en 1994 mais depuis 1990, il est aujourd’hui clair que non seulement des rwandais réputés Hutus ont tué massivement des rwandais réputés Tutsis mais également des rwandais réputés Tutsis ont tué massivement des rwandais réputés Hutus. Dans une moindre mesure, des rwandais réputés Hutus ont tué des rwandais réputés Hutus et des rwandais réputés Tutsis ont tué des rwandais réputés Tutsis.
Aujourd’hui, dix ans après ces événements des plus tragiques dans l’histoire de l’humanité, le peuple rwandais vit sous la férule de la dictature féroce du régime dirigé par Kagame et les rwandais(es) sont toujours en quête d’une réconciliation nationale qui, comme l’horizon, ne cesse de s’éloigner. À l’occasion de ce dixième anniversaire de l’hécatombe rwandaise de 1994, à l’instar de toute conscience humaine interpellée par la tragédie rwandaise, j’aimerais en ces quelques lignes, apporter ma petite contribution à la réconciliation de mon peuple, le peuple rwandais, en indiquant brièvement ce que je pense être l’obstacle majeur à cette réconciliation nationale. À mon jugement, c’est la présentation de tueries au Rwanda en 1994 comme un ‘génocide des Tutsis et massacre de Hutus (modérés)’ qui rend la réconciliation nationale impossible et qui constitue le fondement de la dictature au Rwanda, en l’occurrence celle de Kagame. Cette présentation raciste est incompatible avec la paix, la justice et la démocratie au Rwanda et constitue la plus grande barrière à la stabilité dans la région des grands lacs africains.
Conséquences dramatiques de la qualification ‘génocide des Tutsis et massacres de Hutus’
Cette présentation de la tragédie rwandaise comme ‘le génocide des tutsis’ constitue à la fois :
*L’institutionnalisation du racisme dans la société rwandaise;
*La consécration de la dictature, en l’occurrence celle de Kagame;
*Le cautionnement du déni de justice aux victimes de l’APR de Kagame;
*L’entretien des divisions et de la haine entre les rwandais.
La réconciliation nationale suppose, entre autres préalables, l’éradication de ces tares.
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Institutionnalisation du racisme dans la société rwandaise
Parler de ‘génocide des Tutsis et massacres de Hutus (modérés)’ revient à une hiérarchisation des vies humaines: La vie de ceux réputés Tutsis étant considérée supérieure à la vie de ceux réputés Hutus. Comme exemple illustrant ce propos: Le gouvernement du FPR de Kagame a procédé maintes fois à l’inhumation dans la dignité des victimes qu’il dit tutsis. Alors que des évaluations conservatrices estiment les rwandais réputés hutus massacrés par les troupes de Kagame depuis 1990, avant, pendant et après 1994, à plus d’un million, les rwandais réputés hutus n’ont absolument pas le droit de pleurer leurs morts en public. Le Rwanda d’aujourd’hui est un pays où une partie de la population est autorisée à pleurer ses morts tandis que l’autre partie n’a même pas le droit de porter le deuil des siens. Cette discrimination des morts entraîne nécessairement la discrimination des vivants, ce qui, de toute évidence, constitue une violation flagrante du principe fondamental d’égalité entre les humains. C’est donc du RACISME, non pas le racisme individuel qui doit également être combattu, mais le racisme érigé en système par l’état, le RACISME INSTITUTIONNALISÉ. Face aux voix qui s’élèvent constamment pour réclamer que les victimes autres que celles réputées tutsis soient reconnues et leurs bourreaux condamnés, on entend souvent, même en ce pays le Canada où traiter quelqu’un de raciste est une insulte grave, des gens tenir publiquement des propos du genre: ‘Il ne faut pas faire d’amalgame entre les victimes hutues et les victimes tutsies, les tutsis ont été victime d’un génocide’, comme si les uns étaient plus morts que les autres. Voilà des propos qui relèvent du racisme des plus pervers.
Comme le principe fondamental d’égalité entre les humains est la base même de la DÉMOCRATIE, on ne peut pas prétendre être démocrate du moment que l’on viole, fût-ce même inconsciemment, ce principe fondamental d’égalité entre les humains.
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Consécration de la dictature, en l’occurrence celle de Kagame
Des Hutus (AbaHutu) existent parce que des rwandais s’identifient Hutus, quelles que soient leurs conceptions ‘d’être Hutu’. Des Tutsis (AbaTutsi) existent parce que des rwandais s’identifient Tutsis, quelles que soient leurs conceptions ‘d’être Tutsi’. Ceci n’est guère un problème en soi car l’identification de soi est un phénomène universel. Tout être humain s’identifie à sa façon. Cela fait partie de son existentiel. Le respect de l’auto identification de la personne est impératif en accord avec le droit fondamental d’expression qui inclut nécessairement l’expression de soi.
Tous les problèmes commencent lorsqu’un acteur de la politique rwandaise entreprend de classifier les rwandais en catégories Hutu et Tutsi, puis la catégorie des Hutu en sous-catégories ‘Hutu-modérés’ et ‘Hutu tout court’. Comme il n’y a pas de critères objectifs reconnus et acceptés de classification de la population rwandaise en ces diverses catégories, cette classification est laissée à la discrétion de chacun, la raison du plus fort, aujourd’hui Kagame, étant évidemment la meilleure. Avec la présentation des tueries au Rwanda en 1994 comme ‘le génocide des Tutsis et massacres de Hutus (modérés)’, personne n’est victime de fait et personne n’est criminel de fait. Pour être classé victime ou bourreau, indépendamment des crimes subis ou commis, le rwandais ou la rwandaise doit au préalable passer à travers le filtre ethnique, la décision ultime revenant au chef suprême, en l’occurrence Kagame, de façon tout à fait discrétionnaire. C’est ainsi que ceux classés Tutsis ou Hutus modérés par les plus forts, en l’occurrence Kagame et son entourage, ont droit à la vie et ceux classés Hutus tout court constituent le bassin des ‘génocidaires’, tout au moins potentiels, que l’homme fort peut tuer, emprisonner, laisser mourir de faim, priver de soins de santé à sa guise avec la bénédiction, l’assentiment, voire l’assistance, de la communauté internationale. Remarquons que dans ce contexte, même ceux s’identifiant et/ou réputés Tutsis n’ont aucune garantie de rester dans la catégorie des ayants droit à la vie. Pour faire passer tel réputé Tutsi de la catégorie des ayants-droit à la vie dans celle des ayants-droit à la mort, il suffirait de l’accuser d’association avec les génocidaires et pourquoi pas l’accuser d’avoir changé d’ethnie (Icyihuture). Ainsi, la présentation des tueries au Rwanda en 1994 comme un ‘génocide des Tutsis et massacres de Hutus (modérés)’ confère à Kagame le droit de vie et de mort sur tout rwandais et ainsi lui donne les moyens d’exercer sa dictature atroce sur le peuple rwandais. La qualification ‘génocide des Tutsis’ est donc le socle, la fondation, la colonne centrale, de la dictature de Kagame. Ce dernier et son entourage définiraient le ‘Hutu-modéré’ comme le Hutu qui reconnaît que les tueries de 1994 constituent un génocide des Tutsis (Umuhutu modéré ni uwemera jenoside y’abatutsi). Pourquoi cette définition? Parce que celui qui souscrit à la présentation des tueries de 1994 comme un ‘génocide des Tutsis’ donne automatiquement à Kagame les moyens de sa dictature, les autres divergences devenant accessoires et dès lors négociables.
Remarquons que n’importe quel dirigeant qui gouvernerait le Rwanda dans les mêmes conditions aurait ce droit de vie et de mort sur tout rwandais. Il serait donc un dictateur. Ce dirigeant pourrait bien, pour ses raisons propres, notamment ses besoins politiques, choisir de ne pas exercer ce droit de vie et de mort. Dans ce cas, il serait un dictateur bienveillant mais toujours un dictateur. Eh oui! Dans ce contexte, la vie du rwandais dépend uniquement de la bienveillance du dictateur.
Sur le plan international, l’opinion publique occidentale a été marquée, à juste titre, par l’holocauste des juifs à telle enseigne que décrier tout ce qui est présenté comme ‘génocide’ est devenu un réflexe. Le groupe présenté comme victime de ce ‘génocide’ est automatiquement adopté. En présentant les tueries au Rwanda en 1994 comme le ‘génocide des tutsis …’ Kagame et ses alliés dans la communauté internationale ont repris à leur compte le modèle binaire, manichéen d’une société rwandaise constituée d’un côté les bons, cette fois-ci ‘les tutsis’ et d’un autre côté les mauvais jusqu’à preuve du contraire, cette fois-ci ‘les hutus’. Pour rendre acceptable cette vision raciste, autrement inacceptable, une nouvelle classe de rwandais, les ‘hutus modérés’, fut inventée. Ce faisant, Kagame, parce que réputé tutsi, de criminel qu’il est en réalité, a été tourné en héros qui aurait sauvé son ethnie de l’extermination. En prime, le concept de ‘hutus modérés’ a cultivé l’image que Kagame est non seulement un héros mais, qu’en plus, il est si magnanime qu’il repêche le peu de bons hutus qu’il y aurait dans cette masse de hutus autrement mauvais. Dès lors, aux yeux de l’opinion publique occidentale, appuyer le régime Kagame revient à être empathique avec les victimes, ‘les tutsis’. Parallèlement, décrier et combattre tout ce qui est présenté comme hutu est une obligation morale où le zèle ne peut avoir de limite. Les bonnes consciences dans l’opinion publique occidentale ont été ainsi gommées. Quelques rares esprits ne sont restés critiques qu’à leur corps défendant contre les accusations constantes de négationnisme et de révisionnisme.
Pour le régime Kagame, cette présentation des tueries au Rwanda en 1994 comme le ‘génocide des tutsis …’ a rapporté des dividendes au-delà de toutes les prévisions : Les chancelleries occidentales déroulent le tapis rouge à cet homme, Kagame, commandant en chef de l’armée réputée la plus disciplinée au monde et donc directement responsable de la mort de plus de cinq millions d’êtres humains (5.000.000: plus de 2.000.000 de rwandais et plus de 3.000.000 de congolais). Ce dictateur des plus sanguinaires dans l’histoire de l’humanité est, parmi les chefs d’état africains, un des grands alliés de Washington. Kagame, parce que réputé tutsi, est présenté comme victime de cette tragédie rwandaise dont pourtant il est le principal planificateur et exécuteur.
Tout ceci met en évidence une grande contradiction chez ceux qui prétendent lutter pour la paix et la justice et contre la dictature, en l’occurrence celle de Kagame et sa clique, tout en souscrivant à la présentation des tueries de 1994 comme un ‘génocide des Tutsis et massacres de Hutus (modérés)’. En réalité, ils soutiennent cette même dictature qu’ils disent combattre.
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Cautionnement du déni de justice aux victimes de l’APR de Kagame
La communauté internationale ayant accepté la présentation des tueries de 1994 comme un ‘génocide des Tutsis et massacres de Hutus modérés’, tous ceux reconnus et acceptés comme Tutsis ou Hutus modérés, par Kagame en dernier recours, sont des victimes quels que soient les crimes qu’ils ont commis. Dans ce contexte, les crimes commis par ceux reconnus Tutsis ou Hutus modérés par le pouvoir ne sont que des actes de vengeance, voire de défense légitime ou alors des exactions somme toute compréhensibles. Les criminels dans le camp du FPR sont alors automatiquement protégés de toute poursuite judiciaire. Simple illustration: Les fameux tribunaux populaires Gacaca n’ont pas compétence sur les crimes commis par les membres du FPR. Dans le Rwanda de Kagame, ceux (re)connus comme hutus qui ont, ou auraient, massacré des rwandais (re)connus comme tutsis ou hutus modérés sont accusés du crime gravissime de génocide, ceux (re)connus comme tutsis qui ont ou auraient massacré des rwandais (re)connus comme hutus ou tutsis ne sont accusés d’aucun crime: S’ils ont massacré des millions de rwandais incluant des bébés et des vieillards, des femmes et des hommes autant ceux réputés hutus que ceux réputés tutsi, c’était pour une cause supérieure : ‘arrêter le génocide des tutsis’. Enfin ceux (re)connus comme hutus qui ont ou auraient massacré des rwandais (re)connus comme hutus, personne n’en parle. On ne peut le répéter assez, cette discrimination des suspects sur base ethnique relève du RACISME le plus horrible.
Intégralité du document : Le terme génocide porteur de violences extrêmes
Ainsi donc, en souscrivant à la présentation des tueries au Rwanda en 1994 comme le ‘génocide des Tutsis …’ on cautionne le déni de justice envers les victimes de l’APR dirigée par Kagame, qualifiée par plusieurs comme l’armée la plus disciplinée au monde, c’est-à-dire une armée qui a toujours obéit scrupuleusement aux ordres de son chef, le Général Kagame. Pour dire que ce dernier est le premier responsable des tueries commises par l’APR.
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Entretien des divisions et de la haine entre rwandais
*Dans un régime raciste, il y a ceux qui exercent le racisme et ceux qui subissent le racisme. Il est impossible de réconcilier ceux qui subissent le racisme et ceux qui le leur font subir, sans d’abord l’abolir.
*Dans un régime dictatorial, il y a des oppresseurs et des opprimés; les opprimés et les oppresseurs ne peuvent pas se réconcilier tant que l’oppression perdure.
*Dans un système où il y a justice pour les uns et non pour les autres, ceux à qui la justice est déniée ne peuvent pas se réconcilier avec l’État qui leur dénie cette justice.
Kagame qui accuse tout le monde de ‘divisionnisme’ est, dans les faits, le premier divisionniste. ‘Diviser pour régner’. Voilà l’expression! Kagame applique brillamment ce principe vieux comme le monde.