Le revirement du Lt Abdul Ruzibiza n’affecte en rien sa déposition chez le juge J-L Bruguière.
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Dans une interview accordée le 12 novembre 2008 à Radio Contact FM, Abdul Joshua Ruzibiza revient sur le contenu de son livre et sur toutes ses déclarations antérieures et sur la déposition faite chez le Juge français Jean-Louis Bruguière en 2003. Il qualifie tout cela de montage. Sa seule motivation, a-t-il dit, était d’en découdre avec le régime de Paul Kagame et surtout d’essayer d’y voir clair du pourquoi les Français haïssaient les Tutsi et le régime du FPR. Ce revirement est arrivé après l’arrestation en Allemagne le 9 novembre 2007 du colonel Rose Kabuye et de son transfert en France le 12 novembre, dans le cadre de l’enquête sur l’attentat contre l’avion du Président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 et dans lequel a péri un équipage français.

Un revirement qui arrive trop tard

Officier au sein de l’armée du Front Patriotique Rwandais (FPR), Ruzibiza a fui le Rwanda en 2001 via l’Ouganda. Exilé en Norvège, Abdul Josué Ruzibiza a publié, en avril 2004, un témoignage dans lequel il donne des détails sur l’attentat contre l’avion du Président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994. Il désigne Paul Kagame comme étant le commanditaire de cet attentat et d’avoir ainsi sacrifié les Tutsi pour ses intérêts égoïstes visant notamment la prise du pouvoir.

Après ce témoignage, Ruzibiza a donné une interview à la télévision flamande VRT dans laquelle il a confirmé ses écrits. Dans la foulée, il a accordé une interview à la Radio BBC, puis au début de mai 2004 à la Voix de l’Amérique. En 2005, il a écrit un livre[1] avec force détails sur les crimes du FPR parmi lesquels la descente de l’avion du président Habyarimana. Il y dévoile qu’il faisait partie d’un groupe dit « network commando » ou « techniciens », infiltrés au Rwanda pour commettre des actes terroristes. En mars 2006, il passa deux semaines à Arusha en Tanzanie comme témoin devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR).

Les révélations de Ruzibiza provoquèrent un séisme dans la haute sphère du pouvoir. Paul Kagame traitera son ancien officier de simple aide infirmier mis en prison pour escroquerie. Son chef d’Etat-major, le général James Kabarebe, dira quant à lui qu’il s’agit d’un officier subalterne n’ayant jamais pu assister à la moindre réunion de l’Etat-major du FPR, un « assistant infirmier formé sur le tas, se trouvant à Byumba, dans le nord du pays en avril 1994 »[2].

Ces réactions des plus hautes autorités du régime du FPR n’ont pas suffi pour entamer la crédibilité de Ruzibiza. Les propagandistes du régime vont prendre le relais et rivaliser d’imagination pour accabler cet officier. Ruzibiza sera alors traité de malade mental qui a séjourné plusieurs fois au Centre psychiatrique de Ndera. Pourtant, dans toutes ses déclarations et ses écrits, Abdul Ruzibiza a été très cohérant. S’il s’est ravisé après tant d’années, Kigali a dû sans aucun doute y mettre tout son poids avec l’objectif de faire sauter le dossier Bruguière dans lequel Paul Kagame et ses proches officiers sont inculpés.

Dans le cadre de cette offensive de Kigali contre les mandats du Juge Bruguière, un autre témoin, Emmanuel Ruzigana, s’est rétracté quelques mois auparavant. Il a affirmé que le livre de Ruzibiza a été écrit par Claudine Vidal et que l’autre n’a fait que signer. Or ce livre a été écrit en Kinyarwanda et traduit par des gens bien connus. Ruzigana a prétendu également que le juge Bruguière l’a interrogé en français, langue qu’il ne connaît pas[3]. Or un service d’interprètes est mis à la disposition des témoins en pareil cas.

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Rien de neuf dans le témoignage de Ruzibiza

Dans ses déclarations comme dans ses interviews et dans son livre, le discours de Ruzibiza est constant : il parle des infiltrations au Rwanda par le FPR, lesquelles ont eu comme fer de lance le « network commando » qui a préparé l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana.

Les infiltrations du FPR sont bien connues. Elles font partie de sa stratégie de préparation de la guerre qu’il allait lancer contre le Rwanda en octobre 1990 à partir de l’Ouganda. Une organisation parallèle au pouvoir existant fut mise sur pied par le FPR à l’intérieur du pays depuis 1987. A côté des structures administratives officielles, le FPR organisa un réseau tentaculaire formé de districts (intara), de secteurs (akagari), etc., une organisation qui a été reproduite aujourd’hui dans l’administration territoriale au Rwanda.

  • Les infiltrés

Ruzibiza n’a rien dit de neuf car avant lui, d’autres cadres du FPR ont confirmé l’existence de ces infiltrations connues sous le nom de « brigades clandestines ». Ainsi Tito Rutaremara, un des idéologues du FPR et aujourd’hui ombudsman, a révélé, en 1995, que la structure des brigades clandestines était formée de 36 cellules disséminées à l’intérieur du Rwanda depuis fin 1987[4]. Il a confirmé encore une fois l’existence des brigades clandestines en mars 1996 dans une conférence qu’il a donnée à l’Hôtel Pamozi de Lusaka en Zambie. Le 02 mai 1997, lors d’une conférence-débat organisée à Bruxelles par le Parti du Travail Belge (PTB), Rutaremera est revenu sur le rôle joué par les brigades clandestines du FPR. Il les a estimées à plus de 3.500[5].

Un des plus grands financiers du FPR, l’homme d’affaires Valens Kajeguhakwa, a donné lui aussi des informations importantes sur ces brigades dont il était l’un des grands pourvoyeurs de fonds. Il a précisé, dans son livre, que des agents à la solde du FPR étaient infiltrés dans tous les secteurs de la vie nationale et lui donnaient des rapports journaliers[6]. Kajeguhakwa est parti rejoindre le FPR en Ouganda quelques jours avant le déclenchement de la guerre le premier octobre 1990 en laissant le réseau en place.

En 2002, le major Georges Rwakampala, un autre repenti du FPR, a fait une déclaration dans laquelle il précise entre autres qu’entre décembre 1993 et avril 1994, les 600 militaires (dont il faisait partie) venus à Kigali dans le cadre des Accords d’Arusha ont formé, chaque semaine, dans leur campement sis dans les bâtiments du Parlement rwandais, une centaine de « techniciens » qui étaient ensuite lâchés dans la capitale Kigali et ses environs.

Bon nombre d’auteurs et de chercheurs avaient également identifié ce modus operandi du FPR.

D’après Robin Philpot[7], les cellules clandestines s’élevaient à 146 dans la seule ville de Kigali en 1993[8]. Alison Des Forges précise qu’au mois d’avril 1994, le FPR disposait d’environ 600 cellules dans tout le pays dont 147 dans la capitale[9]. D’autres auteurs ont développé largement le phénomène des brigades clandestines. Dans son livre, Edouard Kabagema parle d’une amie qui, en 1994, lui a donné une confidence comme quoi elle était la représentante du FPR dans la région de Gitarama[10]. Charles Karemano a recueilli un témoignage des soldats du FPR qui avaient infiltré les milieux politiques et militaires : certains avaient été envoyés chez le chef d’Etat-major de la gendarmerie et d’autres chez le chef des renseignements extérieurs[11]. L’asbl « Solidaire-Rwanda »[12] a élaboré un grand dossier sur les brigades clandestines à Gitarama, etc.

Ruzibiza n’a fait donc que confirmer ce qui était déjà connu avec plus de détails il est vrai.

  • Attentat contre l’avion du président Habyarimana

S’agissant de l’attentat proprement dit, avant Ruzibiza, Jean Pierre Mugabe, officier de renseignements du FPR, a donné, en 2000, des détails sur les préparatifs de cet attentat : « Dès la signature des Accords d’Arusha, […] le Général Kagame envoya quatre militaires en Ouganda pour s’entraîner au maniement des missiles portables sol-air Sa-7 Strela (SAM) de fabrication russe. […]. Après ce stage, ces militaires revinrent à Mulindi où ils furent affectés à la Section "missiles" commandée par le lieutenant Kayumba Joseph, actuellement capitaine vivant au camp militaire de Kanombe. Moi qui donne ce témoignage je vivais à Mulindi et Kayumba Joseph et ses camarades étaient mes amis »[13]. Il y a aussi le témoignage du Lieutenant Aloys Ruyenzi[14], membre de la garde rapprochée de Paul Kagame et témoin direct du chargement des missiles dans un des camions escortés par la MINUAR, au départ de Mulindi. L’enquêteur du TPIR, Michel Hourigan[15] avait déjà établi, en 1997, que Paul Kagame était impliqué directement dans la descente de l’avion du Président Habyarimana.

Le fait que Ruzibiza se soit ravisé ne met donc aucunement en question les conclusions de l’enquête du juge Bruguière. Ruzibiza n’est pas le seul témoin. La cellule Bruguière en a entendu des centaines d’autres pour fonder sa conviction.

Par ailleurs, le juge espagnol Fernando Andreu Merelles est arrivé à la même conclusion que son collègue français et a émis 40 mandats d’arrêt contre les chefs de l’armée rwandaise en février 2008.

  • Génocide des Hutu par le FPR

Un autre point qui a fait bondir les propagandistes du régime du FPR est le fait que Ruzibiza ait parlé du génocide des Tutsi mais également du génocide des Hutu commis par les militaires et autres membres du FPR. Il est vrai que la communauté internationale n’a pas voulu qualifier les massacres des populations hutu opérés par le FPR. Mais le constat est que ces massacres ont été préparés et se sont déroulés d’une façon systématique sans épargner femmes, enfants et vieillards. Il suffit de penser aux populations de Byumba qui ont été réduites à leur plus simple expression. Cette préfecture de Byumba a perdu entre 1990 et 1994 la moitié de sa population, soit plus de 500 000 personnes[16]. Dans sa dépêche du 12 mai 1994, RFI parlant de ce qui se passait au Nord du Rwanda dans la préfecture de Byumba, disait : « Partout le sol est couvert de centaines de milliers de cadavres en attente d’être ensevelis par des bulldozers ougandais ». Dans le quotidien Le Soir du 19 mai 1994, Colette Braeckman, parlant de l’offensive du FPR, a écrit : « Au moins 200.000 personnes ont été tuées en six semaines. Le HCR fait état de tirs délibérés sur les réfugiés fuyant le pays, des villageois rassemblés dans les écoles et mis en pièces à coups de machettes et des gens jetés vivants, pieds et poings liés, dans la rivière Akagera ». Le journal français Libération du 25 juillet 1994 précise : « Devant l’Ecole Saint-André, le FPR a parqué 12.000 réfugiés au lendemain de la prise de la capitale. La Croix-Rouge, dont c’est le mandat, a exigé à trois reprises auprès du FPR de pouvoir rendre visite et recenser les prisonniers de guerre ». Elle n’y a eu accès que le 14 juillet 1994 et « n’a recensé que 113 prisonniers de guerre en tout et pour tout le Rwanda ». Amnesty International a souligné : « Les informations émanant de témoins oculaires rwandais indiquent que des centaines, voire des milliers de civils non-armés et d’opposants du FPR, faits prisonniers ont été sommairement exécutés, ou tués de manière délibérée et arbitraire, depuis la recrudescence des massacres et des autres actes de violence qui ont fait suite à la mort de l’ancien président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Nombre des homicides s’inscrivent dans un cycle de représailles arbitraires dans le nord-est du pays (Byumba), parfois dès avant le 6 avril 1994, et visant essentiellement des groupes de civils hutu »[17]. Le Professeur Filip Reyntjens a recueilli, en octobre 1994 au Rwanda, des témoignages sur des massacres opérés par le FPR[18] : à Save (Butare) « des membres de la population affirment qu’environ 1750 personnes auraient été tuées ».

Depuis octobre 1990, des officiers du FPR ont organisé des massacres massifs tout au long de leur avancée vers la conquête du pays. Le Rapport du consultant américain du HCR Robert Gersony parle de 30.000 civils exécutés par les soldats de l’APR. En avril 1996, le journaliste anglais Nick Gordon a comparé les camps du Mutara à Auschwitz. D’après son enquête, plus de 1000 Hutu y étaient conduits quotidiennement dans des camions, ligotés puis tués à coup de marteau sur la tête. Leurs cadavres étaient ensuite incinérés dans des fours crématoires avec de l’essence. Les reportages du quotidien français Libération du 31 mars 1999 ont parlé eux aussi des fours crématoires dans la même région, précisément au Parc National de l’Akagera, et dans lesquels au moins 100.000 Hutu ont péri. Les camps de crémation ont été étendus par la suite sur tout le territoire national selon des enquêtes récentes, notamment dans la forêt de Nyungwe. Les cadavres des Hutu y étaient carbonisés sans cesse. Les massacres de Kibeho en 1995 ont fait plus de 70.000 victimes[19]. Un ancien responsable des Renseignements du FPR, Sixbert Musangamfura, a précisé que jusqu’en juillet 1995, le FPR avait massacré, de façon sélective et délibérée, autour de 312.726 personnes. Le démantèlement à l’arme lourde des camps hutu de l’ex-Zaïre a fait plus de 200.000 victimes[20]. Les rescapés rentrés de force au Rwanda ont été bombardés dans leurs villages avec des hélicoptères de combat sous prétexte de combattre les infiltrés, notamment dans les régions du nord du Rwanda. En 2001, le major Alphonse Furuma, a écrit une lettre ouverte à Paul Kagame dans laquelle il l’accuse d’avoir utilisé, entre 1993 et 1996 tous les moyens possibles pour réduire la population hutu des régions d’Umutura, Kibungo, Bugesera pour y faire habiter les familles des membres et des militaires du FPR[21]. Marcel Gerin, qui était dans le ranch de Mpanga à l’Est du Rwanda en 1994 quand le FPR a investi la région, parle, dans une interview accordée au journaliste Jerzy Bednarek, de la « solution finale » opérée par des « hordes armées » du général Kagame lancées à la conquête du Rwanda[22] .

Que Ruzibiza parle du génocide des Hutu, il a raison car les méthodes, l’intention, le caractère systématique, tout était là.

En conclusion, disons que les révélations de Ruzibiza avaient été déjà évoquées ou confirmées par d’autres repentis du FPR. Il est clair également que la main de Kigali apparaît dans le revirement subit de Ruzibiza, la précarité financière étant un élément important pour comprendre l’évolution actuelle du témoin du Juge Bruguière.

Gaspard Musabyimana
Le 05 janvier 2009

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 [1] Rwanda. L’histoire secrète, Paris, Editions du Panama 2005.

[2] Interviews de Colette Braeckman publiées dans Le Soir du 14 décembre 2006 et dans Le Monde diplomatique de janvier 2007.

[3] Lire l’article de Colette Braeckman dans Le Soir du 4 avril 2007.

[4] François Misser, Vers un nouveau Rwanda. Entretiens avec Paul Kagame, Bruxelles, Paris, Editions Luc Pire et Karthala, 1995, p. 155.

[5] Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda, Communiqué du 30 mars 1999.

[6]Kajeguhakwa Valens, Rwanda. De la terre de paix à la terre de sang et après ?, Paris, Editions Remi Perrin. 2001, pp. 201 et 219.

[7] Philpot Robin, 2003, Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali, Montréal, Editions Les Intouchables, 2003, p. 39.

[8] En 1993, j’ai publié, à Kigali, un livre intitulé : "Les années fatidiques pour le Rwanda. Coup d’œil sur les préparatifs intensifs de la "Guerre d’octobre", 1986-1990, Kigali (épuisé). Un bloggeur, qui se cache derrière le pseudonyme de Kagatama, donne une interprétation tendancieuse aux passages de ce livre relatifs aux infiltrations du FPR.

[9] Aucun témoin ne doit survivre, Paris Editions Karthala, 1999, p. 214.

[10] Edouard Kabagema, Carnage d’une nation. Génocide et Massacres au Rwanda 1994, Paris, Editions L’Harmattan, 2001, pp. 32-70.

[11] Charles Karemano, Au-délà des barrières. Dans les méandres du drame rwandais, Paris, Editions L’Harmattan, 2003, p.105.

[12] Solidaire-Rwanda/Dufatanye asbl, Le non-dit sur les massacres au Rwanda, Dossiers n°002, deuxième partie, Bukavu-Zaïre, 1994.

[13] Jean Pierre Mugabe, Déclaration sur l’attentat contre l’avion dans lequel les presidents Habyalimana du Rwanda et Ntaryamira du Burundi trouvèrent la mort le 06 avril 1994, Alexandria, Virginie (USA), 25 Apr 2000 (http://www.rwasta.net).

[14] Aloys Ruyenzi, Paul KAGAME responsable de l’attentat contre l’avion de Habyarimana, le 5 Juillet 2004 (http://www.inshuti.org/ruyenzif.htm).

[15] Thierry Cruvellier, « Fuite explosive » ou pétard mouillé? Le TPIR et les révélations sur l’attentat du 6 avril 1994, Ubutabera, Arusha, le 09.05.2000 (http://www.inshuti.org/fuite.htm).

[16] La Presse le 15 février 2002.

[17] Amnesty International, Rwanda. L’Armée Patriotique Rwandaise responsable d’homicides et d’enlèvements, avril-août 1994, Londres, octobre 1994, AI, AFR 47/16/94, p. 4.

[18] Filip Reyntjens, Sujets d’inquiétude au Rwanda en octobre 1994, Working Paper, novembre 1994, p. 3.

[19] Lire l’article sur les massacres de Kibeho sur : http://www.musabyimana.be.

[20] Lire les détails sur ce massacre dans Gaspard Musabyimana, L’APR et les réfugiés rwandais au Zaïre 1996-1997. Un génocide nié, Paris, Editions L’Harmattan, 2004.

[21] "From the time Arusha Peace Agreement was being negotiated up to as late as 1996, you carried out a deliberate policy of using all means possible to reduce the Hutu Population in the Umutara, Kibungo and Bugesera regions. These areas were deliberately resettled by old caseload returnees from Uganda, Tanzania and Burundi respectively. Families of many top RPF/RPA leaders are among those who were resettled in this manner". (Alphonse Furuma, Open Letter To H.E.Paul Kagame, Also RPF Chairman, and Chairman RPA Command, 23/01/2001, Kigali, Rwanda).

[22] Africa International du 7 octobre 1998.

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