Belgique-Rwanda. Le procès d’Assises de deux Hutu rwandais continue à Bruxelles. Compte-rendu de la 5è semaine
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Le procès devant la Cour d’Assises de Bruxelles dans lequel deux Hutu rwandais sont jugés pour génocide, en est dans sa 5è semaine, celle du 13 au 17/11/2023. Il a donc repris lundi le 13/11/2023.

 

Rapport d’expertise médicale

 

Comme c’était annoncé, à la reprise des audiences publiques, la Cour a entendu le rapport de trois experts et médecins mandatés pour examiner l’état de santé de Pierre Basabose et tirer des conclusions. Tous les experts ont été unanimes pour dire et en le prouvant scientifiquement que Pierre Basabose souffrait d’une maladie de “diabète avancée” de façon qu’il est incapable de suivre son procès et encore moins de comprendre et éventuellement répondre aux interrogatoires des juges et des avocats de l’accusation.

 

Le rapport d’expertise ayant été validé, l’avocat de Pierre Basabose Me Jean Flamme a alors demandé qu’en toute logique la Cour ne devrait pas juger son client. Il a à ce sujet suggérer que l’affaire de Félicien Kabuga devant le Mécanisme Résiduel du TPIR à la Haye devrait faire jurisprudence. En effet, après une expertise médicale, Félicien Kabuga ne sera pas jugé et donc surtout pas éventuellement condamné.

 

Après les interventions des avocats de l’accusation sans objet sauf pour s’adonner à un pur exercice oratoire, la Cour a déclaré réserver sa décision pour ultérieurement. En attendant donc Pierre Basabose continuera à s’asseoir et à somnoler sur les bancs des accusés sans qu’il ne comprenne que son sort est en train d’y être joué.

 

Témoins à charge, tous envoyés par Kigali

 

Comme d’habitude, les témoins à charge préparés et envoyés par le régime de Kagame, ont poursuivi leur défilé devant la Cour pour restituer la leçon apprise.

 

Ceux qui sont entrés en scène cette semaine on fait apparaître une nouveauté en ce qui concerne Pierre Basabose. Il apparaît que le régime de Kigali, devant l’impasse sur de quoi accuser Pierre Basabose, est allé fouiner dans les archives du ministère des Finances, Service d’Immatriculation de véhicules, pour chercher quels véhicules auraient été immatriculés sous le nom de Pierre Basabose. Et alors il ne resterait qu’à charger un témoin d’aller dire à Bruxelles que ce ou ces véhicules ayant appartenus à Basabose auraient servi pendant le génocide. Et donc que Basabose serait ainsi coupable de génocide.

 

C’est ainsi que l’un de ces envoyés de Kigali qui a témoigné en présentiel et qui a dit s’appeler Félix Kabandana et qui affirme avoir 20 ans au moment des faits, a avancé des affirmations aussi vagues qu’incohérentes. En effet, il a affirmé que Séraphin Twahirwa qui fut son voisin à Gikondo était “un ami”! de la famille du Président Habyarimana. Il n’a pas dit si ces deux familles amies (celle de Twahirwa et de Habyarimana) se rendaient mutuellement visite comme il se devait!

 

Concernant Pierre Basabose, l’étrange témoin Felix Kabandana affirme que Basabose aurait donné une camionnette de marque Totota Hilux à Twahirwa pour commettre le génocide. Mais il se garde de dire si ce véhicule aurait été cédé à Twahirwa par location, par vente ou comme don à Twahirwa. Encore qu’on ne saura jamais si Pierre Basabose aurait été propriétaire d’une Toyota Hilux de telle plaque de matricule, de telle couleur et à quel moment : de telle date à telle date. Les archives du ministère des Finances ne sont en effet accessibles qu’aux seuls agents du FPR.

 

L’autre qui a déposé par vidéo-conférence à partir de Kigali n’a fait que répéter la leçon apprise en ce qui concerne Twahirwa. Mais il a avoué ne pas connaître Pierre Basabose sauf pour l’avoir entendu lors de sa préparation pour témoigner dans ce procès.

 

Confusion sur la compétence temporaire de la Cour pour ce procès, savamment  entretenue

 

Ainsi trois soldats de l’APR, l’armée de Paul Kagame qui l’ont rejoint en Ouganda venant du Rwanda en 1992 comme ils le précisent, ont accusé (par qui vidéo-conférence à partir de Kigali) Séraphin Twahirwa pour les actes qu’il aurait commis en 1990 après l’invasion du Rwanda par les éléments tutsi de l’armée de l’Ouganda regroupés dans le FPR et sous le commandement de Paul Kagame.

 

On a attendu pour que le président de la Cour recadre les témoins et précise à l’intention des jurés que la Cour jugeait le génocide qui, officiellement, a commencé le 06 avril 1994 avec l’assassinat du président Habyarimana, mais en vain! A l’état actuelle des choses, on a l’impression que la Cour va juger tous les délits et crimes de droit commun commis au Rwanda depuis… une date à déterminer à la discrétion de la même Cour.

 

L’un des trois militaires tutsi de l’armée de Kagame a été requis pour accuser Séraphin Twahirwa d’un délit du domaine du droit de la famille. En effet ce militaire qui se présentait comme étant le beau-frère de Séraphin Twahirwa, car ce dernier a épousé la sœur du premier, a accusé Twahirwa d’avoir épousé légalement ”mais par force”, sa sœur tutsi avec qui il a eu trois enfants. Le témoin n’a pas indiqué comment l’officier de l’état civil (Bourgmestre ou son délégué) qui a officialisé l’acte de mariage de sa sœur, l’aurait permis. Donc sa sœur aurait été forcée par Twahirwa à lui dire le fameux: “Oui”.

 

On ne saura donc jamais si Twahirwa, au cours de cette cérémonie, ou même à l’Eglise si mariage religieux aurait eu lieu, il avait pointé une arme sur la sœur de ce militaire, d’autant que ni la Cour ni les avocats de l’accusation n’ont voulu lui demander des précisions et qu’en même temps la défense était interdite de contre-interroger ce témoin.

 

Mais comme les précédents, ces “précieux et prestigieux” témoins dans l’opinion en Occident pour être les combattants Tutsi ayant conquis le Rwanda en 1994, ont tous déclaré ne pas connaître Pierre Basabose ni avoir eu connaissance des crimes de génocide qu’il aurait commis en 1994. Mais que c’est au cours de leur préparation pour témoigner dans ce procès qu’ils ont appris que Basabose était un grand homme d’affaires et ami de Séraphin Twahirwa et que donc les deux devraient être accusés des mêmes crimes.

 

Le recyclage des inculpés du TPIR : cas de Munyagishali Bernard

 

Pour rappel, Munyagishali Bernard avait été inculpé et arrêté par le TPIR d’Arusha et son dossier porte les nos ICTR -97-26 & ICTR-05-89. Il était accusé de crimes qu’il aurait commis à Gisenyi au Nord-Ouest du Rwanda en 1994, son lieu de naissance et de résidence. A la fermeture du TPIR, le cas Munyagishali Bernard fut parmi ceux renvoyés aux juridictions nationales. Il fut alors transféré au Rwanda.

 

Officiellement son cas est toujours en jugement et lors des premières comparutions, il plaidait non coupable de tous les faits qui lui étaient reprochés. Et voilà qu’il réapparaît en ce novembre 2023 devant la Cour d’Assises de Bruxelles (par vidéo-conférence à partir de sa cellule de prison) pour charger deux Hutu accusés de crimes qu’ils auraient commis dans Kigali alors que lors de sa défense, il a toujours déclaré, et ceci a été admis, qu’il n’avait jamais mis les pieds dans Kigali en avril 1994 et plus tard.

 

Bien entendu, on ne saura jamais ce que le régime de Kagame, qui détient Munyagishali Bernard, a promis à ce malheureux pour avouer devant la Cour d’Assises de Bruxelles les crimes qu’il a toujours nié devant le TPIR et les tribunaux du FPR et en plus charger les accusés qu’il n’a pas rencontrés en avril 1994 et après. Vous avez dit “torture morale et psychologique” ?

 

C’est l’occasion de souligner les incohérences des Cours d’Assises de Bruxelles et de Paris quand il faut juger les Hutu accusés par le régime de Kagame. Ces instances judiciaires refusent systématiquement que les détenus du TPIR et même les acquittés de ce tribunal puissent venir témoigner quand ils sont cités par la défense. Mais en même temps, ces Cours se ruent sur les détenus condamnés par les tribunaux de Kagame et les prennent pour des “témoins-clés”.

Nouveauté: la seule requête de la défense acceptée par la Cour

 

Enfin, à la fin des audiences du jeudi 16 novembre, les avocats de la défense ont fait valoir qu’ils aurait besoin d’un peu de temps pour préparer la défense de leurs clients, d’autant plus que la partie accusatrice a jusqu’ici monopolisé la barre et continue de faire défiler ses témoins à charge venant de Kigali lieu inaccessible par la défense.

 

A la surprise générale et surtout à la satisfaction de l’équipe de défense, la Cour a accepté la requête et a décidé que les audiences reprendront lundi le 20 novembre et que donc le vendredi 17 novembre la Cour ne siégera pas.

 

Le procès reprendra donc lundi le 20 novembre 2023

Procès à suivre.

Emmanuel Neretse

 

 

 

 

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