52. La version de l’histoire du drame rwandais, telle qu’elle est convenue aujourd’hui et acceptée à ce jour par le TPIR, suite à la propagande médiatique et à l’activisme du FPR à travers ses relais nombreux et variés, ne correspond pas à « l’histoire vraie » de ce drame de 1990 à 1994. Cette version « falsifiée » répond plus à des impératifs de calculs politiques cyniques et inacceptables.
53. En effet, n’eût été l’idée satanique de vouloir se saisir d’une affaire judiciaire classique impliquant des délinquants individuels ou agissant en groupe, et d’en profiter pour en plus imaginer, fabriquer, crédibiliser des scénarios pouvant inculper, dans des crimes de masse, des hauts responsables politiques, militaires ou des milieux d’affaires hutus bien ciblés afin de les mettre pour un long temps hors d’état de nuire parce jugés trop gênants pour le pouvoir actuel en place à Kigali, l’UNDF, cette prison onusienne d’Arusha, aurait accueilli d’autres pensionnaires que les détenus d’aujourd’hui, en majorité des responsables d’Etat et exclusivement de l’ethnie hutu.
54. D’où a pu germer cette idée « diabolique » ? Faisons un peu de la géopolitique sur fond de la géostratégie :
1) Les « faiseurs des rois » en Afrique centrale appartiennent à ce qu’on a coutume de désigner sous le vocable de « Communauté internationale ». Celle-ci comprend certains grands États membres du Conseil de sécurité de l’ONU et leurs sous traitants, anciens colonisateurs, ainsi que de puissants groupes financiers et lobbies d’affaires intéressés par le contrôle et l’exploitation des riches ressources minières dans cette partie du Continent africain, spécialement, dans l’ex-Zaïre (RDC).
2) En 1989 et 1990, la chute du mur de Berlin et l’implosion de l’ex-Union soviétique ont conduit à la révision des anciennes alliances géostratégiques du monde. Les Chefs d’États africains alliés au bloc occidental ont été priés de se mettre en phase avec le nouvel ordre du monde qui était devenu aussi le nouvel ordre des « Cours royales et présidentielles » en matière d’alliances politiques. Sans états d’âme.
3) Un nouveau leadership anglo-saxon a été appelé à gouverner désormais l’Afrique centrale en remplacement de l’ancien leadership francophone et francophile incarné notamment par l’ex-Zaïre (RDC) de Mobutu et le Rwanda d’Habyarimana. Le FPR, une organisation de mouvance anglo-saxonne, fut choisi, positionné, aidé, soutenu pour jouer le rôle de « garant » de cet ordre mondial nouveau dans la région des Grands Lacs Africains. Pour ce faire, le FPR devait accéder au pouvoir d’Etat. Désormais et à cet effet, tout devait lui être facilité. Lorsqu’il aura opté pour la force des armes comme l’unique voie pour accéder au pouvoir, ses crimes devront être tolérés et excusés. Au besoin, ces crimes seront banalisés et qualifiés de simples « dommages collatéraux ». Après sa conquête du pouvoir, la vérité des faits devait être falsifiée, arrangée et présentée de façon à garantir au FPR l’exercice du pouvoir sans obstacles. Ses opposants politiques les plus résolus parmi les Hutus, civils, militaires, hommes politiques, hommes d’affaires et autres intellectuels, devaient être qualifiés « d’extrémistes » et de « génocidaires » et être mis définitivement hors d’état de nuire.
4) La MINUAR ayant échoué au Rwanda, la Communauté internationale s’est trouvée face à sa mauvaise conscience suite aux violents massacres de masse commis au Rwanda. Le drame rwandais qui avait atteint le pic de l’insupportable et provoqué l’émoi dans le monde, exigeait que les instigateurs et les auteurs des massacres soient punis. Il a fallut pour l’ONU un geste fort et spectaculaire au regard de ces deux préoccupations.
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55. C’est dans ce contexte que fut créé le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, doté d’un statut somme toute très clair. Excellente décision, faut-il le souligner. Mais les questions que se poseront ceux (procureurs et juges) qui devaient appliquer les statuts du TPIR, les voici: 1) qui sanctionner à travers ce Tribunal sans impliquer ni inculper le FPR au pouvoir ? 2) Comment préserver les acquis du FPR au pouvoir et mettre pour longtemps hors d’état de nuire ses principaux adversaires politiques hutus, civils et militaires ? Voilà deux mauvaises questions qui, dans l’application du statut du TPIR, conduiront à des mauvaises réponses que les juges et les procureurs de cette juridiction internationale seront amenés à donner au drame rwandais à travers des poursuites pénales sélectives, une instruction judiciaire exclusivement à charge contre des accusés hutus et des décisions de justice quelquefois bizarres.
56. Pire, le FPR/APR devenu le « gouvernement rwandais », cobelligérant d’hier, déclencheur de la guerre, suspect de massacres et de tueries, promis à la reddition des comptes, sera promu au rang de partenaire du procureur du TPIR. Il participera activement à la « traque » judiciaire de ses adversaires politiques hutus qu’il n’a pas réussi à liquider par la traque politique et militaire jusqu’au 17 juillet 1994, date de sa prise du pouvoir au Rwanda.
57. Dans ce même ordre d’idée, des organisations de propagande comme « IBUKA » et « AVEGA » seront mises à contribution pour « monter » des récits, imaginer habilement des recoupements avec des faits réels, y coller des noms de responsables hutus, créer une apparence de cohérence grâce à la formation des acteurs et des conteurs plus ou moins talentueux qui seront chargés de jouer devant le TPIR le rôle de «faux témoins » de toutes ces histoires arrangées.
DES MAILLONS MANQUANTS ET….TROUBLANTS DE LA CHAÎNE.
59. La chaîne, dit-on, n’est forte que de son plus faible maillon. Le déroulement de ce procès, depuis 10 ans, devant le TPIR ne semble pas interpeller outre mesure ni l’Accusation, ni les Chambres sur des maillons manquants et troublants de la chaîne de l’histoire du drame rwandais :
1) l’absence au dossier judiciaire des enquêtes dites « spéciales » sur les crimes commis par les membres du FPR ainsi que les émissions de « Radio Muhabura » du FPR, créée avant la RTLM ; ce qui aurait permis d’évaluer à sa juste portée la responsabilité des uns et des autres dans la tragédie rwandaise et dans « l’incitation à la haine ethnique » ;
2) l’embargo décidé par l’ancien Procureur Louise Arbour sur des parties dignes d’intérêt du rapport Hourigan et du Rapport Gersony, chargés de clarifier des pans entiers du drame rwandais, au-delà de sa face visible et convenu aujourd’hui comme « judiciairement correcte » ;
3) le refus des chambres du TPIR de considérer l’attentat contre l’avion d’un président de la République, en l’occurrence Juvénal Habyarimana et sa suite, assassiné dans la nuit du 6 avril 1994, comme relevant de la compétence ratione temporis du Tribunal, et en même temps le zèle des mêmes Chambres à traiter, enquêter, juger sur l’assassinat, le 7 avril 1994, au matin, d’un 1er ministre, Agathe Uwilingiyimana et d’autres membres de son cabinet ou d’un haut magistrat de la Cour constitutionnelle, Joseph Kavaruganda, en considérant que leurs cas à eux relevaient bien de la compétence du TPIR. Or, le premier Procureur du TPIR Richard Goldstone avait reconnu pour sa part que l’attentat du 6 avril 1994 qui a coûté la vie au Président Habyarimana et à sa suite rentrait bel et bien dans la compétence du TPIR.
4) la non prise en compte, dans l’appréciation du drame rwandais, de la dimension de « GUERRE » avec toutes ses conséquences désastreuses, notamment les dysfonctionnements, voire les paralysies administratives et judiciaires du gouvernement rwandais. Car, d’octobre 1990 à juillet 1994, la guerre a sévi sans relâche au Rwanda. Quel est ce système judiciaire, quelle est cette logique de justice qui ne saurait intégrer dans sa démarche globale de recherche de la vérité et de la justice, cette donnée « guerre » qui est à l’origine de toutes les dérives que l’on déplore ?
60. Un Tribunal, quelque soit le système juridique qui le régit (civil law ou common law…) n’est pas, de notre point de vue, une usine de production des jugements à la chaîne, mais une œuvre humaine de justice et de vérité. Dire le droit est, en plus, une affaire de bon sens, de cohérence, de vérité dans le respect de la règle du droit et celui de l’éthique de la profession de magistrat ; dans le respect de la robe que porte-le juge comme un symbole de son autorité, de sa neutralité, de sa rigueur dans l’exercice de son métier. Aujourd’hui, 15 ans après la tragédie rwandaise, nous sommes convaincus et nous déclarons solennellement qu’aucune œuvre de justice digne de ce nom ne peut sortir des chambres du TPIR si, dans son élaboration, la vérité est étouffée.
[…]
62. Notre position sur ce drame est claire : 1. les tueries, les violences, les massacres, les pillages, aussi amples, atroces et déplorables eussent-ils été, doivent s’inscrire dans l’histoire du drame rwandais comme des crimes de masse commis par des individus, seuls ou en groupe, dans la logique des affrontements intercommunautaires et intracommunautaires hutu-tutsi, suite à l’abattage de l’avion présidentiel par le FPR le 6 avril 1994. Ils ne sont pas des crimes planifiés et commandités par des responsables publics au pouvoir, opérant dans un système de criminalité d’Etat à travers la hiérarchie institutionnelle de l’Etat contre l’ethnie tutsie sur l’ensemble du territoire rwandais.