C’est dans la soirée du 19/01/2012, dans une salle archicomble de la librairie UOPC à Bruxelles, que le père Guy Theunis, prêtre et membre de la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs), a présenté son livre « Mes soixante-quinze jours de prison à Kigali ».
Avant de commencer son propos, le père Guy Theunis a demandé au public présent d’observer une minute de silence en mémoire de toutes les victimes du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, au Rwanda et en RDC.
Arrêté le 6 septembre 2005 à Kigali alors qu’il était en transit et s’apprêtait à prendre un avion pour la Belgique, Guy Theunis sera présenté au Tribunal Gacaca le 11 septembre de la même année et accusé notamment d’avoir participé à la préparation du génocide d’avril 1994 qui, n’a pas été planifié selon le TPIR lui-même.
Après 75 jours de prison, il fut relâché pour être jugé en Belgique. Après plusieurs interrogatoires qui ont duré 7 mois à raison de deux séances par semaine et de nombreuses investigations, le dossier qui était vide comme l’avait montré ses avocats rwandais, fut classé sans suite par la justice belge en 2010.
Guy Theunis vit, depuis 2007, à Jérusalem, où il est responsable de sessions de renouveau biblique et spirituel.
« 1930 », une prison mouroir
La prison de Kigali est connue sous le nom de « 1930 », année dans laquelle elle a été construite par le colonisateur belge. Guy Theunis a eu de la chance car il avait sa propre cellule alors que la vie des autres prisonniers était infernale. Ils vivaient dans une promiscuité indescriptible. Il ne pouvait en être autrement car la prison, construite pour 600 détenus, en hébergeaient près de 6000. Pire encore, le gouvernement rwandais interdit aux membres de famille d’assister les prisonniers notamment par des rations alimentaires. La faim et les mauvaises conditions de détention font que le taux de morbidité y est très élevé.
Guy Theunis a néanmoins loué le courage de ses compagnons d’infortune qui prennent leur sort avec philosophie. Il a souligné leur esprit de solidarité dans leur malheur et leur sens d’organisation. Il a présenté un de ses amis rencontré en prison, un certain Rwahama qui, après avoir été diplomate à Bruxelles, a été mis en prison à son retour au Rwanda. Il était chef des autres prisonniers et a aidé le prélat comme il pouvait. Il a été invité à se présenter au podium et a été applaudi par la salle.
Des tribunaux Gacaca iniques
Devant le tribunal Gacaca de Kigali, Guy Theunis a eu 18 témoins à charge. Les accusations étaient farfelues comme celle qui prétendait qu’il a égorgé, de ses propres mains, plus d’une soixante de personnes devant l’Eglise Sainte Famille à Kigali en avril 1994 alors qu’il n’était plus au Rwanda durant la période concernée.
Pour Guy Theunis, les Gacaca ont été conçus pour faire mourir des gens en prison. Un chercheur présent dans la salle a estimé qu’un hutu mâle sur deux est concerné par Gacaca. Guy Theunis a ajouté que sur certaines « listes des génocidaires » publiées régulièrement par les autorités rwandaises pour qu’ils soient recherchés figurent des personnes en prison au Rwanda mais dont on ignore l’existence. Il a déploré le fait que bon nombre de prisonniers, arrêtés en 1994, viennent de passer plus de 17 ans sans dossiers.
Remerciements
Outre Rwahama, le père Guy Theunis a remercié tous ceux qui lui ont apporté une aide durant ces moments difficiles dont ses avocats, Allison Des Forges, le seul témoin à décharge dans son procès, Reporters Sans Frontières, les autorités belges et l’ambassade de Belgique à Kigali à qui il avait demandé de lui rendre visite chaque jour car au Rwanda tout est possible y compris la disparition pure et simple de prisonniers, la police fédérale pour son attitude correcte en son égard, la sœur Anne Cathérine présente elle aussi dans la salle et qui a été longuement applaudie, une certaine Alice Ingabire rwando-américaine pour son témoignage, la Croix Rouge, l’association « Umusamaritani w’impuhwe » (Le bon samaritain)…
Des témoignages qui donnent la chair de poule
Des témoignages en provenance de l’assistance ont été nombreux sur l’injustice institutionnalisée au Rwanda via les Gacaca, l’usage des listes des génocidaires à des fins criminels, la désinformation opérée par la presse qui s’est encore vue dernièrement au sujet du rapport du juge français Trévidic sur la descente de l’avion du président Habyarimana, l’emprisonnement de Rwandais en Belgique sur simple dénonciation par des délateurs formés au Rwanda,…
Atmosphère de fin de règne au Rwanda
Le père Guy Théunis a estimé, à une réponse à une question lui posée, qu’il y a comme une atmosphère de fin de règne au Rwanda. Il suffit notamment de penser aux proches de Paul Kagame exilés en Afrique du sud, aux officiers supérieurs mis récemment aux arrêts (trois généraux et un colonel), etc. Le conférencier a demandé que Hutu et Tutsi se mettent ensemble pour préparer une relève pour un Rwanda exempt de violence et d’injustice, un Rwanda dans lequel on puisse vivre en paix.
Gaspard Musabyimana
20/01/2012