Lettre des réfugiés rwandais au Cameroun au Haut Commissaire-HCR
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COMMUNAUTE DES REFUGIES RWANDAIS – YAOUNDE
BP : 11190 Yaoundé Tél : (+237) 22.22.80.89
  E-mail : crefry04@yahoo.fr

Unité    –   Paix   –    Entraide

Yaoundé, le 25 Avril 2008

Objet : S.O.S. des réfugiés rwandais au Cameroun.

A son Excellence Monsieur le Haut Commissaire des Nations-Unies pour les Réfugiés à Genève.

                                        Monsieur le Haut Commissaire,

Nous, membres de la communauté des réfugiés rwandais au Cameroun, avons l’honneur de vous adresser cette lettre dont le contenu est un cri d’alarme et non une revendication politique. C’est la première fois, Excellence, que nous vous faisons parvenir une correspondance de ce genre depuis notre exil en 1994.

En effet, nous avons été inquiétés par les informations reçues du Chargé de Protection au Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés au Cameroun le 04 mars 2008. Il nous faisait part du message venant du siège du H.C.R à Genève datant du 22 février 2008 selon lequel une clause de cessation de protection des réfugiés rwandais était en étude. De ce fait, il est de notre devoir de recourir auprès de votre haute autorité, afin de lancer un S.O.S. suite à ce projet imminent dont nous risquons d’être victimes.

Il convient de signaler que ces informations viennent s’ajouter à la décision du représentant du H.C.R au Cameroun de ne plus octroyer le statut de  réfugié aux demandeurs rwandais à l’exception de certains cas particuliers. Celle-ci a entraîné de nombreux refus au sein de la communauté des réfugiés rwandais. Toutes ces mesures n’ont d’autres objectifs que de nous déstabiliser et nous priver de nos droits définis par les instruments juridiques internationaux tels que :

–          La Déclaration Universelle des Droits de l’homme.

–          Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole additionnel de 1967.

–          Convention de l’O.U.A de 1969 relative au statut des réfugiés

Excellence, l’histoire récente, hélas triste, de notre pays le Rwanda, a comme

repère, la guerre qui a laissé des milliers de victimes innocentes dans le désarroi. Nous faisons parti de ceux-là qui, jusqu’aujourd’hui, sont privés de certains droits des réfugiés. Nous savons, plus que quiconque, combien il est très difficile d’être réfugié et de vivre dans les conditions qui sont les nôtres­.

Malgré cela, nous acceptons tant bien que mal cette situation que les problèmes sociaux-politico-éthniques du Rwanda nous imposent, tout en espérant que les conditions propres à favoriser notre retour au pays natal puissent être réunies.

Les raisons qui nous ont poussés à aller « extra muros » de notre patrie sont encore là. Malheureusement, le régime en place ne ménage aucun effort pour cacher à la communauté internationale la réalité de ses atrocités contre la population, et de ses nombreuses violations des droits de l’homme.

Les stratégies utilisées pour gagner la confiance de la communauté internationale restent les mêmes depuis la prise du pouvoir par les armes : montrer au monde entier que tout va bien, que le Rwanda est le havre de paix où coulent le lait et le miel ; que les droits de l’homme sont respectés, bref, que c’est un paradis où il fait bon vivre !

Pourtant, derrière ces mensonges se cache la vraie vérité : le peuple rwandais vit sur les « magmas » tissés par la théorie du «génocide », dont les auteurs ne veulent pas entendre parler de la vérité et réconciliation, du pardon entre Hutus et Tutsis,et de la démocratie.

Aujourd’hui, la fuite massive de certaines personnes, qui faisaient partie du régime actuel, révèle l’incapacité et le disfonctionnement de la machine politique au Rwanda. Leurs témoignages sont accablants, mais hélas, la communauté internationale reste muette. Nous citons à titre d’exemples :

–          Le Général Major Emmanuel HABYARIMANA ancien ministre de la défense.

–          M. François NSANZUWERA, ancien procureur.

–          M. Faustin TWAGIRAMUNGU, ancien premier ministre.

–          M. Sixbert MUSANGAMFURA, ancien secrétaire général du service de renseignement.

–          M. Pierre Célestin RWIGEMA, ancien premier ministre.

–          Colonel Théoneste LIZINDE, ancien député, assassiné à Nairobi ( Kenya) .

–          Colonel Léonidas RUSATIRA, ancien officier supérieur A.P.R.

–          M. Célestin SEBARENZI, ancien président de l’Assemblée Nationale.

–          M. Jean Baptiste NKULIYINGOMA, ancien ministre de l’information.

–          M. Seth SENDASHONGA, ancien ministre de l’intérieur, assassiné à Nairobi     (Kenya).

–          Lieutenant Abdul RUZIBIZA, ancien officier A.P.R…la liste est très longue.

Pire encore, la gestion du pouvoir est entre les mains de ceux qui sont actuellement accusés et sous mandats d’arrêt internationaux (voir les copies en annexes 1 et 2).

Excellence, nous nous demandons comment on peut vivre  dans  un pays où :

–          La braise de la haine et de la vengeance est toujours allumée à chaque « commémoration » du « génocide » pour rappeler aux Tutsis que tout Hutu est mauvais, génocidaire, y compris les enfants nés après les événements tragiques qu’a connus notre pays?

Il n’est plus un secret pour personne que ces « commémorations » restent orientées et partiales, du fait que le génocide et les massacres commis à l’encontre des Hutus sont passés sous silence.

–          Le « génocide » est devenu un fonds de commerce et un tremplin pour mieux asseoir le régime de Kigali.

–          Le fait d’exhumer et d’exposer des restes humains est en contradiction avec notre culture qui exige le respect et la dignité dans la sépulture des morts. Dans ces conditions, rien ne nous empêche de penser que ces ossements et crânes exposés seraient les restes humains des Hutus. Ce qui n’est pas de nature à favoriser la réconciliation du peuple rwandais.

Excellence, la justice étant le socle de la réconciliation et de la paix au Rwanda, nous

constatons avec regret qu’elle est loin d’être impartiale dans notre pays. Selon le régime

actuel de Kigali, les victimes sont les Tutsis, les bourreaux sont les Hutus.

La communauté internationale devrait bien comprendre que le « génocide » rwandais est unique dans son genre, du fait que les auteurs qui se déclarent victimes restent bénéficiaires et juges.

Les juridictions populaires « gacaca » montrent combien la justice rwandaise est basée sur l’esprit de vengeance, de règlement de compte et de la haine. Par manque de preuves, on recourt à l’idéologie du génocide.

La justice rwandaise semble ignorer les principes généraux du droit tel que : « on ne peut pas être juge et partie  et la présomption d’innocence ».

La majorité des Hutus qui ont fui le régime en place sont automatiquement condamnés injustement par contumace dans le cadre du « gacaca » pour des raisons politiques.

L’impunité est devenue le bouclier de ce régime qui n’a jamais été poursuivi pour le crime de guerre, le crime contre l’humanité et le génocide que le Front Patriotique Rwandais (F.P.R.) a commis depuis le 1er octobre 1990 jusqu’aujourd’hui dont notamment:

– L’extermination de la population de Byumba, Ruhengeri, Kibungo, Kigali rural.

– Les massacres des milliers des déplacés de Kibeho (plus de 8.000 victimes, voir le document en annexe 3).

– L’élimination des élites de l’église catholique.

– L’extermination des millions des réfugiés hutu en R.D.C.

– Le droit de propriété privée qui n’est pas respecté.

Comment ces personnes au pouvoir au Rwanda et qui aujourd’hui sont placées sous mandats d’arrêt internationaux peuvent-elles assurer notre sécurité alors que c’est à cause de leurs crimes commis contre les nôtres qu’ils sont poursuivis ? Selon les informations récentes, il y aurait eu un massacre de 466 prisonniers qui figuraient parmi les élites du régime du Président  HABYARIMANA (voir document  en annexe 4).

Excellence, il est vrai que nous souhaitons rentrer, un jour, sur le sol de nos aïeux. Mais pour l’immédiat, il nous est impossible de le faire, parce que le régime de Kigali nous considère comme ses opposants potentiels ou supposés, voire ses ennemis, du fait que beaucoup parmi nous sont des témoins gênants de ses divers crimes et atrocités. Ce qu’il veut, c’est nous faire rentrer et se débarrasser de nous sans que personne ne s’en rende compte comme cela a été le cas dans le passé. 

Excellence, la communauté des réfugiés rwandais au Cameroun n’a cessé de prôner la paix, seul gage du bien-être de ceux qui habitent cette planète terre. C’est pourquoi nous sollicitons tous les hommes de bonne volonté de contribuer au retour à la paix, à la démocratie, à la réconciliation nationale et à la cohabitation pacifique dans notre pays, le Rwanda. Qu’ils ramènent les autorités rwandaises à la raison, afin qu’elles puissent enterrer « la hache de la haine » !

Nous vous sollicitons, enfin, Excellence Monsieur le Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés d’user de tout votre pouvoir afin de sauvegarder les droits les plus fondamentaux des réfugiés rwandais.

Espérant une suite favorable à notre requête, nous vous prions, Excellence, d’agréer l’expression de notre haute considération.

C.P.I :                                                                                                                                                                                                                                 

– Son Excellence Monsieur le Président de la République du Cameroun.

– Monsieur le Ministre des Relations Extérieures du Cameroun.

– Monsieur le Délégué Général à la Sûreté Nationale du Cameroun.

– Monsieur le Représentant du HCR au Cameroun.

– Bureau des Droits de l’Homme au Cameroun.

– Le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’homme.

– Représentant de la Communautés Européenne au Cameroun.

– Le Nonce Apostolique.

– Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Cameroun.

– Ambassadeur de France au Cameroun.

– Ambassadeur de la Grande au Cameroun.

– Ambassadeur de Chine au Cameroun.

– Ambassadeur de Russie au Cameroun.

– Ambassadeur d’Espagne au Cameroun.

– Ambassadeur d’Allemagne au Cameroun.

– Ambassadeur d’Italie au Cameroun

– Ambassadeur du Canada au Cameroun

– Ambassadeur de Belgique au Cameroun

– Le Président de la Commission de l’Union Africaine.

– Ambassadeur d’Afrique du Sud au Cameroun

– Ambassadeur de la République du Congo au Cameroun.

– Ambassadeur du Congo Brazzaville au Cameroun.

ANNEXES :

– Mandats d’arrêt internationaux ( annexes 1 et 2):

  * Mandats émis par le juge Jean Louis Bruguière.

  * Mandats émis par le juge Fernando Andreu Merelles.

– Massacres de Kibeho (annexe 3).

– Article sur le massacre de 466 prisonniers (annexe 4).

Pour la Communauté des réfugiés rwandais au Cameroun

Le comité de coordination :

– NZABAKURIKIZA Apollinaire              Coordinateur

– SIBOMANA André                                   Coordinateur Adjoint

– MUBERUKA Félicien                             Membre

– NKURIYEKUBONA Anselme                Membre

– MUGWIZA Ferdinand                             Membre

– GAHUTU Emmanuel                               Membre

– MUNYANTWARI André                        Membre

– RUTAGERURA Bernardin                     Membre

– MISAGO Déo                                          Membre

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