« Kizito avait du génie, mais MIHIGO était beau » 
+
Rubrique : Actualité
Mot-clés :

Publié le 23 Fév 2020 par Augustin Baziramwabo

Nous sommes nombreux dans ma génération à avoir été marqués par Kizito MIHIGO et son génie pour la chanson. Je n’ai pour autant jamais fait partie des personnes qui l’ont rencontré ou fait partie du premier cercle de fidèles autour de lui. Et je n’ai pas une légitimité de cœur ou de combat pour lui rendre hommage aujourd’hui. Mais, peut-être ai-je simplement celle d’un regard rétrospectif au sujet du tsunami socio-politique qui embrasa notre pays en 1994 et qui semble avoir été le fil conducteur de cette communauté d’intérêts qui nous rapprocha de Kizito mais qui, comme la nostalgie, n’est pas ce qu’il devrait être. J’ose espérer qu’il y a plus qu’une poignée de Rwandais-e-s qui se demandent à juste titre où va le Rwanda de Paul Kagame, un autre naufrage totalitaire…

Modèle inatteignable, Kizito MIHIGO vient de nous quitter au moment où le Rwanda et les Rwandais-e-s avaient davantage besoin de lui.

Les jeunes de moins de vingt ans qui décideront un jour de suivre ses pas sauront plus tard que les élèves ne peuvent jamais être à la hauteur de leurs maîtres, et c’est tant mieux. Kizito a représenté pour nous tous le profil du militant idéal pour la paix et la réconciliation des Rwandais-e-s. Un militantisme subtilement forgé dans le moule du génie de la chanson, un génie fait de rectitude et d’honnêteté intellectuelles qui l’ont souvent amené à toujours tenir le cap dans les eaux agitées de la question rwandaise.

Au moment où ses bourreaux viennent de l’arracher lâchement à la vie, nous prenons la mesure de la stature d’un jeune homme qui a su garder la distance envers les sirènes qui lui enjoignaient de donner de faux témoignages contre les opposants potentiels au régime qui le pourchassait, après l’avoir un temps caressé dans le sens du poil. Était-ce une façon de mieux s’en approcher avant de le faire taire à jamais ? Si tel était l’objectif recherché par ce régime aux abois, c’est raté ! Sa musique lui survivra et le fera survivre…

Nous n’allons cesser de célébrer sa chanson, son regard enjoué – parfois espiègle mais surtout séducteur –, sa conscience et son souci pour la réconciliation véritable des Rwandais-e-s. C’était, à ce jeune âge, une grande figure captive. C’est Lamartine qui traduit le mieux notre état d’esprit quand il dit : « un seul être vous manque et tout est dépeuplé […]». Les Rwandaises et les Rwandais viennent de perdre un grand homme. Un homme de devoir et peut-être – le saura-t-on jamais ? -, serait-il devenu un jour un grand homme d’État que le Rwanda a toujours rêvé d’avoir. Le génie de Kizito et sa séduction n’étaient pas qu’intellectuels. Il aimait la vie et n’aurait peut-être pas aimé notre tristesse et notre accablement que son regard éternellement tendre et bienveillant refuse de partager. Après avoir exprimé mes condoléances les plus attristées à l’endroit de sa mère, je me permets, en étouffant un sanglot qui m’envahit au moment de conclure ces lignes, de dire à la manière de Cyrano de Bergerac : « Kizito avait du génie, mais MIHIGO était beau ». Nul besoin d’ajouter que je partage la peine et la tristesse que les Rwandais-e-s de bonne foi peuvent ressentir aujourd’hui.

Augustin Baziramwabo
Canada

 

 

 

 

Pas de commentaire

COMMENTS

Les ommentaires sont fermés